Les heurts meurtriers de vendredi entre opposants et partisans du président n’augurent rien de bon pour l’Egypte, où l’opposition s’apprête à manifester en masse aujourd’hui pour demander le départ de Mohamed Morsi, alors que Barack Obama ne cache pas son inquiétude devant l’évolution de la situation.
Révélant que le gouvernement américain avait pris des mesures pour assurer la sécurité de son ambassade, de ses consulats et de ses personnels diplomatiques en Egypte, le président américain Barack Obama a exprimé hier son inquiétude concernant l’évolution de la situation dans ce pays. “Nous suivons la situation avec inquiétude”, a-t-il déclaré, lors d’une conférence de presse à Pretoria, tout en appelant le président islamiste Mohamed Morsi à se conduire de manière “plus constructive”. “Nous appelons toutes les parties à faire en sorte de ne pas être impliquées dans des violences, et la police et l’armée à manifester la retenue appropriée”, a-t-il ajouté. L’inquiétude du président US semble justifiée par la journée meurtrière de vendredi, au cours de laquelle sept personnes ont été tuées et 616 autres ont été blessées. Le ministère égyptien de la Santé a indiqué hier que le nombre le plus élevé de morts a été enregistré à Mansourah, dans le gouvernorat de Dakhalia (3 morts), suivie d’Alexandrie (2 morts), un manifestant a trouvé la mort à Zakazik (Charkia) et un autre dans l’explosion d’une bombe artisanale dans la nuit de vendredi dans une place à Port-Saïd. Un jeune Américain a trouvé la mort à Alexandrie. On craint le pire pour aujourd’hui, car l’opposition envisage de manifester en nombre pour appeler au départ de Mohamed Morsi. Des manifestants étaient encore présents hier matin sur les sites du Caire, où des milliers de personnes s’étaient rassemblées la veille : la place Tahrir pour les anti-Morsi, et les abords d’une mosquée du faubourg de Nasr City pour ceux qui le soutiennent. Sur la place Tahrir, où les opposants prônent une “deuxième révolution”, des dizaines de tentes ont été dressées. Des militants islamistes ont eux aussi passé la nuit devant la mosquée Rabaa al-Adawiya où ils étaient venus par milliers vendredi pour la deuxième fois en une semaine. Le mouvement anti-Morsi, Tamarrod, a choisi la journée d’aujourd’hui, premier anniversaire de l’investiture du chef de l’Etat, pour appeler à un rassemblement massif devant le palais présidentiel et ailleurs dans le pays. Tamarrod, soutenu par de nombreux hommes politiques et mouvements d’opposition, assure avoir réuni au cours des dernières semaines 15 millions de signatures pour réclamer le départ de Mohamed Morsi et la tenue d’une élection présidentielle anticipée. Le camp islamiste dénonce une volonté de “coup d’Etat” contre le premier président élu démocratiquement du pays. Ses adversaires l’accusent en revanche de gouverner pour le seul profit des Frères musulmans, et de vouloir reproduire un régime autoritaire. Les troubles n’ont pas attendu l’échéance d’aujourd’hui pour commencer. Des locaux du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), vitrine politique des Frères musulmans, ont également été attaqués par des manifestants hostiles dans plusieurs localités du delta. L’armée égyptienne, qui a annoncé qu’elle pourrait être amenée à intervenir en cas de troubles graves menaçant la stabilité du pays, a indiqué qu’elle s’était déployée dans les provinces pour assurer une protection renforcée des installations vitales. Plusieurs ambassades ont annoncé que leurs bâtiments seraient fermés au public aujourd’hui, et diffusé des consignes de prudence à leurs ressortissants. L’ambassade de France demande de limiter les déplacements au “strict nécessaire” et d’éviter les lieux des manifestations. Certaines compagnies étrangères ont appelé leurs salariés expatriés ou leurs familles à partir, ou à résider par précaution dans des hôtels du Caire proches de l’aéroport. Londres pour sa part recommande formellement d’éviter la péninsule du Sinaï, une région où l’insécurité a déjà fortement augmenté depuis deux ans. La crainte de voir l’essence venir à manquer, le pays connaît déjà des pénuries sporadiques depuis des mois, entraîne depuis plusieurs jours une ruée sur les stations-services. Les pharmacies ou les épiceries sont également remplies de clients faisant des achats de précaution.
M T