De plus en plus de familles syriennes, hébergées jusqu’alors chez des particuliers ou dans des hôtels, commencent à affluer vers le centre d’accueil, qui leur est réservé par le Croissant-Rouge algérien. L’organisation humanitaire a ouvert deux autres sites. Si aucune requête officielle pour obtenir l’asile politique n’est posée, la scolarisation des enfants préoccupe les responsables du CRA.
Huit familles syriennes, soit environ une soixantaine de personnes, se sont réfugiées au premier camp d’accueil aménagé à cet effet par le Croissant-Rouge algérien, à Sidi-Fredj, il y a déjà une quinzaine de jours.
Deux autres sites, l’un situé dans la même localité et réservé aux hommes célibataires, l’autre à Zéralda sont prêts à accueillir d’autres ressortissants syriens. “Avec la fin du Ramadhan, nous nous attendons à l’arrivée de nombreuses familles qui ont été jusqu’alors hébergées par des particuliers. C’est pour cela que nous nous préparons à la prise en charge d’un plus grand nombre de réfugiés”, affirme M. Bouchakour, secrétaire général du CRA, rencontré au village de vacances de Netcom, où est installé le premier contingent de Syriens, qui ont consenti à quitter la place du square Port-Saïd pour se mettre sous le giron du Croissant-Rouge algérien. “En tant qu’organisation humanitaire, nous avons été interpellés par la précarité de ces réfugiés qui se rassemblaient dans une place publique au beau milieu du mois de Ramadhan. On les a sensibilisés à se mettre à l’abri dans un endroit sécurisé plutôt que de rester dans la rue. Certains nous ont suivis, d’autres ont refusé. À ceux-là, nous avons indiqué les restaurants Rahma où ils pouvaient rompre le jeûne”, rapporte notre interlocuteur.
La présence relativement massive des ressortissants syriens sur le sol algérien est devenue perceptible, d’abord par leur regroupement dans des places publiques, puis par l’apparition du phénomène de mendiants brandissant des passeports syriens… “Par respect de la dignité humaine, il faut éviter de favoriser ce phénomène de mendicité. On ne leur rend pas service, de cette manière”, estime M. Bouchakour.
Pour lui, la meilleure façon de les aider est de les orienter vers les centres d’accueil. Là, ils ont le gîte et le couvert.
Au site de Sidi-Fredj que nous avons visité mardi dernier, des cabines sahariennes ont été dotées de commodités de base (literies, ventilateurs, tables, chaises), pour abriter les réfugiés syriens.
Dans le magasin, s’entassent des sacs de riz, des paquets de sucre, des triplettes de thon, des boîtes de lait pour adulte et pour bébé, des fardeaux de bouteilles d’eau minérale, du jus, des couches bébé… En somme, ce qu’il faut pour satisfaire les besoins élémentaires des hôtes du camp. Des douches et une infirmerie sont mises à leur disposition. “Nous leur fournissons aussi la viande et les fruits et légumes. Ils viennent au magasin et prennent ce dont ils ont besoin pour préparer les plats traditionnels de leur pays”, explique Hamid Ghoul, directeur du centre.
Il s’est installé sur place, avec son épouse et sa fille pour veiller au fonctionnement du site. Il est assisté par des bénévoles du CRA, dont une psychologue, venue de Constantine. “Ici, ce n’est pas un hôtel cinq étoiles, mais les Syriens ont ce qu’il faut pour vivre dignement le temps que la situation se normalise. C’est un endroit agréable”, relève M. Bouchakour, en nous montrant les espaces ouverts, bordés d’arbres, Dans un coin, un groupe de Syriens palabrent autour d’une table.
S’il nous a ouvert les portes du centre d’accueil, le secrétaire général du CRA ne nous a pas laissé approcher ses pensionnaires. “Je ne peux pas violer leur intimité. Ils nous ont interdit de laisser des journalistes les approcher”, argue-t-il pour justifier son refus. “L’essentiel est que vous vous rendiez compte que la prise en charge est correcte”, poursuit-il. Jusqu’à présent, le CRA finance sur ses propres fonds les frais de fonctionnement des trois centres d’accueil des réfugiés syriens, mis sous sa tutelle. “Pour l’heure, c’est surmontable. Si la situation se complique, nous solliciterons l’aide de l’État”, assure M. Bouchakour. Sa préoccupation actuelle est focalisée néanmoins sur la scolarisation des enfants, dont douze d’entre eux, recencés dans le centre, sont, selon la psychologue, en âge d’aller à l’école. “Il nous faut savoir combien sont-ils dans le pays, leur âge et leur niveau pour pouvoir prendre les mesures nécessaires à leur scolarisation”, affirme-t-il.
Du point de vue juridique, ils sont en situation irrégulière
Le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Daho Ould Kablia, a indiqué qu’environ 12 000 réfugiés syriens sont répartis dans les différentes wilayas du pays. À vrai dire, l’usage de qualificatif de “réfugiés” n’est pas tout à fait approprié, car le statut n’a pas été encore accordé aux centaines de Syriens qui se sont déplacés jusqu’en Algérie pour fuir les violences qui secouent leur pays.
Ils se sont introduits sur le sol de souveraineté nationale, par des vols réguliers d’Air Algérie en qualité de touristes. La destination Algérie est privilégiée par ces expatriés du fait qu’ils n’avaient nullement besoin d’un visa pour s’y rendre.
Il n’en demeure pas moins que les accords bilatéraux entre les deux États préconisent un séjour de trois mois au maximum dans le pays d’accueil. Du point de vue juridique, la majorité de ces “étrangers” est en situation irrégulière, car ayant dépassé la période de séjour autorisée.
Jusqu’à présent, selon des sources diverses, aucun Syrien n’a introduit, officiellement, une requête pour obtenir l’asile politique. La problématique du statut de réfugié se posera, toutefois, inévitablement à un moment où un autre. La prise en charge de ces gens, qui ont cherché refuge en Algérie, dans des centres d’accueil ne saurait durer indéfiniment.
Il faudra, tôt ou tard, leur assurer une source de revenu, et donc un emploi rémunéré. Leur accorder le droit de travailler en Algérie, sous-entend régulariser leur présence dans le pays.
Au-delà, il s’agit, pour les autorités nationales, de maîtriser un phénomène qui commence à prendre de l’ampleur. Le ministre de l’Intérieur a, récemment, reconnu que près de 500 ressortissants syriens refusent “de se rendre dans les établissements d’accueil qui leur sont réservés, préférant rester dans les espaces publics”. Ce qui est, à son avis, inadmissible. Des mesures sont prises pour éviter les débordements.
Désormais, la compagnie aérienne nationale, Air Algérie, exige de ses passagers, embarqués à Damas, de justifier d’un certificat d’hébergement et d’un “pécule”.
S H