Ali Tounsi inhumé, hier, à El Alia Dernier hommage à Si El Ghaouti

Ali Tounsi inhumé, hier, à El Alia Dernier hommage à Si El Ghaouti

Les funérailles de Ali Tounsi, Directeur général de la Sûreté nationale (DGSN), ont eu lieu hier, au carré des Martyrs du cimetière d’El Alia à Alger.

À 13h 30, les grosses cylindrées aux vitres teintées, ont commencé à rejoindre le cimetière. Sous un soleil frileux, les membres du gouvernement et de l’armée ainsi que de hauts cadres de l’État à leur tête le président de la Chambre haute du Parlement, Abdelkader Bensalah, sans oublier les membres de la famille du défunt ; ses amis et ses compagnons d’armes, arrivent l’un après l’autre sous le regard vigilant des membres du cordon sécuritaire souvent débordés par l’affluence des personnes. Environ, plus d’un millier de personnes selon certaines estimations ont prit part aux obsèques.

Cette foule était plongée dans un silence absolu perturbé par le cliquetis des appareils photos des reporters de presse. Soudain, des policiers se précipitent autour d’une voiture pour qu’on lui céde le passage.

Cette voiture dévoilera quelques mètres plus loin ses illustres passagers, Ahmed Ouyahia et Yazid Zerhouni respectivement Premier ministre et ministre d’État ministre de l’Intérieur qui aussitôt descendus, ont été cernés par une haie de policiers. D’autres figures de la scène politique, en fonction ou en retraite, étaient présents entre autres, Saïd Bouteflika, Reda Malek, Khaled Nezzar et bien d’autres.

À 14 H 30 mn une ambulance de la police arrive avec la dépouille du défunt. Porté sur les épaules, le cercueil a été déposé sur l’esplanade du carré des Martyrs. Afin de permettre à ceux qui n’ont pas eu l’opportunité de le faire de lui rendre un dernier hommage, avant l’oraison funèbre.

Cette dernière a été prononcée par le commissaire divisionnaire, Lakhdar Dehimi. Ce dernier a salué les qualités humaines et les valeurs morales du défunt «qui a servi avec abnégation et dévouement la patrie» et combattu le colonialisme, aux côtés de ses compagnons d’armes, avec un «courage et un héroisme exceptionnels».

Il a ajouté que le défunt a grandement contribué, après l’indépendance, à l’édification des institutions de l’État, à travers les postes de responsabilités qu’il a occupés. L’orateur a également mis en avant le rôle du colonel Ali Tounsi dans la lutte contre les différentes formes de criminalité, rappelant que la sécurité de l’Algérie constituait sa préoccupation majeure.

Il a relevé aussi le souci du défunt «d’oeuvrer en permanence à la rénovation du système de formation et de mise à niveau au sein de la Sûreté nationale», et sa volonté à «préparer de nouvelles générations capables de relever les défis et faire face aux forces du mal et de destruction, pour préserver la sécurité et la stabilité du pays».

Il a, en outre, mis en exergue le travail accompli par Ali Tounsi pour bâtir un corps de la police professionnel et moderne. Avant de conclure par ces mots : « la vie d’un homme ne se calcule pas par le nombre des années qu’il a vécues mais par les oeuvres qu’il a réalisées »

Pour rappel, Ali Tounsi nommé Si El Ghaouti, est né le 27 septembre 1937. Il est titulaire d’une licence en sciences juridiques. Il a rejoint les rangs de l’Armée de libération nationale en 1957. Après l’indépendance, il a participé à l’organisation des rangs de l’Armée nationale jusqu’au 1989.

Puis, adjoint de la quatrième région militaire jusqu’au 1988. Puis, il est nommé colonel avant de prendre sa retraite. En 1995, Ali Tounsi est nommé Directeur général de la DGSN avec 15 ans de service. Il est titulaire de plusieurs médailles d’honneur en Algérie et à l’étranger.

Sofiane Habarek

TÉMOIGNAGES DE POLICIERS : «Tounsi a révolutionné la police»

Difficile de faire parler des éléments du corps de la Sûreté nationale en proie à un deuil consécutivement à l’assassinat, ce jeudi, de son tout premier responsable et de surcroît, par un de ses plus proches collaborateurs. La consternation se lisait aisément sur les visages de certains d’entre eux qu’on a apostrophés mais aussi dans la voix de ceux avec qui on a pris attache.

Tous ou pratiquement, étaient sous le choc et dégageaient l’idée qu’ils ne croient pas à ce qui vient de toucher leur institution au plus haut de sa hiérarchie. Nos interlocuteurs ont, à l’unanimité, fait l’éloge de leur désormais ex-boss qui a, diront-ils, révolutionné le corps.

Pour un officier d’un commissariat de la wilaya de Tizi Ouzou,Tounsi a imprimé à la Police nationale sa propre vision basée sur la modernisation sur le double plan du personnel et du matériel, la proximité d’avec le citoyen et l’ouverture sur la gent féminine, dira notre interlocuteur, entre un sanglot et un autre mal contenu, témoignant de sa profonde affection.

« J’espère seulement que le rythme qu’il a imprimé à l’institution sera poursuivi avec la même cadence et la même rigueur », ajoutera-t-il avant de nous prier de prendre congé de lui, la voix totalement nouée de chagrin. Un camarade de service prendra le relais pour relever un fait qu’il dit garder à jamais jusqu’à ce qu’il le rejoigne dans l’au-delà.

Le défunt était simple même lorsqu’il était de service. Notre interlocuteur, pour appuyer son assertion, dit revoir sans discontinuité le film de la petite entrevue qu’il avait eue avec lui lors de l’inauguration, il y a trois années de cela, du commissariat où il travaille. « Il m’avait encouragé à aller de l’avant et de s’ouvrir sur la société », se rappelle-t-il.

