Alors qu’il est menacé de poursuites judiciaires pour sa chronique, Saâd Bouakba : “Je n’ai pas diffamé l’armée”

Alors qu’il est menacé de poursuites judiciaires pour sa chronique, Saâd Bouakba : “Je n’ai pas diffamé l’armée”

Le général à la retraite, Khaled Nezzar, l’a appelé pour lui dire que l’écrit est correct et n’est en rien attentatoire.

“Avons-nous besoin d’une expertise internationale pour organiser des funérailles ?”, un titre qui a fait réagir avec une rare célérité le ministère de la Défense nationale. Le titre est de Saâd Bouakba, auteur de la chronique “Point d’ordre” du quotidien El Khabar de vendredi dernier, qu’il a consacrée au communiqué relatif à l’entrevue entre le Président et le vice-ministre de la Défense diffusé par l’APS.

Le MDN n’a pas apprécié le commentaire du journaliste et a vite diffusé un communiqué dans lequel il estime que l’écrit est “un acharnement” assorti de l’expansion généraliste de “certaines plumes” contre l’institution militaire.

Pour le MDN, il s’agit d’“un acharnement clair et une attaque manifeste contre l’institution militaire, assortis de diffamation et de provocation à l’endroit des cadres de l’ANP, d’une manière étrangère à la déontologie du métier de journaliste”. Un lexique qui renvoie au crime de lèse-majesté, d’autant plus, ajoute le communiqué, que le MDN considère qu’il s’agit d’“une campagne tendancieuse menée par certaines plumes contre l’institution militaire ces derniers temps”. Ainsi, l’écrit incriminé est intégré dans un champ plus large d’une campagne orchestrée contre l’ANP.

Et de s’interroger sur les raisons et les motifs d’une telle campagne. Ce qui laisse sous-entendre des soupçons de manipulation ou de manœuvre destinée à déstabiliser l’armée.

La teneur du communiqué est très offensive et agressive, comparativement à celle de la chronique qui se veut d’une tonalité caustique. Son auteur, Saâd Bouakba, se défend d’ailleurs d’avoir porté atteinte à l’institution militaire. Il a affirmé n’avoir rien fait pour avoir à subir un tel communiqué. Il n’a fait que donner son avis sur le communiqué diffusé par l’APS et qui a mis en avant les funérailles du général Giap avant la situation sécuritaire du pays. Un ordre de priorité surprenant, selon lui. Loin de lui l’idée de diffamer l’institution, explique-t-il. Son but est de relever un problème de structure dans la communication institutionnelle.

D’ailleurs, a-t-il relevé, cette erreur qui fait passer un événement sans importance en priorité sur l’information nationale. Et cela reste dans l’ordre de l’avis personnel, puisqu’il s’agit d’une chronique et non pas d’un article d’information.

Bouakba a répliqué, hier matin, sur le site du quotidien, en apportant des précisions sur le contenu de sa chronique, sur ses motivations et ses objectifs.

D’emblée, il écrit qu’il n’a pas porté atteinte à l’ANP. Il explique qu’il a écrit sur le contenu du communiqué lorsqu’il évoque les funérailles vietnamiennes avant la situation sécuritaire du pays. Le général à la retraite, Khaled Nezzar, l’a appelé pour lui dire que l’écrit est correct et n’est en rien attentatoire. Il a eu à vivre une situation similaire, raconte-t-il dans sa réponse, en 1990, alors qu’il était chroniqueur à Echaâb et le général Nezzar à la Défense. Il avait critiqué les promotions “papier” des généraux avant leur mise à la retraite. Il a eu à s’expliquer avec un officier envoyé par le général, et tout est rentré dans l’ordre étant donné qu’il s’agissait d’un simple problème de “lectures”. Un problème de compréhension et de grilles de lecture.

Notons, toutefois, que depuis qu’elle a décidé de rompre la glace, la grande muette n’a pas été trop bavarde. Sa communication s’est contentée de répliques à des écrits ou des sollicitations qu’elle a jugées en décalage avec son champ d’action.

Elle a ainsi répondu à Mechati qui sollicitait son intervention. Une réponse par la négative en rappelant ses missions constitutionnelles. Sinon, elle a ciblé surtout “certaines plumes”, notamment celles qui ont traité sous des angles “inappropriés” les changements intervenus au sein des renseignements. Méfiance ou incompréhension ? Cela dit, la presse et l’armée, qui ont eu à faire face à un ennemi commun, le terrorisme, semblent ne plus s’entendre comme avant.

D. B