Procès Khalifa : Aboudjerra Soltani accuse Sidi Said

Procès Khalifa : Aboudjerra Soltani accuse Sidi Said

Bouguerra Soltani, minister of state and head of the Society Movement for Peace (MSP), speaks with Reuters in his office in Algiers February 18, 2009. Algerian President Abdelaziz Bouteflika should use surplus oil and gas revenues to improve life for a younger generation that has grown tired of political speeches, Soltani said. Picture taken February 18, 2009. REUTERS/Louafi Larbi (ALGERIA)Aboudjerra Soltani, l’ex-ministre du Travail et de la Sécurité sociale, s’est présenté contre toute attente et contrairement aux autres ministres concernés en qualité de témoins dans l’affaire de Khalifa Bank et a répondu à toutes les questions du président du tribunal criminel de Blida, Antar Menouar, et du procureur général, Zerg El Ras Mohamed, et des avocats de Abdelmoumene Rafik Khalifa. Ainsi, Aboudjerra Soltani a été entendu hier par le président du tribunal criminel en qualité de témoin.

L’ancien ministre a, au cours de son audition par le juge en charge du dossier confirmé qu’il n’a « jamais été informé ni par les responsables de l’ensemble des caisses qui relevaient de son département à l’époque (CNAS,CNAC, CNR…) ni par le conseil d’administration, par l’IGF ou par le financier de la caisse sur le placement de plus de 9 mille milliards de centimes effectué dans la banque Khalifa lorsqu’il était à la tête du ministère durant la période allant de 1999 à 2001 ».

À la question qui relève de l’article 30 du décret exécutif 92-07 qui impose au conseil d’administration d’informer la tutelle sur toute opération de placement de fonds, M. Soltani a tout d’abord sollicité l’instance judiciaire de corriger la date portée dans le dossier judiciaire et plus particulièrement devant le juge d’instruction alors chargé de l’enquête judiciaire. Il a déclaré à la direction du juge d’audience : « J’étais ministre durant les années 1999 à 2001 et non pas à 2002 ».

Il a tenu à expliquer : « Tout ce que je sais, c’est qu’une réunion a été tenue par le conseil d’administration sans la présence des membres du conseil ! ». Le président intervient, « Est-ce que le président du conseil d’administration, Abdelmadjid Sidi Saïd, vous a informé verbalement du dépôt de fonds ? », questionne-t-il. « Je vous l’ai déjà dit, monsieur le président, je n’étais informé ni verbalement ni par écrit par rapport aux dépôts de fonds et si l’information a été donnée, elle sera réceptionnée par le SG du ministère et ce dernier la communiquera de son côté.

Et c’est au ministre d’accorder son aval ou de refuser tout simplement ! », a répondu Soltani qui avoue que « Sur le principe même, il n’aurait pas donné son accord sur les opérations de dépôts » .

Interrogé à propos des personnes à qui profitent ces intérêts, l’ancien président du MSP a indiqué : « A personne puisque les caisses ont un caractère social et non commercial. Donc, c’est pour cette raison que j’ai dit que sur le principe j’aurais refusé ».

Le témoin a précisé que durant cette période son département a procédé au changement du conseil d’administration pour qu’il soit équilibré car, selon lui, il était composé en majorité de travailleurs, du patronat et de quelques membres qui représentaient le gouvernement. Le témoin a expliqué aussi : qu’en 2003, après son départ, son remplaçant a ouvert une enquête à travers les caisses qui a abouti à découvrir un trou financier.

« Les caisses, c’est des caisses de solidarité, sociales et non commerciales », a fait rappeler le témoin en précisant qu’il n’avait pas d’espions dans les directions mais il avait confiance dans les cadres qui géraient toutes les caisses et sans exception.

« Le directeur de la CNAS touche un meilleur salaire qu’un ministre ! »

Lors de l’audience, l’ex-ministre du Travail a expliqué qu’il était surpris par une décision unilatérale du conseil d’administration des caisses qui avait procédé, à l’époque, à une augmentation de 45% sur les salaires. « Moi je touchais 6 millions alors que le directeur de la CNAS touchait 9 millions.

A ce moment-là, j’ai souhaité être un directeur de la CNAS au lieu d’un ministre ! », a fait remarquer M. Soltani. Ce dernier a par ailleurs estimé, que : « La compagnie Khalifa Airways a réglé le problème de transport aérien à l’intérieur et à l’extérieur du pays. « Moi personnellement, je voyageais d’Alger à Tébessa avec la compagnie aérienne que possédait Khalifa Abdelmoumène ».

