À la cérémonie d’inauguration de la basilique, le représentant personnel de Bouteflika n’a pas lu le discours qu’il avait pourtant préparé. Le responsable du protocole s’est contenté d’en distribuer des copies. Surtout aux journalistes des médias publics.
Il était 13h45 quand les représentants officiels de l’État algérien, Abdelaziz Belkhadem, (ministre d’État et représentant personnel du président Bouteflika), Bouabdallah Ghlamallah, ministre des Affaires religieuses et des Waqfs, et Mohamed Abdou, wali d’Alger, ont dévoilé la pierre commémorative. C’était hier à la basilique de Notre-Dame-d’Afrique, à Alger, à l’occasion de sa restauration.
L’image de ces trois officiels devant les flashs des photographes était des plus paradoxales. Aucun sourire n’était au rendez-vous. Les photographes avaient en face d’eux des visages fermés. Une attitude inhabituelle pour ce genre de circonstances. Pourtant l’Algérie, institutions et entreprises, a beaucoup investi dans la restauration de cet édifice chrétien. L’opération aura coûté cinq millions d’euros (exactement 5 104 000 euros) pour une période de trois ans. L’Algérie était partie prenante dans les deux formes de financement : public et institutionnel (ou privé). Dans le premier, l’État algérien, représenté par la wilaya d’Alger, a déboursé 56 millions de dinars. L’autre partie du financement a été presque entièrement l’”œuvre” d’entreprises algériennes, publiques et privées, telles que Sonatrach, Sonelgaz, Cevital ou encore le groupe Mehri.
Malgré cet engagement, les Algériens étaient visiblement bien embarrassés, particulièrement Belkhadem et Ghlamallah. Les deux n’ont d’ailleurs pas fait de déclaration dans l’enceinte de l’église. Pourtant, un discours a été préparé, pour l’occasion, par le représentant personnel de Bouteflika. Il ne l’a pas lu. Son responsable de protocole s’est contenté de distribuer des copies du discours exclusivement aux médias publics et aux étrangers présents !
Pourquoi tant de brouhaha dans la position officielle ? Une question à laquelle certaines sources répondent par une “désapprobation algérienne” de l’attitude des Français. À ces derniers, il leur est reproché de revendiquer la paternité de la restauration en omettant de mettre en valeur les efforts consentis par l’Algérie. Les mêmes sources expliquent le retard de l’inauguration, qui devait se dérouler en juillet dernier, par un mécontentement du côté algérien. Les attitudes des officiels, hier, sont venues le confirmer. Toutefois, l’État algérien ne pouvait pas “rater” ce rendez-vous. Accusé de restreindre les libertés religieuses, surtout contre les chrétiens, il se devait de démontrer le contraire.
Du côté français, l’enjeu dépasse de très loin le périmètre de la basilique de “Madame l’Afrique”, comme l’appellent les Algérois. Le paysage politique de l’Hexagone s’est invité hier à Bab El-Oued. Deux figures emblématiques de la droite et de la gauche étaient présentes. Michel Vauzelle, président de la région PACA, représentait le parti socialiste. Pour la droite, il y avait Jean-Claude Gaudin, le sénateur-maire UMP de Marseille. Chacun des deux a tenu à rappeler les efforts financiers qu’ils ont consentis pour la rénovation de la basilique. La région de PACA et la ville de Marseille ont “déboursé”, dans cette opération, la même somme : 360 000 euros. En ligne de mire, il y a les voix des pieds-noirs. Ces derniers représentant pas moins de 5% de l’électorat français et dans certaines régions du Sud plus de 20%. Cette activité des deux hommes politiques français sonne comme un message à cette catégorie d’électeurs et espèrent qu’ils s’en souviendront le jour J, soit avril prochain lors de l’élection présidentielle. Cette attitude, évidement, a été loin d’être au goût d’Alger.
La relation cultuelle entre l’Algérie et la France risque de revivre encore d’autres moments de tension. La prochaine “occasion” sera la refondation de la basilique de Saint-Augustin d’Annaba, dont les travaux ont déjà commencé. “Le financement de cette prochaine opération sera similaire”, déclarera, à Liberté, l’architecte, Xavier David, maître d’œuvre de la restauration de “Madame l’Afrique”, tout en précisant que “le projet devrait coûter environ quatre millions d’euros et cette fois, ce ne sera pas la région de Lyon qui participera aux finances puisque Annaba est jumelée avec Saint-Étienne”.