Le problème du manque de poches de sang dans les hôpitaux d’Oran est toujours d’actualité et les appels d’urgence aux dons de sang quotidiennement lancés sur les ondes des radios locales en sont la preuve, en dépit des nombreuses campagnes de collecte organisées régulièrement.
Le hic est que le phénomène est constaté seulement au niveau des hôpitaux publics.
Les cliniques privées, elles, en disposent abondamment. Et certaines, le facturent aux bénéficiaires alors qu’il est payé par l’Etat. Lumière… Nous sommes dans un service de transfusion sanguine d’un hôpital public qui accueille, chaque jour, des dizaines de donneurs. Il est 11 heures.
De nombreuses personnes sont déjà là pour faire don de leur sang, beaucoup, certes, à la demande d’un proche ou un ami. Un jeune, la vingtaine, dira qu’il n’aurait jamais fait don de son sang si ce n’était pas au profit d’un membre de sa famille.
Un avis partagé par la majorité des donneurs présents dans la salle. «A quoi ça sert de donner son sang, alors que nous connaissons d’emblée le sort qui lui est réservé. Quand on va à l’hôpital pour demander du sang, on nous demande de ramener au moins trois donateurs, et ce, même si le malade n’a besoin que d’une seule poche», fait remarquer l’un des donneurs.
Il est relayé par un autre qui souligne: «Personnellement, quand je veux faire don de mon sang, je le fais directement au profit de la personne bénéficiaire et jamais pour l’hôpital. Comme ça, je connais au moins sa destination. » Nombre de personnes rencontrées au service se demandent pourquoi les cliniques privées ne manquent jamais de sang, contrairement aux établissements publics.
Un constat difficile à admettre par les citoyens qui refusent que leur sang donné soit revendu. «Moi, j’ai été contraint d’acheter une poche de sang pour ma mère auprès d’une clinique privée pour 5.000 DA», affirme un autre donneur. Le mot est lâché et fait écarquiller d’étonnement les yeux des personnes présentes dans la salle.
«Se pourrait-il que l’on soit à tirer profit du sang que nous offrons?» interroge un autre. «Oui, le ministère de la santé autorise les établissements hospitaliers à vendre les poches de sang aux cliniques privées, et ce, en vertu d’une convention annuelle fixant leur prix à 2.250 DA, une somme couverte par les services d’assurance sociale », apprend-on.
«Maintenons, et connaissant le nombre élevé des cliniques privées à Oran, nous comprenons que ces dernières consomment plus de sang que les hôpitaux», dira un donneur de sang, non sans un pincement au coeur. Interrogé sur la disponibilité du sang, le chef du centre de transfusion sanguine au CHU d’Oran, le professeur Benhammadi, dira que «le service dispose de l’ensemble des groupages sanguins».
«Mais le fait d’exiger des malades de ramener des donneurs de sang est tout à fait normal, cela étant indispensable au renouvellement du stock de la banque de sang, et ce, afin d’assurer la disponibilité du liquide vital dans l’ensemble des établissements de santé et faire ainsi face aux situations d’urgence», explique- t-il.
Selon toujours le professeur Benhammadi, dire que les hôpitaux donnent du sang aux cliniques privées est complètement faux. «Ces cliniques, soutient-il, se procurent du sang au niveau du centre de transfusion sanguine au prix de 2.250 Da, en vertu d’une convention liant les deux parties », explique-t-il.
«L’argent récolté de ces opérations de vente, explique-t-il, couvre les frais des analyses biologiques effectuées sur le sang des donneurs et le coût du conditionnement des poches qui doit répondre à des normes médicales strictes.»
Notre interlocuteur explique aussi que «les cliniques privées partagent, en fait, ces frais avec le malade bénéficiaire, mais commettent une grande faute en portant sur les factures le prix du sang, celui-ci étant acheté par le malade bénéficiaire et est remboursé par la caisse d’assurance sociale».
Du côté des cliniques privées, une vingtaine à travers la wilaya d’Oran, le prix de la poche de sang est effectivement porté sur la facture, oscillant entre 4.000 et 5.000 dinars.
Et sachant qu’une seule intervention chirurgicale en nécessite plus de trois, cela revient à pas moins de 12.000 dinars au bénéficiaire. Le hic est que les malades des cliniques privées ne savent pas toujours que l’achat du sang est remboursé par les caisses d’assurance sociale. Cela fera dire à un donneur qu’il s’agit tout simplement d’une grosse arnaque. «En somme, il font du business avec notre sang», lâche-t-il.
De plus, apprend-on, certaines cliniques n’hésitent pas à demander aux malades de faire venir le maximum de donneurs de sang pour faire remplir le plus grand nombre de poches possibles, alors qu’elles ne l’utilisent pas totalement. A ce propos, nous avons tenté de connaître l’avis de certains directeurs de cliniques privées, mais cela nous a été quasiment impossible, vu leur refus catégorique d’aborder ce sujet avec la presse.
Contactée à propos du problème, Mme Meguenni, chargée de communication au niveau de la direction de la santé de la wilaya d’Oran, a appelé les malades pris en charge dans les cliniques privées de faire valoir leurs droits, et ce, en engageant des poursuites judiciaires «contre les établissements privés qui leur facturent le prix du sang». Selon elle, ceci reste le seul moyen pour mettre un terme à la cupidité de certaines cliniques privées.
Zemmour Sanaâ