
Candidat à la candidature à l’élection présidentielle du 17 avril 2014, Ali Benouari n’a pas pu entrer en lice pour des raisons, a-t-il expliqué, «politiques». Quelques mois plus tard, il revient à la charge. Non plus en indépendant, mais en leader d’une formation politique qu’il vient de lancer avec une panoplie d’universitaires et de cadres, Nida el Watan, qui attend toujours son agrément. Dans cette interview express, il nous livre son point de vue sur la situation politique actuelle.
L’Expression: Vous venez de lancer un parti, Nida el Watan, alors qu’il en existe plusieurs dizaines. Pourquoi donc? En quoi Nida El Watan se distingue des autres?
Ali Benouari: Il faut rappeler tout d’abord que l’action politique ne peut se concevoir en dehors de l’existence de partis politiques. Les partis portent des projets de société qu’ils font connaître auprès du peuple et celui-ci choisit en fonction des programmes qui lui sont offerts. Le parti, c’est aussi des hommes et des femmes qui doivent être moralement irréprochables et représentatifs de la société.
Cela induit que l’offre doit être la plus diversifiée possible afin que les citoyens, conscients et responsables, puissent faire les choix qui engagent leur avenir. Tout cela s’inscrit donc nécessairement dans le cadre des processus électoraux qui se déroulent librement, dans la transparence et sous le contrôle des partis en lice.

Seuls des scrutins libres permettront de dire qui pèse quoi sur l’échiquier politique. De nombreux partis disparaîtront, car ils n’auront pas su capter l’intérêt du peuple ou parce qu’ils n’ont tout simplement pas de programme crédible.
Les partis qui survivront gouverneront seuls ou formeront avec d’autres partis des coalitions saines, sur la base d’affinités programmatiques. Les citoyens jugeront ensuite, à l’occasion de scrutins ultérieurs, si les partis qu’ils auront investis de leur confiance ont été capables de tenir leurs promesses. Il s’agit donc d’un processus interactif, nécessairement long. Tel est le sens de la démocratie. Il n’y a aucune autre alternative.
Ce processus fait peur aux dictateurs, car il n’y a pas de place pour les imposteurs, qui finiront toujours par être démasqués. Nida el Watan s’inscrit dans cette démarche. Avant même de s’organiser en formation politique, il a proposé un programme basé sur une ambition à long terme et sur une vision extrêmement réaliste quant aux réformes à entreprendre. Voilà pourquoi elle séduit tant de gens.
Il paraît que le ministère de l’Intérieur tarde à vous délivrer un récépissé. Cela ne risque-t-il pas de compromettre votre retour sur la scène politique?
Pas du tout, je suis serein. Nida el Watan ne s’inscrit pas dans une vision à court terme. Le pouvoir actuel peut bloquer notre dépôt de dossier (une première dans notre pays) aussi longtemps qu’il veut. Cela ne nous gêne pas. Au contraire, il confirmera que nous sommes une réelle force d’opposition. Son refus nous renforcera. D’ailleurs, que vaut une légitimation émanant d’un pouvoir dont nous remettons en cause la légitimité?
Louisa Hanoune considère que certains patrons sont des «prédateurs potentiels» et les qualifie d’«oligarques». Selon vous, les patrons algériens ont-ils l’intention et les moyens de constituer une oligarchie comme cela s’est fait dans la Russie d’Eltsine?
C’est le seul point où je suis en total accord avec elle. Le système a sécrété de véritables oligarques, de nature mafieuse, donc dangereux pour notre pays. Pour le reste, tout le monde sait que Louisa Hanoune roule pour le pouvoir qu’elle contribue à légitimer. Le pouvoir a besoin d’elle. Elle joue à merveille le rôle qui lui a été assigné. Ses rodomontades donquichottesques ne trompent plus personne. La démocratie fera disparaître ce genre d’individus. Tout comme elle se débarrassera définitivement des imposteurs qui animent les partis satellites tels le RND, le FLN, etc.
La scène politique se bipolarise avec, d’un côté, l’opposition regroupée au sein de l’Icso et, de l’autre, les partis au pouvoir que Ouyahia veut rassembler, les autres acteurs, notamment le FFS et le PT n’étant pas suffisamment forts pour constituer chacun un pôle à part entière. De quel côté vous situez-vous?
Clairement du côté de l’Isco, à condition, comme je l’ai déjà dit, que cette instance s’ouvre à tous les partis et personnalités qui oeuvrent sincèrement à la sauvegarde de notre pays, aujourd’hui menacé dans ses fondements. La coalition des partis d’opposition ne doit être qu’un moyen pour forcer au départ le régime actuel, de manière organisée et pacifique. A contribuer aussi à organiser des élections libres, elle ne devrait avoir aucune autre ambition. Les ambitions politiques de ses membres ne pourront s’exprimer qu’au travers de scrutins libres.