Amar ghoul, ministre des transports, à l’expression : « Tout ce qui bloque à Air Algérie changera »

Amar ghoul, ministre des transports, à l’expression : « Tout ce qui bloque à Air Algérie changera »

Le secteur des transports est en pleine restructuration. Que ce soit au niveau aérien, maritime ou terrestre, de longs retards sont accusés ces dernières années ayant entraîné la régression de la part de l’Etat dans l’activité transport. Dans cet entretien, le ministre des Transports, Amar Ghoul, revient sur les différentes difficultés et les grandes mesures engagées pour sauver un secteur censé contribuer au développement de l’économie nationale. Ecoutons-le.

L’Expression: Pouvez-vous revenir sur les conditions dans lesquelles vous avez pris en charge le département des transports déjà miné par un certain nombre de problèmes…?

Amar Ghoul: Depuis mon arrivée il y a un an, j’ai trouvé un secteur très important, vaste et complexe. Un secteur qui nécessite tout d’abord, un travail colossal de réorganisation à tous les niveaux. Ça a été ma première appréciation car on ne peut rien faire pour le secteur des transports si nous ne réorganisons pas les trois domaines: aérien, maritime et terrestre. Pour cerner la problématique du secteur et identifier les urgences, nous avons pris le taureau par les cornes en engageant pour la première fois dans l’histoire du secteur des Assises nationales du transport.

Tous les intervenants de près ou de loin dans ce secteur ont pris part aux discussions entre les syndicats, les partenaires, les opérateurs économiques. Un débat de fond et responsable a eu lieu et a permis de déboucher sur une série de recommandations. Depuis décembre et pour traduire ces recommandations sur le terrain, nous avons fait un travail interne à travers des rencontres spécialisées. Nous sommes à la 14è rencontre et l’objectif est d’évaluer ce qui a été fait sur le terrain.

Sur le plan aérien, nous avons finalisé avec Air Algérie l’achat des 16 avions dont deux avions cargos pour conforter sa flotte et l’amener à 59 avions. La réalisation de cinq tours de contrôle et un centre de couverture pour la navigation aérienne qui est en cours de réalisation à Tamanrasset. Ces projets ne sont pas sur papier, ce sont des projets lancés sur le terrain. Dans le domaine maritime, nous avons engagé le programme d’achat de 27 navires dont 6 seront acquis avant la fin 2014 pour reconstituer le pavillon national.

Comment expliquez-vous l’étrange multiplication des incidents qui ont touché ces derniers temps la compagnie nationale Air Algérie?

Je crois qu’il faut faire la différence à deux niveaux. Le premier axe est que Air Algérie a ses atouts et ses faiblesses. Elle a été diagnostiquée lors des assises. Certes, le domaine aérien dont la sécurité est très sensible, requiert beaucoup de choses qui doivent être mises à niveau. Certains aspects que j’appelle petits incidents s’expliquent par le fait qu’Air Algérie a été mise sous de gros projecteurs induits par ces petites défaillances qui ont été parfois amplifiées plus qu’il ne faut.

Il faut savoir que cela n’est pas propre à Air Algérie. Des incidents arrivent de par le monde. Nous sommes en train de réfléchir afin de corriger ces erreurs et responsabiliser les gens. Je l’ai dit et je le répète, je refuse de dénigrer et dénaturer l’image d’Air Algérie ou être entraîné par cette volonté de casser la compagnie nationale. Nous allons être fermes sur le détail, quelle que soit la nature des incidents nous allons sévir. Nous n’accepterons plus qu’il y ait un laisser-aller. A l’avenir, on ne tolèrera plus ce genre d’incident. C’est pourquoi nous avons engagé un audit.

Concrètement en quoi consiste cet audit?

Nous avons chargé l’inspection générale du transport à faire la lumière sur toute la compagnie par l’examen de tous les axes de gestion, de management, de l’encadrement, des ressources humaines et du recrutement, les prestations et les services d’Air Algérie et enfin l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise. Autrement dit, il s’agit d’une auscultation qui revoit de fond en comble le fonctionnement de l’entreprise pour sortir en urgence avec un programme de mise à niveau et de développement de la compagnie dans le cadre d’une vision futuriste. Nous allons travailler pour une bonne répartition de la flotte et améliorer la prestation de service avec la réception des 16 avions.

Les résultats de l’audit seront-ils publiés? Peut-on s’attendre à des changements au sein de la compagnie?

