Dilma Rousseff a été largement élue dimanche soir première femme présidente du Brésil. Elle a devancé de plus de onze points son rival social-démocrate José Serra au second tour de l’élection présidentielle.
L’ex-numéro deux du gouvernement du président Luiz Inacio Lula da Silva a obtenu 56% des voix et l’ancien gouverneur de Sao Paulo 44%. Bien que dénuée de charisme, Dilma Rousseff, 62 ans, avait tout de même la réputation de «dame de fer» quand elle était au gouvernement.
De plus, elle a combattu la dictature militaire dans les années 1970 et a été emprisonnée pendant 24 mois. Autant d’atouts qui lui permettront de se faire respecter autant par ses partisans que par ses adversaires politiques.
Dilma Rousseff, qui a suivi les résultats avec le président Lula, a prononcé une courte allocution avant de célébrer sa victoire sur l’esplanade des ministères, au cœur de la capitale fédérale.
Emue aux larmes, Dilma Rousseff a remercié son mentor politique et s’est engagée à poursuivre son œuvre en éradiquant la pauvreté au Brésil, un géant de 193 millions d’habitants devenu la huitième économie du monde. La présidente élue a affirmé qu’elle «frappera souvent à sa porte». «La tâche de lui succéder est difficile et représente un défi, mais je saurai honorer cet héritage et amplifier son travail», a-t-elle assuré devant ses partisans réunis dans un grand hôtel de Brasilia.
Elle a ainsi réitéré son «engagement fondamental» à éradiquer la misère pour tous les Brésiliens et les Brésiliennes. «Nous ne pourrons avoir de repos tant que des Brésiliens souffriront de la faim», a-t-elle ajouté, selon l’AFP qui a rapporté l’information.
Dans un discours aux allures de programme, Dilma Rousseff a aussi critiqué le protectionnisme des pays riches et a demandé la mise en place de règles beaucoup plus claires contre la spéculation qui augmente la volatilité des monnaies. Lula, qui ne pouvait se représenter après deux mandats successifs, doit transmettre le pouvoir à sa dauphine le 1er janvier.
Il n’a rien dévoilé de ses projets d’avenir, mais l’opposition le soupçonne de vouloir être l’éminence grise de sa protégée. Samedi, celle-ci avait assuré que, si elle était élue, elle maintiendrait une relation «intime et forte» avec son mentor Lula. Ce dernier a toutefois écarté dimanche une participation à un gouvernement Rousseff.
Les défis de la «dame de fer»
Au sommet d’une popularité record de plus de 80%, Lula lui laisse une situation confortable : ample majorité au Parlement, croissance de plus de 7% en 2010 et une société satisfaite des améliorations de son niveau de vie. Vingt-neuf millions de Brésiliens sont sortis de la pauvreté depuis 2003 et ont accédé à la classe moyenne qui constitue désormais plus de la moitié des 193 millions d’habitants. Mais en s’installant dans le fauteuil de Lula, le 1er janvier prochain, Dilma Rousseff va aussi trouver une pile de dossiers non résolus.
Dans l’un des pays les plus violents au monde, il reste encore 30 millions de personnes dans la misère, il manque plus de cinq millions de logements et la tâche est immense pour améliorer l’éducation de base, assurer à tous l’accès aux soins et combattre la violence. D’énormes investissements sont aussi nécessaires pour moderniser les infrastructures vétustes et saturées (routes, aéroports, ports).
Une urgence avant d’accueillir en 2014 le Mondial de football et en 2016 les Jeux olympiques. Dilma Rousseff s’est engagée à poursuivre la politique économique qui satisfait les pauvres comme les riches et défend un Etat plus «présent qui crée les conditions pour l’investissement». Une tendance que le gouvernement Lula a inaugurée en renforçant les entreprises d’Etat et les grandes banques publiques.
L’Etat brésilien vient d’ailleurs de renforcer son contrôle du pétrolier Petrobras, à l’occasion d’une augmentation de capital géante qui vise à faire du Brésil un grand pays exportateur de pétrole.
Il n’est pas sûr toutefois qu’elle ait les moyens de combler tous les retards du Brésil, avec un PIB en baisse l’an prochain à 4,5%. Sur un plan politique, Dilma, élue avec le soutien d’une coalition de «partis infidèles et très voraces pour partager le pouvoir, sera contrainte à des négociations ardues», estiment certains analystes. Une situation que Lula n’avait aucun mal à résoudre en raison de son expérience politique et de son pragmatisme acquis pendant ses années de syndicalisme, ce qui n’est pas le cas de sa dauphine.
Zine Cherfaoui