Alors que le ramadhan bat son plein,Le diktat des restaurateurs

Alors que le ramadhan bat son plein,Le diktat des restaurateurs

Les jeûneurs sont pris en otage

550 DA, répète le caissier à chacun des jeûneurs qui demandent l’addition, ces derniers règlent douteusement la facture sans pouvoir réclamer ni se plaindre!

«Je ne paie pas toute cette faramineuse somme, c´est de l´arnaque et du vol systématique!», dit sur un ton de colère un jeûneur originaire de Constantine qui a été obligé de rompre le jeûne dans l´un des restaurants situés dans le centre- ville d’Oran. Dénonçant les tarifs appliqués, le jeune Constantinois n´a pas hésité à traiter les gérants des restaurants ouverts pendant le Ramadhan de «charognards et de prédateurs». Sur place, le jeune homme a eu son lot d´injures devant plus d´une cinquantaine de personnes venues des différentes wilayas du pays, notamment du Sud, du Centre et de l´Est. La mésaventure des passants et des visiteurs d’Oran se poursuit à chaque Ramadhan de chaque année. En l’espace de 30 jours, les restaurateurs d’Oran se transforment le moins que l’on puisse dire en «sangsues» en plafonnant, en majorant au-dessus du seuil de 50%, les tarifs de leur hrira sans bourak ni citron. «C’est à prendre ou à laisser», indiquent-ils avant que le jeûneur ne prenne même place.

Ces scénarios se multiplient un peu partout dans les restaurants ouverts pendant le mois de Ramadhan. Jeudi dernier au soir, trois jeûneurs venus du Sud, ne trouvant pas place dans les restos du coeur, n’ont trouvé rien de mieux que de se rendre dans un restaurant situé au centre-ville d’Oran, celui-ci, proposant des dîners soi-disant dignes des plats de Ramadhan comprenant tous les ingrédients nécessaires, en l´occurrence les dattes, le lait, la chorba, le plat de résistance avec viande, une limonade et enfin un petit dessert.

La facture salée est à régler à la caisse installée à la sortie du restaurant, tenue par un jeune homme qui, souriant, annonce le prix du repas dès que le client se met en face de lui. 550 DA, répète-t-il à chacun des jeûneurs qui demandent l´addition, ces derniers règlent douteusement la facture salée sans pouvoir réclamer ni se plaindre.

Les premiers clients sont souvent avertis par le caissier planté comme un Cerbère devant la grande porte. «C´est à prendre ou à laisser, il y a un seul repas uniformisé qui sera servi pour tout le monde», prévient-il dès que le jeûneur met les pieds à l’intérieur de l’établissement. Les serveurs, le caissier et des surveillants suivent de près tous les mouvements des clients, aucune fugue n’est possible. Le fugitif, rattrapé, ouvre droit à un traitement exceptionnel accompagné de toutes les formes d’humiliations. Cela a lieu pendant que quelques clients, ahuris, continuent de dénoncer la cherté des plats qu´ils ont avalés goulûment quelques minutes auparavant.

La dignité humaine est totalement bafouée!

Le malheur des uns fait le bonheur des autres! Cette maxime a bien trouvé un terrain d’application un peu partout dans nos villes à l’occasion du mois sacré de Ramadhan. Les voyageurs pâtissent énormément des aléas du diktat imposé par les restaurateurs des relais routiers. Pis encore, la dignité humaine est totalement bafouée face à l’absence d’une organisation devant mettre sous contrôle permanent ces commerçants qui tirent les dividendes aux dépens des «gueux» des temps modernes. C’est le cas des restaurants des localités situées sur les routes à grande circulation comme Khemis Miliana, Rouina et Sidi Lakhdar dans la wilaya de Aïn Defla, Chlef et Relizane. Le chauffeur, qui stoppe son bus pour une pause café ou encore un autre repas à prendre, fait le bonheur des restaurateurs qui font de grandes recettes en un laps de temps très réduit. Pour convaincre, le personnel dispose de tous les moyens pour accueillir et attabler les clients de circonstance.

Dans ces restaurants, le client est sommé de verser tout de go 800 DA contre un repas dont la valeur réelle ne dépasse pas les 350 DA. D’autres scénarios sont orchestrés dans des restaurants de localités ou villes telles que Hmadna, Sidi Abed, Oued Rhiou et Matmer, dans la wilaya de Relizane.

Là encore les prix sont excessivement hors de portée. Dans l’affaire, deux personnes s’en sortent, le receveur et le chauffeur du bus. Ces derniers sont aussitôt pris par la main et escortés, comme des dignitaires, vers la salle VIP laissant les passagers se démêler, sans rechigner, avec les serveurs des restaurants face à une hrira indigeste et un plat de résistance souvent impropre à la consommation.

À l´issue de chacune de ces pauses, les chauffeurs et les receveurs des bus sont honorés au su et au vu de tous les passagers. Ainsi, en plus de la gratuité du repas et autres effets comme les bouteilles de jus, eau, et paquets de cigarettes, ces derniers ouvrent droit à un billet de 1000 DA en guise de remerciement pour leur mission accomplie sans aucune faute en leur proposant des dizaines de clients sur un plat en or, qu’il faut déplumer dés que la chorba est engloutie. Les chauffeurs et les restaurateurs se connaissent tous tandis que les passagers n´ouvrent droit à aucune réclamation ni opposition. «On se contente de manger et d´assister à des scènes d´un autre temps sans pour autant pouvoir afficher une quelconque résistance», a déploré un jeûneur ayant pris place dans un restaurant situé dans la localité de Merdja Sidi Abed rattachée administrativement à la wilaya de Relizane. Rompre le jeûne, même à un prix fort, est tout aussi une manière de s´exposer à une éventuelle intoxication alimentaire, alors que, défier le diktat de ces aubergistes prédateurs appelle en retour une correction aussi bien humiliante que violente. Fort heureusement que ces comportements ne sont pas orchestrés par tous les restaurateurs.

Il existe des lieux aussi bien exemplaires que tranquilles, situés aussi bien à Oran ou encore dans les wilayas traversées par les grandes routes, qui ouvrent leurs portes aux passants et aux nécessiteux où ils savourent quotidiennement des repas merveilleusement préparés et servis gratuitement dans le respect total des valeurs sociales et de la dignité humaine. Hélas, ceux-là se comptent sur les doigts d’une seule main.