Je le dis et je pèse mes mots, nous n’allons pas engager un audit juste pour calmer les esprits ou faire un travail de façade. Nous voulons réellement faire un travail de fond pour engager une réforme à tous les niveaux de la compagnie. Ce sont les instructions du président de la République et du Premier ministre. Les résultats seront transmis au Premier ministre et des décisions seront prises au sein du gouvernement. Certes, des audits ont été menés par le passé sans pour autant déboucher vers un changement.

Cette fois-ci, nous allons faire un travail radical, croyez-moi, tout ce qui bloque changera et tout ce qui freine au niveau de l’entreprise cessera car nous voulons changer totalement de cap. Air Algérie est lourde avec presque 10.000 employés, il y a beaucoup de pléthore et des problèmes d’organisation. Nous voulons changer cette image et hisser la compagnie à un niveau de professionnel. Ce qui nécessite évidemment des formations à tous les niveaux. Des mesures certes, coercitives seront prises et des mesures incitatives pour les cadres qui font convenablement leur travail.

A quand l’ouverture du ciel algérien?

En ce qui concerne l’open-sky, la question a été largement débattue par les participants et nous sommes arrivés à la conclusion suivante: si on engage tout de suite l’open-sky cela va mettre en faillite Air Algérie et Tassili Airlines. Nous sommes prêts à avoir des coopérations bilatérales avec certaines compagnies mais nous sommes obligés de protéger l’outil national et le mettre à niveau. Une fois ce programme achevé nous allons procéder à l’ouverture du ciel algérien qui est un marché très attractif. Le report de cette démarche dérange certains intérêts ou certaines parties qui veulent accaparer le marché algérien. Ce qui explique, peut-être, les tirs croisés sur la compagnie nationale. A ce titre là je rends hommage aux cadres et aux syndicats qui ont défendu leur compagnie.

La baisse des tarifs des billets d’avion pour notre communauté installée à l’étranger n’a pas eu d’écho, beaucoup parlent d’arnaque…

Selon un bilan préliminaire qui m’a été transmis, 75% des passagers ont bénéficié des réductions de plus de 50%. Plus de 87% des Algériens venus de Paris, Marseille, Lyon, ont bénéficié des baisses. Or, il ne faut pas confondre ceux qui ont acheté leur billet en janvier 2014 ou en mars car la décision a été prise lors de la campagne électorale et engagée en juin.

Concernant le transport maritime, ce secteur a été longtemps marginalisé, pourquoi?

Effectivement, c’est le parent pauvre. Ce secteur a été complètement délaissé alors qu’il représente le poumon de l’économie nationale. Je dois rappeler que la création d’un armement national était la première mesure prise par l’Algérie indépendante à travers la création de la Cnan en 1963. Avec 78 navires de tous types, la flotte nationale était classée parmi les 50 premières mondiales, et ce, grâce à un investissement solide qui n’a pas été préservé par la suite sachant que 95% des échanges avec l’extérieur sont opérés via la mer et l’Algérie ne couvre que 2%, ce qui est lamentable.

Comment expliquer que l’Algérie qui disposait de la première flotte maritime africaine dans les années 1970-1980, ait régressé à ce point dans un secteur aussi stratégique?

L’absence de suivi et d’investissement dans ce secteur a induit la régression du pavillon national et par conséquent ses capacités en matière de participation à la couverture extérieure de notre pays passant de 35% à 2% actuellement. Ceci est dû également aux opérations de restructurations successives qui ont privé la Cnan des activités rentables: transport de passagers, d’hydrocarbures, la manutention et la consignation.

L’état de vétusté avancé de la flotte marchande a entraîné des charges d’exploitation considérables ne permettant pas de faire face à la concurrence internationale. C’est déplorable mais, il faut le dire, les opérations d’assainissement menées par les pouvoirs publics n’ont pas évité le déclin de l’armement national. L’absence d’une politique de gestion et de maintenance a empiré les choses. L’Entreprise nationale de réparation navale Erenav ne couvre actuellement qu’environ 15% à 20% du marché national de réparation navale estimé à 70 millions de dollars par an. Ce qui constitue des pertes énormes pour notre économie.

L’Algérie, un importateur important, ne dispose pas (ou plus) de navire(s) de transport de marchandise. A quoi cela est dû?

En plus des raisons déjà soulevées, il ne faut pas perdre de vue que les mutations intervenues sur le plan international, notamment les nouvelles technologies en matière de transport maritime à travers la généralisation de la containeurisation a fait que cette activité relève exclusivement des compagnies maritimes les plus importantes. Compte tenu de son état, la flotte de transport de marchandise a fait l’objet de décision des pouvoirs publics pour sa cessation. Malgré les programmes de développement et de redressement de la flotte, les résultats demeurent en deça des objectifs escomptés.

