Alors que l’école s’enlise dans la crise, Les députés ont-ils le droit de lancer un débat?

Alors que l’école s’enlise dans la crise,  Les députés ont-ils le droit de lancer un débat?

La sphère éducative est paralysée par maints mouvements de grève. A droite comme à gauche, les partis sont plutôt froids. C’est qu’ils sont ligotés.

Un grève paralyse plusieurs établissements scolaires à travers toutes les régions du pays depuis des semaines. Un bras de fer est engagé entre la ministre de l’Education nationale et des syndicats mais la fin du tunnel semble s’éloigner à mesure que l’on s’en approche. Plus de 8 millions d’élèves sont ainsi pris en otage dans un duel entre des syndicats «qui refusent de sortir de leur corporatisme» et «une tutelle plus encline à la gestion du conflit qu’à sa résolution».

Mais s’il est un débat que cette question pose avec acuité, ce n’est sans doute pas celui relatif au droit à la grève qui est consacré par la Constitution, mais bien celui portant sur l’avenir de l’école. Or, à gauche comme à droite, les élites universitaires ne bronchent pas et les institutions en charge de mener ce débat, notamment l’Assemblée populaire nationale, sont visiblement aux abonnés absents. Pourquoi? Est-ce à dire que l’école n’intéresse personne?

Pour le Parti des travailleurs, qui a l’habitude de ne laisser passer sous silence aucune question, la problématique de l’école est «très importante» bien que, reconnaît Ramdane Taâzibt, homme fort du parti, le PT ne lui ait pas consacré beaucoup d’énergie. Mais cela, nous explique-t-on, est dû au fait «qu’il soit impossible d’ouvrir un débat à l’Assemblé populaire nationale». Selon M. Taâzibt, en effet, «lors de l’élaboration du règlement intérieur de l’APN, on a laissé un vide juridique qui fait que nous ne pouvons pas lancer un débat, ce qui est une première dans les annales des assemblées élues à travers le monde». Ceci dit, le PT considère que le système éducatif doit être réformé mais sans que l’on fasse, encore une fois, «des élèves des cobayes». Evoquant par ailleurs la grève qui paralyse le secteur depuis des semaines, M.Taâzibt a considéré que la «négociation» doit être de mise entre les syndicats et le ministère afin de mettre fin à ce cycle de grèves qui n’aura que trop duré, rappelant au passage que le conflit syndicat/ministère «remonte à très loin et qu’il est le résultat objectif des différentes mesurettes, prises sans concertation, par les gouvernements qui se seront succédé depuis l’ordonnance de 1976».

Même son de cloche chez les islamistes qui pensent que le problème de l’école ne se résume pas aux grèves récentes dans le secteur et que, de surcroît, aucun débat n’est possible au sein de l’APN. Pour M.Kraba, chargé de la société civile au bureau politique du Front du changement, «l’Ecole algérienne est en crise et cette crise est indissociable de la crise politique que vit le pays». Pour ce militant islamiste, «la question de l’école ne peut pas être prise en charge en dehors des autres questions» et pour y arriver, «il faut ouvrir un débat avec l’ensemble des acteurs politiques et sociaux».

Trouvant par ailleurs le recours des enseignants à la grève «légitime», M.Kraba a appelé le pouvoir à répondre aux revendications des enseignants dans les meilleurs délais pour permettre aux élèves de rejoindre les classes. Tout compte fait, considérant la dimension hautement stratégique du secteur de l’éducation, le FC a estimé utile d’ouvrir un débat national sur cette question.

Au RCD, on se contente de faire des rappels, mais fort évocateurs. Au cours des années 1970, un grand débat sur l’école avait été lancé. Des décisions qui seront pendant très longtemps décriées ont été prises dans son sillage. A son arrivée au pouvoir en 1999, Bouteflika a relancé le débat, sous l’impulsion du Rassemblement pour la culture et la démocratie, en promettant une réforme «révolutionnaire». Le pari s’est avéré néanmoins difficile. Aujourd’hui, le débat sur cette question reste toujours d’actualité, voire a redoublé de pertinence. Des pédagogue de renom, à l’image de Mustapha Haddab et Ahmed Tessa, y appellent sans cesse. Même la ministre de l’Education a relevé, à son arrivée, l’importance de lancer un débat permanent sur toutes les questions relatives au secteur. Mais l’APN, encore une fois, ne semble pas prête à abriter ce type de débat. Pour le RCD, qui a fait de ce dossier son cheval de bataille pendant des années, aussi bien dans les assemblées élues qu’à travers les médias, la réforme de l’école reste toujours une urgence pour le pays. Interrogé à cet effet, Athmane Mazouz, le chargé de communication du parti, a jugé que «l’Ecole algérienne est, de l’avis de tous les spécialistes, sinistrée et a plus que jamais besoin d’être réformée».

«Longtemps victime de luttes doctrinales, il est aujourd’hui temps que l’école se réinsère dans la logique républicaine dans le souci de répondre aux besoins de tous les Algériens, sans exclusive et sans discrimination idéologique, et permettre à tout un chacun de s’épanouir» a-t-il recommandé par ailleurs. Il a également fait savoir qu’aussi bien les enseignants que les responsables du secteur doivent prendre en compte l’intérêt des élèves et ouvrer ensemble pour mettre un terme à la grève.

Il ressort des avis des uns et des autres que les grèves qui secouent la sphère éducative sont des problèmes conjoncturels tandis que la problématique de fond demeure la réforme de l’école et ce, même si, s’agissant des programmes et des grandes orientations, des différends restent toujours perceptibles, notamment entre «les islamistes» et les «démocrates».