Ce qui devait être que de simples moments de célébration pour la communauté marocaine après le franc succès des Lions de l’Atlas contre les Verts algériens a failli tourner en un affrontement entre des jeunes des deux communautés.
Il a fallu de peu pour que la situation dégénère. Même une équipe de policiers anti-émeute a été dépêchée en renfort sur Jean Talon pour éviter le grand clash. Mais cette unité spéciale n’est pas passée à l’action, vu que les esprits se sont calmés et la raison a fini par l’emporté après plus de deux heures de tension sur l’artère principale du Petit Maghreb de Montréal. Toutefois, il faut signaler que sur une des escarmouches qui caractérisait le face-à-face partisans algériens et marocains, une jeune supportrice marocaine a été blessée à la tête par un projectile et a été transportée en ambulance.
On s’est chambrés des jours avant la rencontre, c’était sympa
Pourtant, rien ne présageait un tel scénario avant le match, tant les supporters des deux communautés se connaissent et se côtoient tous les jours dans cette partie maghrébine de Montréal. On s’est chambrés des jours durant avant la rencontre, mais tout est resté dans un bon esprit fair-play et de bon voisinage. De plus, beaucoup ont choisi de suivre pratiquement côte à côte dans les cafés et restaurants et tout espace de rassemblement qui présentait sur écran géant la rencontre qui se déroulait à Marrakech. Un point noir pour la communauté maghrébine, qui pourtant n’a habitué les riverains qu’aux bons comportements civiques par le passé.
Une affaire de gamins, mais…
Au coup de sifflet final et le blanchissage (terme usité notamment dans le hockey pour décrire une victoire nette par un grand score sans en encaisser. Pour un Québécois qui a pris connaissance du score, nous dira que cela ressemble à un 7-0 au hockey), on s’attendait à voir les supporters marocains faire enfin la fête à Jean Talon tant ces deux dernières années ce sont les Algériens qui étaient sous les feux de la rampe avec le parcours remarqué et remarquable de leur équipe nationale avant et pendant la Coupe du monde. Mais voilà, ce sont les Algériens, surtout des jeunes dépités et frustrés par la défaite humiliante qui n’ont pas trouvé mieux pour extérioriser leur déception que d’être les premiers à sortir dehors et se mettre à chanter et à glorifier leur équipe et leur pays.
Les Marocains sont venus festoyer côté algérien…
Surpris et pris au dépourvu par cette réaction, les Marocains n’ont pas trouvé mieux que de venir festoyer et défiler en face des Algériens. Une manière de les défier. Pourtant, comme d’habitude, les agents de la police de Montréal (SPVM) ont fermé la rue Jean Talon sur plusieurs centaines de mètres et y ont bloqué les intersections. Il y avait donc assez de place et d’espace pour que chacun fasse sa fête à sa manière. D’ailleurs, ce sont toujours les mêmes officiers qui ont été dépêchés sur les lieux sous la houlette du commandant Vincent. Tellement habitués à la bonne ambiance, le Québécois Dubois et le Haïtien Guercy font partie désormais du décor de la fête à Jean Talon. Ils étaient bien sûr aidés par quelques jeunes patrouilleurs à vélo ou à pied pour assurer la sécurité.
L’étincelle est venue d’un jet de bouteille en plastique
Ce face-à-face a débuté avec des chants où chacun haussait le ton en vantant son équipe et son pays. Mais soudain, insultes et injures ont pris le relais. Il y avait de l’électricité dans l’air. Les deux camps se frottaient presque, quelques bousculades ont éclaté. Les sages des deux camps avaient beau essayer de calmer les esprits, en vain. L’étincelle fut le jet d’une bouteille en plastique, suivi d’une canette, puis une autre. Et quand un fan des Marocains a jeté un sac de poubelle rempli de déchets sur les Algériens, non seulement le sac a été renvoyé à l’expéditeur, mais le camp des fans de Verts a carrément lancé une chasse aux Marocains, les obligeant à déguerpir.
La chasse aux Marocains, grande panique
Un mouvement de panique impressionnant s’en est suivi, où on entendait les cris des jeunes filles fuyant l’assaut «Icite», les jeunes filles issues de l’immigration, se mixent sans problème aux garçons dans pareille occasion. Ce fut la première alerte.
Par la suite, quelques irréductibles marocains sont revenus à la charge et ont voulu en découdre. Les Algériens n’ont pas cédé d’un iota de leur espace. Les Marocains ont été sommés par les sages de leur communauté d’aller célébrer plus loin leur victoire. Une barrière de sécurité composée de policiers a été déployée entre les antagonistes. Mais cette fois-ci, les Algériens les ont poursuivis pour les empêcher de faire la fête. La situation s’était dégradée et a échappé au contrôle. Les Algériens ont repoussé et chassé l’adversaire d’un jour loin sur la rue Jean Talon, jusqu’à la station de métro St-Michel. L’idée était de leur faire comprendre que Jean Talon appartenait aux Algériens. D’ailleurs, un jeune a dit au policier haïtien, un habitué des lieux, que les Marocains devaient aller sur le quartier Côte des Neiges, où leur communauté est importante s’ils voulaient faire la fête. Le Haïtien lui a rétorqué que le Petit Maghreb, comme son nom l’indique, inclut aussi les Marocains et les Tunisiens.
La police anti-émeute intervient en urgence
Quand on a commencé à utiliser le langage des projectiles, la police anti-émeute a été appelée en urgence. Même la mairesse de l’arrondissement Anie Samson est venue en catastrophe pour s’enquérir de la situation. «Je soupais en toute quiétude chez moi, quand mon patron m’a appelé. Je ne comprends pas qu’est-ce qui a pris ces jeunes pour avoir une telle attitude. On nous a habitués à la fête pas à ces débordements. De plus, le déploiement de la police se justifie du moment qu’on a tiré sur les policiers et les gens avec des pierres. C’est vraiment désolant d’en arriver là.»
D’ailleurs, le déploiement des policiers anti-émeute a dissuadé les excités et tempéré leurs ardeurs. Les dernières tentatives des sages ont réussi même à regrouper quelques supporters ensemble, arborant les drapeaux des deux pays côte à côte, une manière de montrer leurs bonnes intentions envers les agents de l’ordre. On s’est mis alors à chanter Go Habs Go, en référence à l’équipe de hockey de Montréal. Vers 20heures passées, soit deux heures après la fin du match, l’alerte a été levée, la rue Jean Talon a été rouverte à la circulation. Les Marocains ont pu enfin klaxonner et brandir leurs drapeaux en toute quiétude.
K. A.