K. M.

LES DERNIERS MOTS DE ALI TOUNSI À L’ADRESSE DE SON ASSASSIN: «Vous m’avez déçu»

L’homme fort de la direction générale de la Sûreté nationale DGSN n’est plus. Ali Tounsi a été assassiné, jeudi aux environs de 10h45 minutes, alors qu’il devait tenir une réunion de travail avec certains de ses collaborateurs.

Se rendant à cette réunion, le défunt a été accosté par son agresseur qui voulait une explication sur son limogeage et sur une affaire de malversations le concernant, parue le jour même dans un quotidien arabophone.

En effet, l’article en question mettait en cause, le colonel Oultache Chaïb, commandant de l’unité héliportée de la DGSN de malversations dans un certain nombre de contrats douteux passés avec des fournisseurs de pièces de rechange d’hélicoptères et de matériels informatiques.

Les derniers mots échangés par Ali Tounsi avec celui qui deviendra son assassin auraient été, selon certaines sources, «vous m’avez déçu». Réagissant vraisemblablement à ses propos, le colonel en retraite a tiré à bout portant sur son ami et voisin avant d’être son directeur.

Le laissant pour mort il quitte le bureau menaçant de son arme des cadres de la DGSN qui attendaient de se réunir avec leur patron, blessant l’un d’eux avant de retourner l’arme contre sa personne se blessant au thorax.

Grièvement blessé, il a été évacué à l’hôpital militaire de Aïn Naâdja, où il a été admis dans un état comateux. La relation d’amitié et de voisinage qui liait le défunt à celui qui est devenu son assassin ne datait pas d’hier. En effet, l’itinéraire retracé du parcours de ces derniers, révèle que ces deux hommes, ont occupé des postes très élevés dans l’armée, suite à quoi ils avaient noué une relation d’amitié.

Ce qui a conduit Ali Tounsi à le placer, il y a huit ans, à la tête de l’unité des hélicoptères de la DGSN. Au moment où nous mettions sous presse, nous avons appris que l’assassin de Ali Tounsi a repris connaissance de son coma et que ses jours ne sont pas en danger.

Ce qui permettra aux enquêteurs d’élucider ce drame et d’en déterminer les causes exactes, non sans l’avoir passé, comme l’exige la loi, par un test psychique pour définir l’état de ses facultés mentales.

Kamal Lembrouk

ASSASSINAT DE ALI TOUNSI: Un crime et des questions

Un assassinat par ces temps de calme revenu même si quelques soubresauts persistent çà et là, c’est toujours très dur à admettre : le décès tragique du chef incontesté de la police a jeté l’émoi et surtout la stupeur et l’incompréhension au sein d’une population qui a appris à tourner la page tragique de cette décennie où la mort violente s’est banalisée à un point inimaginable.

C’est pourquoi la nouvelle de la disparition subite de Ali Tounsi a fait l’effet d’un cataclysme surtout qu’il s’agit-là d’une personnalité de premier rang aux commandes d’un corps qui a lourdement contribué à la lutte antiterroriste.

On dit de l’homme un dirigeant intransigeant concernant les questions de sécurité et on sait qu’il a énormément modernisé la police en ouvrant largement ses structures à la gent féminine dont des éléments ont accédé à de très hautes fonctions.

Aussi, convient-il de s’interroger sur son « élimination » que la version officielle présente comme le dénouement douloureux d’un conflit familial et qui intervient à un moment précis où beaucoup de dossiers sulfureux ayant trait à la corruption sont fortement médiatisés. L’homme aurait entamé une campagne d’épuration de son administration afin d’en extirper les éléments « ripoux » comme on dit dans le jargon de la boîte.

Et justement son assassin n’aurait pas apprécié un limogeage que justifie la fonction qu’il occupait-il était chargé des hélicoptères avec toutes les transactions en pièces détachées que ces appareils très coûteux impliquaient- La victime aurait-elle nourri de solides suspicions pour prendre la décision qui allait lui être fatale ?

Le coupable, un ancien officier supérieur de l’ANP, exerçait en qualité de collaborateur, c’est-à-dire qu’il n’était pas issu des rangs de la police. Il n’empêche que ce drame qui intervient à un moment où de grands déballages sur la corruption à haute échelle se font au grand jour, ne saurait logiquement être attribué à un acte isolé ou à la démence d’un élément indiscipliné.

C’est l’Algérie qui perd un élément qui a passé plus de dix longues années à redresser un corps en procédant parfois à des limogeages spectaculaires de hauts responsables au sein de l’institution. Il n’y a qu’à constater ce qu’on pourrait appeler une campagne de « moralisation » qui s’est déclenchée ces derniers mois et qui s’est soldée par la mise à l’écart de divisionnaires activant dans des wilayas sensibles.

Alors, est-ce le prix de l’audace qu’aurait payé de sa vie le défunt? Ce drame augure franchement des choses « angoissantes » pour reprendre l’expression d’un confrère, analysant l’événement sous l’angle d’une résistance « sanglante » à la lutte contre la corruption récemment engagée.

Il faut dire aussi que les communiqués laconiques ne font rien pour rasséréner une opinion publique livrée aux pires spéculations : il ne s’agit pas de l’assassinat d’un policier en fonction -comme hélas, il s’en déroule de temps à autre, suscitant sinon l’indifférence, du moins la lassitude. Là nous avons affaire au meurtre du chef de la police- « le ministre de la police » écrit un journal online étranger (Bakchich – 25 /02). C’est là que réside la grande question : à qui profite ce crime ?

Hamid A.B.