Allemangne : Les conséquences sociales de la crise inquiètent

Allemangne : Les conséquences sociales de la crise inquiètent
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« Crises mondiales 1929-2009 : L’histoire est-elle en train de se répéter ? » C’est l’hebdomadaire Der Spiegel qui pose la question, en « une », cette semaine, à grand renfort de photos. La comparaison n’est pas nouvelle. Mais elle traduit les interrogations profondes qui taraudent les Allemands à propos d’une crise dont on peine à mesurer l’ampleur, le rythme et les conséquences sociales.

Une chose est sûre : jamais l’Allemagne de l’après-guerre n’avait connu pareille récession. Mercredi 29 avril, Berlin a dévoilé ses prévisions de croissance actualisées : cette année, le produit intérieur brut devrait se contracter de 6 %. Jusqu’alors, le plus gros recul avait été enregistré en 1975, il était de… 0,9 %.



Victime de la chute de ses exportations, le pays sera plus durement touché que ses voisins européens. Machines-outils, automobile, sidérurgie, chimie… Hier, moteurs de la croissance allemande, tous ces secteurs subissent l’effondrement de la demande mondiale. De plus en plus d’entreprises envisagent à voix haute des licenciements. Le ministère de l’économie estime que le nombre de sans-emploi grimpera à 4,6 millions en 2010. D’après les principaux instituts de conjoncture, la barre des 4 millions pourrait être franchie dès cet automne.

A cinq mois des élections législatives de septembre, le gouvernement a placé la question du chômage au centre de ses préoccupations. Pour conjurer une remontée trop rapide, il va porter de dix-huit à vingt-quatre mois la durée d’indemnisation du chômage partiel.

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L’instrument a permis d’éviter jusqu’à présent des licenciements massifs. Plus symbolique : Berlin a décidé de prolonger jusqu’à mai 2011 les restrictions à son marché du travail pour l’Europe de l’Est. L’ouverture des vannes aurait envoyé un mauvais signal au moment où de plus en plus d’Allemands redoutent de perdre leur emploi.

« DE LA COLÈRE »

Des défilés ont bien rassemblé les salariés d’entreprises en crise, tels l’équipementier Schaeffler et le constructeur Opel. Mais la crise n’a pas gagné la rue. Ce calme peut-il durer ? La polémique bat son plein. La candidate sociale-démocrate (SPD) à l’élection présidentielle, Gesine Schwan, a ouvert le débat, jeudi 23 avril, en affirmant s’imaginer sans peine que « la colère des gens puisse monter d’ici deux, trois mois ». L’universitaire a même évoqué un « danger pour la démocratie », comme une forme de mise en garde au regard de l’histoire.

La plupart des responsables politiques ne sont pas prêts à entendre un tel discours. « Irresponsable », ont répondu en choeur la chancelière chrétienne-démocrate (CDU) Angela Merkel, et son ministre de l’économie Karl-Theodor zu Guttenberg. Parler ainsi ne sert qu’à « attiser la panique », ont-ils critiqué. Même les sociaux-démocrates ont pris leurs distances avec Mme Schwan, préférant souligner l’efficacité du modèle social rhénan, basé sur le consensus et la négociation entre syndicats et patronat.

Pourtant, les syndicats ont, eux aussi, mis en garde contre le risque d’une explosion sociale d’ici à l’été. Le mastodonte IG Metall a promis dimanche une « vaste contestation », en cas de grandes vagues de licenciements. « Mais quel genre de contestation ? », s’interroge Barbara Riedmüller, spécialiste de questions sociales à l’Université libre de Berlin. « On ne peut pas nier que l’inquiétude se développe au sein de la population. Mais l’Allemagne n’est pas la France, et l’hypothèse de graves conflits sociaux est peu réaliste. La preuve, nous avons déjà eu 5 millions de chômeurs dans le passé et cela n’a pas pour autant dégénéré », rappelle-t-elle.

Vu d’Allemagne, les séquestrations de patrons à la française suscitent effectivement critiques et incrédulité, jusque chez les syndicats. Seul le chef de file de la gauche radicale Die Linke, Oskar Lafontaine, s’est risqué à les justifier. « Je souhaiterais cela ici aussi pour que l’on se rende compte qu’il y a de la colère, que des gens ont peur pour leur existence », a-t-il déclaré.