En empruntant le chemin de wilaya auquel beaucoup recourent pour éviter les encombrements et les désagréments dus aux travaux du tramway, à Es Sénia ou dans d’autres sites, les automobilistes et passagers de bus de ramassage de travailleurs, sont agressés par ce spectacle d’ordures, juste après le pont situé à proximité de l’établissement des Douanes algériennes. Au sortir de ce petit tunnel, jusqu’à la localité de Cheklaoua, le côté gauche de la chaussée est un dépotoir.
Certes, le fait n’est pas nouveau, et les services de nettoiement communaux le savent puisque cycliquement, des rétro chargeurs viennent nettoyer les lieux, pour mieux les salir et les polluer.
Certains ironisant sur cette manière de faire, affirment que cette opération est une invitation à ceux qui viennent décharger, qui des gravats, qui des déchets industriels. Et ce ne sera pas la plaque avertissant que le contrevenant risque une mise en fourrière de trois (3) mois, qui dissuadera. D’ailleurs, dans la même commune, d’autres plaques évoquent six (6) mois, ce qui dénote une défaillance dans la coordination.
Le fait est que si cette pratique n’est pas propre à la seule commune d’Es Sénia, elle est encouragée par une mafia composée d’élus véreux et d’entrepreneurs encore plus véreux, qui veillent à ce que beaucoup de quartiers et localités de la wilaya, soient maintenus dans un état de saleté, pour justifier la multiplication des entreprises privées de collecte, d’une part, ce qui augmentera les revenus illicites issus de la tchippa, et l’achat de matériels consommables comme les balais et bacs à ordures, sans oublier la main-d’œuvre qui sera chargée de l’hygiène.
Un professeur d’un institut nous faisait la remarque, qu’avec tous les bacs à ordures déployés, l’achat de bennes-tasseuses, le recrutement de centaines de jeunes dans le cadre de dispositifs d’emploi, Oran devrait être plus propre qu’une ville européenne de référence. «Mieux, dira-t-il, les gens pourront camper n’importe où, et manger, c’est dire… ».
Choqués par cette situation, sachant qu’une entreprise de nettoiement, l’EPIC Propreté d’Oran se situe à quelques centaines de mètres de cet endroit pollué, nous avons posé la question à son directeur, M. Bilek Abdelmagid, qui a été installé il y a peu de temps. Notre interlocuteur dira derechef, que le secteur échappe à ses compétences.
Etonnés, nous avons demandé pourquoi ne pas le faire, puisque régulièrement, l’EPIC procède à des campagnes de volontariat. Notre interlocuteur nous répondra, en étalant les difficultés auxquelles il fait face, les recouvrements notamment. Ainsi, nous saurons que les gros clients de Propreté d’Oran sont les communes d’Oran, Bir El Djir, Sidi Chahmi, une partie d’Es Sénia et El Karma, ainsi que Ain El Turck.
Selon notre interlocuteur, il y a un vice de procédure. «Les APC ne font pas des prévisions et ne budgétisent pas la question de la collecte des ordures. Ce qui fait que nous travaillons dans une situation pratiquement d’informel. Certes, les APC reconnaissent et signent les attachements, mais quand il s’agit d’encaisser, il y a problème.
En effet, dans ce cas, et quand le marché dépasse les 400 millions de centimes, il faut passer par des appels d’offres, ce qui ne se fait pas. Seule l’APC de Bir El Djir, pour la première fois, a fait dans la régularité et a respecté la procédure pour un marché en 2012 de 8,9 milliards de centimes.
D’ailleurs, pour nous aider à équilibrer nos finances, aujourd’hui nous devrons normalement recevoir sept (7) milliards de centimes sous forme de subventions, pour rattraper les dettes impayées». Selon d’autres sources, nous avons appris que les correspondances adressées par le wali, enjoignant aux communes endettées de payer, sont restées sans effet «parce que les finances publiques ne s’accommodent pas d’injonctions mais de procédures», dira notre interlocuteur, ce qui laisse le problème des dettes posé en entier.
Selon M. Bilek, la solution est simple. «L’EPIC Net Com d’Alger n’a pas ce problème, parce qu’elle est autorisée à faire ses prévisions en intégrant les prestations, le budget d’équipement et de fonctionnement. Ainsi, au lieu de courir derrière ses clients, elle fait une prestation de service car disposant de son propre budget». Notre interlocuteur dénoncera le fait qu’une même commune pour laquelle il assure la collecte des ordures, ne le paie pas, alors qu’elle le fait rubis sur ongle, quand ce sont des entreprises privées.
Il en citera certaines dont nous tairons le nom. Nous avons interrogé un ancien responsable qui nous a confirmé cette information, ajoutant : «C’est normal, que voulez-vous que les responsables gagnent avec une EPIC ? C’est tout à fait le contraire avec une entreprise privée, car nous pouvons affirmer qu’il y a ristourne».
Selon le directeur de l’EPIC, «quand les travailleurs de la défunte DHA avaient fait grève, seule Propreté d’Oran a répondu présent. «Où étaient les entreprises privées ? Se sont-elles souciées du préjudice causé et à la collectivité et au fait qu’elles aient anéanti des efforts consentis à coups de milliards ?».
Selon une enquête menée discrètement auprès d’une commune, nous avons appris effectivement, que généralement, les entreprises prisées étaient payées rapidement «afin de pouvoir fonctionner et assurer le service, car la ville est fractionnée en secteurs». Le fait est que si les ordures sentent mal, elles génèrent des gains colossaux. «C’est pour cette raison que les quartiers croulent sous les ordures, pour créer la pression et justifier des marchés passés dans la précipitation». Qui a dit que l’argent n’avait pas d’odeur ?
Hakim Djaziri