Les journalistes continuent à vaquer à leurs occupations le plus normalement du monde, malgré la cascade de mauvaises nouvelles.
“Ici, on sent qu’il y a un acharnement contre la chaîne, mais les gens sont rassurés, les salaires sont versés normalement. On n’est pas amoindri, on continue à travailler le plus normalement du monde.” Derrière ses lunettes de repos, près de la cinquantaine, la barbe poivre et sel, Mohamed Iouanoughene, rédacteur en chef chargé du reportage à la chaîne KBC, ne semble pas déstabilisé par les péripéties que vit leur télé depuis quelques mois maintenant.
L’heure est plutôt à l’optimisme malgré l’acharnement des autorités. hier encore, au siège de la télé à El-Achour, sur les hauteurs d’Alger, les journalistes continuaient à vaquer à leurs occupations le plus normalement du monde, en dépit de la cascade de mauvaises nouvelles. À commencer par cette incarcération du directeur de la chaîne et de la société Ness-Prod, Mehdi Benaïssa, qui croupit dans la prison d’El-Harrach depuis vendredi dernier, et celles du directeur de la production et de la directrice centrale au ministère de la Culture, poursuivis pour les chefs d’inculpation : “fausses déclarations”, “abus de fonction” (pour la responsable ministère de la Culture) et “complicité d’abus de fonction”.
“Les gens sont quand même inquiets pour le directeur, c’est comme une famille sans père”, déplore Iouanoughène. Il y a aussi l’histoire des deux émissions, devenues presque cultes en quelques jours de diffusion et au regard des réactions sur les réseaux sociaux, “Nass Stah” et “Ki Hna Ki Nass”, que les autorités viennent d’étouffer avant même le terme du Ramadhan. Au sein de la chaîne, on est unanime : c’est le ton, fait d’un mélange de dérision, de satires et de messages politiques sibyllins, qui dérange “les gardiens du temple” ou plutôt… “les propriétaires de la terrasse”. “Les deux émissions sont visées, poursuit Iouanoughène. Si elles étaient diffusées par d’autres chaînes, celles-ci auraient été fermées. En matière de liberté de ton, ce sont des émissions qui se sont distinguées”. “Ce sont des émissions qui auraient dérangé dans n’importe quelle chaîne”, ajoute-t-il, non sans rappeler qu’il y a une année, la chaîne avait reçu un avertissement pour “Jornane El-Gosto”, une émission dans le même genre.
Reste que ces vicissitudes entamées par la décision du gel de la transaction entre des actionnaires du groupe El Khabar et Ness-Prod n’ont pas fondamentalement bousculé le travail qu’accomplissent les journalistes au quotidien. “Ce qui nous fait plaisir, c’est que les services de sécurité et l’ANP continuent à nous inviter pour couvrir leurs activités”, se rejouit Iouanoughène. “En revanche, des confrères qui travaillent pour certaines institutions nous censurent. C’est le cas avec Sonatrach qui ne nous a pas invités pour la conférence du P-DG. Qu’ils sachent que la figure du P-DG de Sonatrach ne nous rapporte pas de téléspectateurs pendant le mois de Ramadhan”, ironise-t-il. Leur vœu à tous ? “On espère que cela se règle une bonne fois pour toutes, et dans le bon sens, car c’est un déni de droit”, conclut celui qui fait figure de “meuble” au sein de la rédaction d’El Khabar.