Ce n’est pas la première fois que le taux de croissance hors hydrocarbures de l’Algérie dépasse de loin celui des puissances économiques mondiales. Déjà en 2014, ce taux de croissance était de 4,1% alors que ceux de la France et de l’Allemagne étaient, respectivement, de 0,2 et 1,6%.
Le taux de croissance hors hydrocarbures de l’Algérie était de 7% pour le 1er semestre 2015, soit au même niveau que celui de la Chine avec ses 7,01%. Une première lecture laisse le non-initié aller vite en besogne et conclure que même si l’on ne comptabilise pas les réalisations du secteur énergétique et malgré la chute de moitié des recettes pétrolières du pays, l’Algérie vient d’assurer une croissance égale à celle de la Chine. Un état des lieux qui a poussé le gouvernement, à travers la dernière sortie télévisée du Premier ministre, à extrapoler ces données et à prévoir la clôture de l’exercice 2015 avec un taux de croissance avoisinant ces 7%.
Une seconde lecture, à froid comme on dit, risque de nous amener à tirer d’autres conclusions, diamétralement opposées à celles de la première lecture. Et, pour que notre lecture des chiffres ne soit pas une autre exploitation “intéressée” d’éléments statistiques, aux moins trois questions méritent d’être posées.
La première est de savoir qu’elle est la nouveauté à travers ce score, a priori spectaculaire. La seconde est de rechercher le facteur qui est derrière se score.
Enfin, la troisième est de s’interroger sur les conséquences socio-économiques qui en découlent et leurs capacités à nous prémunir des aléas de la crise pétrolière qui s’est installée. Ce n’est pas la première fois que le taux de croissance hors hydrocarbures de l’Algérie dépasse de loin celui des puissances économiques mondiales. Déjà en 2014, ce taux de croissance était de 4,1% alors que ceux de la France et de l’Allemagne étaient, respectivement, de 0,2 et 1,6%. L’année d’avant, soit en 2013, l’Algérie a réalisé un taux de croissance hors hydrocarbures de 2,8% alors que l’Allemagne n’a réalisé que 0,1% et la France a atteint difficilement les 0,7%. En 2012, alors que ces deux puissances de la zone euro avaient peiné pour atteindre la barre des 1% , l’Algérie avait réussi à avoir un taux de croissance hors hydrocarbures de 3,3% : un rêve pour les argentiers allemands avec leur taux de 0,4% et pour leurs homologues français avec leur taux de 0,2%. Donc, première conclusion, cette “prouesse” n’est pas un fait nouveau, elle s’est invitée dans les tableaux de la Banque mondiale et du FMI depuis l’envol des prix du baril à partir de 2000. Et, c’est ici que réside la réponse à la deuxième question.
Ce sont les recettes et réserves nées des ventes des hydrocarbures qui sont derrière ces performances du taux de croissance de l’Algérie par rapport aux puissances économiques mondiales. Brandir, tel un trophée, le taux des 7% de croissance hors hydrocarbures, c’est dire aux Algériens une demi-vérité, s’engager dans un travail de communication et de transparence sans aller jusqu’au bout. Et aller jusqu’au bout, c’est expliquer la nature des investissements (public /privé), les secteurs concernées (production des biens et services, infrastructures publiques…) ainsi que la valeur qui correspond à ce taux.
La différence est de taille si les richesses créées sont des réalisations d’équipements et d’infrastructures ou de la valeur ajoutée créée au niveau des entreprises économiques. Elle l’est aussi si l’investissement est financé par l’argent de la rente ou par la fiscalité ordinaire.
Enfin, croître de 7% sur une réalisation antérieure de 1 000 unités monétaires, à titre d’exemple, n’est pas aussi spectaculaire que progresser de 1% sur une réalisation antérieure de 1000 000 unités monétaires. À partir de ces deux réponses, la troisième coule de source comme on dit. Ce taux de 7% est rendu possible grâce à l’argent du pétrole qui finance des investissements publics dits structurants dans une économie fragile. Et les conséquences d’une telle situation ne sont pas les mêmes que si ce taux était porté par des entreprises économiques, performantes, y compris à l’international, créatrices de richesses, d’emplois et de progrès social continu.
Le 01% de taux de croissance économique réalisé chez les puissances économiques se traduit par des parts de marchés conquis, après une richesse créée et partagée, après des emplois créés ainsi que par des valeurs de travail perpétuées.
Pour le cas de l’Algérie, cette croissance est celle des dépenses dans des investissements qui n’ont aucun rapport avec le développement de l’entreprise et des ressources humaines. C’est un développement sans croissance, comme le reconnaît M. Sellal.
Autant cette fausse croissance est forte, autant sera dure la chute à moyen terme avec la crise pétrolière qui s’est installée. Et c’est la seconde conclusion.
M. K.