Au-delà de la déconfiture du camp islamiste dans tous ses segments issue des dernières législatives, c’est l’avenir de l’Alliance de l’Algérie Verte, initiée sous la houlette du MSP, qui est sujet à bien des interrogations. Survivra-t-elle à cette terrible épreuve ou, au contraire, implosera-t-elle ?
De toutes les déceptions que les résultats des législatives du 10 mai dernier ont suscitées, celle ressentie par le camp islamiste plus généralement et par son fer de lance, l’Alliance de l’Algérie Verte, plus particulièrement, est certainement la plus signifiante de par les fols espoirs nourris en ce que ce scrutin allait lui ouvrir et grandes les portes du pouvoir. Il faut dire qu’il ne pouvait en être autrement avec la déroute, la berezina ou encore la douche écossaise, subie par cette coalition avec les 48 sièges seulement obtenus à l’issue de cette élection. Ceci au moment où le trio était plus que certain de sa victoire qu’il prédisait éclatante au point même de se préparer pour ce faire en évoquant son gouvernement. Et d’aucuns, donc, parmi les observateurs de la chose politique nationale n’ont pas manqué de s’interroger sur le devenir de ce triumvirat à l’orée de ces nouvelles donnes. Implosera-t-il ? S’associera-t-il avec le duo FLN-RND, grand vainqueur de ces législatives ? Ou rejoindra-t-il l’opposition ? Autant de questions que l’on se pose légitimement et auxquelles il semble prématuré d’attendre des réponses dans l’immédiat. Car, les responsables et autres cadres des trois partis de cette alliance ne perdent pas de vue le caractère stratégique de toute position prise. Surtout que le pays s’apprête à se doter d’une nouvelle Constitution dans le sillage des réformes politiques engagées par le président de la République et dont les législatives de jeudi dernier constituaient une étape de la présidentielle de 2014, considérée comme le véritable enjeu. Et c’est tout naturellement, donc, qu’au sein du MSP, d’El Islah ou d’Ennahda, on s’efforce de garder son sang froid et d’éviter les réactions à chaud qui pourraient rajouter à leur désastre. Aussi, on essaie de ruminer encore sa colère, d’admettre cette déroute, tout en s’évitant de se tirer dans les pieds en rejetant la responsabilité sur l’autre. Surtout qu’au niveau des bases des trois partis, ça gronde, notamment parmi les jeunes militants qui font fi de toute autre considération stratégique que le rusé Soltani et ses compères Rebai et Akkouchi ne manqueront pas de brandir pour faire admettre un énième tour de vis. Des jeunes militants qui invitent carrément leurs leaders à rejoindre le giron oppositionnel, jugeant que leurs partis ayant été floués et menés en bateau et que «le véritable terrain pour eux n’est autre que l’opposition». Ce qui ne manquera pas de constituer un tracas de taille et de plus, surtout pour le leader du MSP, que l’on voit mal se départir de la doctrine participationniste que le parti a fait sienne depuis toujours et qui l’a de tout temps et nettement distingué du reste de la famille islamiste. D’ailleurs, le maintien du parti dans le giron présidentiel a, ces dernières années, constitué une pomme de discorde avec des pans entiers de cadres et de militants, à leur tête l’ancien ministre de l’Industrie, qui, de guerre lasse, ont fini par quitter le navire pour s’embarquer dans un autre, le Front du changement. Un démarquage qui, malheureusement pour Ménasra et compères, n’a pas été payant avec le résultat frisant le médiocre lors de ce scrutin, tout comme d’ailleurs le sont les résultats de l’autre frère du camp, Djaballah. Un leader dont l’option solitaire ne lui semble, apparemment, pas réussir et risque même de se voir subtiliser son troisième «bébé» au vu de la fronde née à la création de ce dernier, le FJD, et qui s’est accentuée après cette déconfiture avec 7 sièges récoltés alors qu’il se voyait piloter la mouvance avec un score beaucoup plus consistant. Ceci pour dire qu’il n’est pas évident que le triumvirat survive à cette amère et sévère défaite, car on voit mal le MSP qui, pour ceux qui l’ont peut-être vite oublié, est toujours dans le gouvernement sortant, renoncer à l’un de ses socles fondateurs ; l’option participationniste. Et ce n’est pas cette fois-ci que le parti dérogera à cette règle sachant que le pouvoir, indépendamment de la victoire écrasante de son binôme FLNRND, qui permet à ce dernier de gouverner aisément, a besoin d’une béquille islamiste comme ça a été de mise depuis 1995, au lendemain de l’expérience sanglante des législatives de décembre 1991. Et les déclarations de Belkhadem qui, malgré l’escarcelle de 218 députés dont s’est adjugé le parti, invitant au maintien de l’actuelle alliance, voire à son élargissement, vont dans ce sens. Il est même question d’associer, dans le souci d’une plus grande ouverture vers les autres courants, le FFS dont le bastion kabyle est pris en considération dans la perspective de la présidentielle de 2014. Cependant, cette perspective participationniste, les deux autres membres, El Islah et Ennahda, par ailleurs, squelettiques qu’ils sont devenus au fil des purges qu’ils ont eu à enregistrer, ne la partagent aucunement, leurs deux leaders, surtout l’impulsif Akkouchi, ayant à maintes reprises tenu des discours enflammés opposés à celui de Soltani. Et d’ailleurs, Rebai et Akkouchi ne se gênent point pour dénoncer des cas de fraude massive ayant émaillé ces législatives au moment où Soltani fait preuve de davantage de prudence. Une attitude qui en dit long sur les intentions des uns et des autres.
M. K.