Un programme de développement de la flotte a été engagé, avez-vous réellement les moyens de cette politique?

Considérant que la situation à laquelle est arrivé le pavillon national est préoccupante et compte tenu de son apport au développement économique, le gouvernement a pris toutes les mesures pour relancer cette activité. Un programme, ambitieux a été mis en oeuvre pour la réhabilitation de la flotte maritime. Je vous ai parlé de l’acquisition de 27 navires dont deux pour le transport des passagers. Avec ce programme, le pavillon national atteindra 25% du marché de transport maritime. Le gouvernement a consacré tous les moyens financiers et matériels pour mener à terme ses programmes.

En parallèle, des programmes de formation sont en cours pour augmenter les capacités en matière de ressources humaines. Les trois écoles de Mostaganem, Bou-Ismaïl et Béjaïa dispensent des formations conformes aux normes et standards internationaux. Dans ce sens, nous avons pris les dispositions pour aménager nos ports et augmenter leur capacité d’accueil je cite le port de Djendjen qui est devenu un port de transit de véhicules avec plus de 440.000 véhicules par an. Le port d’Alger comme vous le constatez fait l’objet de travaux d’extension et de modernisation afin d’atteindre d’ici 2016 une capacité de traitement d’un million de conteneurs par an. Nous allons même équiper nos ports du guichet unique électronique pour faciliter le traitement des marchandises. La réhabilitation des espaces et des infrastructures d’accueil.

Comment évaluez-vous la navette reliant la Pêcherie au port de plaisance de Aïn Benian?

L’expérience de la navette a donné ses preuves. L’opération pilote entre le port d’Alger et le port d’El Djamila a connu un grand engouement au point où on parle de bousculade. C’est tout à fait normal, car les Algériens découvrent pour la première fois une traversée au niveau de la capitale. Pour désengorger les nouvelles agglomérations, nous avons pris la décision de développer cette activité vers d’autres villes. Des dessertes seront ouvertes entre les différents ports et plus tard à d’autres régions. Une compagnie en partenariat spécialisé sera créée pour cette nouvelle activité qui sera ouverte à d’autres opérateurs publics et privés.

Pour le transport urbain, où en sont les projets de métro et de tramway?

Les travaux sont en cours au niveau des différents chantiers et nous avons même des délais de réception. L’extension du métro d’Alger s’étale sur un programme qui va jusqu’à 2025 pour couvrir l’est à l’ouest d’Alger soit de l’aéroport d’Alger jusqu’à Draria et Chéraga. Concernant le tramway, le dernier tronçon sera mis en service en novembre et l’extension reliant les Fusillés – Bir Mourad Rais l’appel d’offres est en phase de préparation. Ces moyens de transport seront élargis à d’autres villes après Oran, Constantine, des travaux de réalisation des lignes de tramway sont lancées à Ouargla, Sidi Bel Abbès et Mostaganem. Pour Sétif, Annaba et Batna les travaux seront lancés avant la fin de l’année en cours.

Y a-t-il de nouvelles mesures pour freiner l’hécatombe sur nos routes?

Nous allons renforcer le dispositif par l’introduction d’un appareil numérique (chronotachygraphe) pour le contrôle de la vitesse des véhicules de transport de marchandise et ainsi améliorer les conditions d’obtention du permis de conduire des véhicules automobiles de toutes catégories.

«Rien ne presse pour la Constitution»

Avec votre permission, nous abordons le sujet phare de la révision de la Constitution. Où en est le rapport? Etes-vous au courant du contenu?

La synthèse a été faite par le directeur de cabinet de la Présidence et a été remise au président de la République. Ce rapport n’a pas été communiqué ni au gouvernement ni aux partis. Le président prendra le temps qu’il faut.

Vous estimez qu’il ne faut pas précipiter les choses, pourquoi?

Effectivement, la Constitution n’est pas un dossier de conjoncture qui doit répondre à une urgence. Puisque aucune condition n’a été fixée sur le contenu nous avons dit qu’il faut profiter pour parvenir à une Constitution consensuelle qui rassemble tous les Algériens. C’est pourquoi nous avons proposé lors de la rencontre avec Ouyahia la tenue d’une conférence nationale qui regroupera toutes les parties même celles qui ont boycotté pour élargir le champ de concertation afin de leur permettre de participer effectivement de bout en bout à l’élaboration de la loi fondamentale du pays. A mon avis, rien ne presse pour entériner ce projet. Nous avons tout le temps pour le faire.