Alors que Benbada rassure sur le processus d’adhésion à l’OMC, Les intérêts de l’Algérie en question

Alors que Benbada rassure sur le processus d’adhésion à l’OMC, Les intérêts de l’Algérie en question

L’adhésion de l’Algérie à l’OMC (Organisation mondiale du commerce) semble ne pas faire l’unanimité, notamment au sein des experts économistes nationaux qui estiment, contrairement au discours politique distillé, que «sur le plan économique, cette adhésion est totalement inutile». «Le processus d’adhésion de l’Algérie à l’OMC est confronté à des obstacles essentiellement liés aux concessions douanières relatives à certaines marchandises et services susceptibles de léser l’économie nationale.

Les négociations sont dures. On peut y aller très rapidement si on cède sur un certain nombre de points. Toutefois, nous sommes déterminés à défendre nos intérêts au mieux possible». Une réponse donnée par Mustapha Benbada, ministre du Commerce, à une question relative aux lenteurs et aux obstacles empêchant l’accession de l’Algérie à l’OMC. Ainsi, lors d’une conférence qu’il a récemment animée à l’université d’Alger III portant sur le processus d’adhésion de l’Algérie à l’OMC, il soutiendra que le groupe de travail en charge du dossier a remis le mois en cours une copie révisée de son rapport en prévision du 12e round de négociations.

Relevant que «l’Algérie ne saurait rester en dehors de l’espace commercial mondial », il indiquera que «tout au long de son processus d’accession à l’OMC, l’Algérie veut aboutir à des points de convergence avec ses partenaires dans les négociations, mais elle veut également défendre ses intérêts vitaux».

A ce propos, après avoir présenté l’historique du processus de demande d’adhésion de l’Algérie à l’OMC, il fera savoir qu’en attendant l’annonce d’une date pour le prochain round, le groupe de travail chargé de l’accession de l’Algérie à cette organisation avait remis le 6 février dernier une nouvelle copie révisée de son rapport en prévision justement du 12e round de négociations d’accession, prévu en mars prochain à Genève (Suisse).

LG Algérie

Et de rappeler, à ce sujet, que la rédaction du rapport du groupe de travail avait débuté en février 2005. Une rédaction revêtant «un aspect très important en ce sens qu’il s’agit d’un signe positif du caractère sérieux du processus de négociations», ajoutant que l’Algérie avait répondu tout au long du processus d’accession à 1 933 questions ayant contribué à faire avancer les négociations.

«L’adhésion à l’OMC : un acte politique plus qu’économique »

Pourtant, ce discours ne viendra aucunement rassurer l’auditoire composé d’experts et d’universitaires, du moins pour leur majorité. Nombreux sont en effet ceux qui jugent qu’en raison des nouveaux équilibres commerciaux économiques survenus, «aller à l’OMC est totalement inutile». Le flux d’interrogations en direction du ministre reflétait en effet cette position : «Pourquoi adhérer ?» «Qu’est-ce que l’Algérie a à y gagner ?»…

C’est ainsi, qu’abordé en marge de la conférence, Chafir Ahmine, enseignantchercheur à la faculté des Sciences économiques de gestion, secrétaire général de l’Association nationale des économistes algériens, nous expliquera qu’«aujourd’hui, il y a une nouvelle réalité internationale qui fait que la pertinence d’une adhésion de l’Algérie à l’OMC s’impose ». «L’OMC est une organisation pour laquelle des pays négocient les échanges, alors qu’actuellement 60% du commerce mondial est un commerce intra firmes, qui se fait entre les firmes internationales, en dehors des pays et donc en dehors de l’OMC», expliquera-t-il.

D’où, poursuivra-t-il, «la question sur le devenir des négociations multilatérales dans le cadre de l’OMC». A cela, s’ajoute le commerce intra zones. Sur ce mode de procédé de commerce international, l’expert économiste expliquera que «depuis les années 1980 on assiste à une montée de ce qu’on appelle les accords d’associations, les unions douanières qui se sont constituées entre un certain nombre de pays.

Ces zones-là sont aussi des zones de protectionnistes en ce sens où les échanges se font entre les pays de cette zone». «Là aussi se pose le rôle de l’OMC actuellement dans le système commercial international ?» D’autre part, selon lui, «beaucoup d’analystes se sont mis d’accord pour dire que les négociations multilatérales sont en crise parce que les négociations au sein de l’OMC étaient bloquées depuis 2002 à la Réunion de Doha, Qatar, jusqu’à la dernière réunion où on nous a annoncé en grande pompe le règlement des différends. Chose qui n’est pas vraie. C’était beaucoup plus un effet d’annonce politique».

«Tous les problèmes des négociations restent posés, on assiste maintenant de la part des grandes puissances à un jeu de contournement des négociations au sein de l’OMC», a-t-il affirmé. «L’exemple parfait, argumentera-t-il, reste celui de l’UE avec les USA pour constituer une grande zone de libre-échange atlantique». En définitive, à la question sur l’intérêt de l’Algérie d’aller dans un système de négociation en crise, le Dr Ahmine répondra que «ce n’est pas l’adhésion à l’OMC qui va moderniser l’économie algérienne, ni qui va lui permettre d’intégrer la sphère économique mondiale.

C’est plutôt l’inverse. C’est la politique commerciale, industrielle et de développement des pays qui garantissent le développement des pays, ce n’est pas l’OMC qui les développe. Et à partir du moment où l’on est bien outillé de ses politiques, on retrouvera notre place dans l’économie mondiale». Aussi, enchaînera-t-il, «économiquement parlant, l’Algérie n’a aucun intérêt à y être. Je ne pense pas qu’on a beaucoup à y gagner à adhérer à l’OMC sachant que l’on s’est cassé les dents avec les accords d’association avec l’Union européenne. On peut admettre qu’il y a un intérêt politique».

Lynda Naili Bourebrab