Le président Assad n’exclut pas de se porter candidat à la prochaine présidentielle
Sitôt confirmée l’invitation faite à Téhéran, l’opposition syrienne en exil, qui s’était très difficilement résolue à faire le voyage en Suisse, a immédiatement fait volte-face.
La conférence de paix de Genève 2 semblait réellement menacée hier par l’invitation surprise de l’Iran, qui a provoqué la colère de l’opposition syrienne et la vive réaction de ses parrains, alors que Bachar al-Assad a répété sa détermination à rester au pouvoir. A la veille de l’ouverture à Montreux (Suisse) d’une réunion diplomatique qui doit tenter de trouver une issue à la guerre en Syrie, le président syrien a affirmé, dans un entretien exclusif accordé à l’AFP, qu’il y avait de «fortes chances» pour qu’il soit candidat cette année à sa succession et prédit une longue guerre avec les rebelles.
Avant ces déclarations, l’annonce dimanche par le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon de la présence d’une délégation iranienne en Suisse avait déjà jeté un sérieux doute sur la tenue d’un rendez-vous longtemps incertain. Sitôt confirmée l’invitation faite à Téhéran, l’opposition syrienne en exil, qui s’était très difficilement résolue à faire le voyage en Suisse, a immédiatement fait volte-face. «La coalition syrienne annonce qu’elle retirera sa participation à Genève 2 tant que Ban Ki-moon ne retirera pas son invitation à l’Iran» à participer à la conférence, a affirmé dans la nuit un porte-parole de la coalition syrienne, Louay Safi, sur Twitter. Manifestement pris de court par l’initiative du secrétaire général des Nations unies, les Occidentaux ont immédiatement appelé Téhéran à accepter l’idée d’un gouvernement de transition en Syrie, ainsi que décidé lors de la conférence de Genève 1 en juin 2012. «Si l’Iran ne souscrit pas totalement et publiquement au communiqué de Genève, l’invitation devra être retirée», a déclaré la porte-parole du département d’Etat, Jen Psaki. «Dans l’intérêt même de la recherche de la paix, il est évident qu’aucun pays ne saurait participer à cette conférence s’il n’en accepte pas expressément le mandat», a renchéri le chef de la diplomatie française Laurent Fabius. A son tour, l’Arabie saoudite, un des principaux soutiens financiers de l’opposition, a rejeté toute participation iranienne en rappelant qu’elle devait être liée à «l’acceptation d’un gouvernement de transition». Et l’Union européenne a insisté sur la nécessaire «transition politique» en Syrie. Mais Téhéran, qui n’a jamais accepté publiquement l’idée d’un gouvernement de transition, est resté sourd à ces demandes et a maintenu sa présence. «Sur la base de l’invitation officielle, l’Iran participera à cette conférence sans préconditions», a assuré la porte-parole du ministère des Affaires étrangères Marzieh Afkham.
La question du rôle de l’Iran dans le conflit syrien coïncide avec l’entrée en vigueur de l’accord conclu en novembre avec les grandes puissances sur le programme nucléaire iranien. A l’opposé des positions américaine, française et britannique, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a lui mis en garde l’opposition syrienne et les Occidentaux contre une «erreur impardonnable» en cas d’absence de l’Iran. La Coalition syrienne s’est refusée à tout nouveau commentaire officiel hier. De l’avis des observateurs, sa participation à Genève 2 semblait désormais des plus improbables, menaçant ainsi la tenue de la conférence elle-même. «L’opposition a déjà eu le plus grand mal à se décider à venir lorsqu’il était acquis que l’Iran n’y serait pas présent, il est dorénavant impossible qu’elle l’accepte avec l’Iran à la table», a commenté une source diplomatique occidentale, «l’impasse est totale». Si les puissances régionales comme l’Iran et l’Arabie saoudite, les puissances internationales comme la Russie et les Etats-Unis, et l’opposition syrienne arrivent à surmonter ce blocage dans les heures qui viennent, leurs représentants seront attendus demain à Montreux pour l’ouverture de la conférence. Les négociations elles-mêmes entre Damas et l’opposition doivent débuter vendredi à Genève.
Les objectifs des deux camps semblent totalement inconciliables, après les déclarations hier du président syrien. Dans un entretien à l’AFP, il a exclu de confier la tête d’un futur gouvernement à un opposant, indiquant «Je considère que rien n’empêche que je me porte candidat (…) et si l’opinion le souhaite, je n’hésiterai pas une seconde à le faire».