A la question de savoir pourquoi il se trouvait à l’hôtel Hilton à un moment qui coïncident avec une réception organisée par Abdelmoumène Khalifa dans le même hôtel, Soltani a répondu : « Où est le problème ? est-ce que assister à une cérémonie est un crime ? ». « Non pas du tout, monsieur Aboudjerra ! », réplique le président du tribunal ». Il a fait savoir enfin que « Plus de 32 milliards de dinars ont été déposés au niveau des différentes caisses de Khalifa Bank par toutes les caisses sociales dépendant de son secteur ».

Dans le même volet, il a fait savoir que : « Le SG de l’UGTA, Abdelmajid Sidi Saïd, ne m’a jamais informé que ce soit verbalement ou par écrit concernant les décisions prises dans les opérations de placement des fonds ! » Suite à l’absence d’Abdelmajid Sidi Said qui se trouve à Genève, selon son neveu, Me Sidi Said Samir, le président s’est contenté de lire sa déposition faite devant le juge d’instruction du tribunal de Chéraga, le 28/11/2004 et durant laquelle il a expliqué au magistrat instructeur qu’il était le premier responsable de l’administration de la caisse durant la période de 1998 jusqu’à 2002.

9,9 milliards de dinars placés

Il avait affirmé « Qu’une réunion du conseil a été tenue le 12/02/2002 et quatre jours après le ministère a été informé. Le conseil a pris la décision des dépôts de fonds au niveau de Khalifa Bank le 26/09/2002 ». Abdelmajid Sidi Saïd avait en outre indiqué qu’il n’a jamais bénéficié de complaisance de Khalifa Bank et qu’il ignorait avoir bénéficié d’une carte Master Card et n’a pas manqué de s’interroger par rapport à l’existence de son nom dans la liste des personnes ayant été bénéficiaires d’avantages offertes par Khalifa.

Appelée à la barre pour donner sa version des faits, Chentouf Nadhira, alors directrice générale de la CNAS, a déclaré : « Sur les sept caisses, seule la Cnas et la CNR sont concernées par le décret exécutif 92-07. Un placement de 9,9 milliards de dinars a été effectué en 2001 dans la banque Khalifa. La directrice confirme que la tutelle n’a pas été avisée pour ce dépôt. L’inspection générale du ministère a enclenché une enquête qui n’a donné lieu à aucune confirmation d’information sur ce dépôt.

« Sidi Saïd a pourtant confirmé que le conseil d’administration a avisé la tutelle », intervient le président. Le conseil d’administration est responsable des décisions prises mais il est tenu d’informer la tutelle qui doit répondre dans les trente jours. L’un des avocats de la défense : « La CNAC a-t-elle adressé des correspondances ? » la CNAC n’est pas tenue d’appliquer le décret exécutif 92-07 mais sur le plan de la gestion, elle est tenue de rendre compte à la tutelle ».

« Il n’y a pas une loi qui interdit aux caisses d’opérer un placement pour faire fructifier l’argent mais, il est question de prendre des mesures prudentielles. L’article 30 du décret exécutif 92-07 exige l’accord du ministre dans les 15 jours qui suivent. »

Benaouda Mohamed, Achi Tayeb, deux membres du conseil d’administration de la Caisse Nationale des Assurés Sociaux (CNAS) ont confirmé « qu’ils n’ont jamais été convoqués pour une réunion jusqu’à l’arrivée du ministre Tayeb Louh, qui avait procédé à l’installation de nouveaux membres du conseil d’administration »

Benacer Abdelmadjid, DG de la CASNOS de 1996 jusqu’à 2005. Il a tenu à confirmer que : « la caisse a effectué un placement de 10 milliards de dinars. Le témoin explique concernant le dépôt. « Il y avait une résolution du mois d’avril 2001 du conseil d’administration qui donne le droit à la direction de faire un placement. Et en janvier 2002 j’ai discuté avec le président du conseil d’administration (Sidi Saïd) pour placer une partie du 15% de l’ensemble des fonds. Et il m’a donné son accord. Nous avons l’habitude d’effectuer des placements de ce genre.

« Il est vrai que nous n’avons pas cherché l’accord de la tutelle parce que nous étions la dernière caisse qui a fait le placement. J’ai la convention signée et j’ai la résolution qui me donne l’autorisation de faire le placement. Le 26 septembre 2002 le conseil d’administration s’est réuni pour étudier le projet du budget et bien sûr, nous avons abordé les placements dans la banque Khalifa ».

Le président procèdera aujourd’hui à l’audition de plusieurs témoins dont d’ex-cadres et ex-fonctionnaires ayant occupés des postes clés dans le monde des sports et plus précisément le football à l’instar d’ex-joueurs internationaux, entre autres Lakhdar Belloumi, d’anciens présidents de clubs sportifs notamment Mohand Cherif Hannachi, président de La Kabylie, Said Allik, ex-président de l’USM Alger, Abdelhakim Serrar, ex-président de l’ES Sétif et l’actuel président de la Fédération algérienne de football Mohamed Raouraoua et le présentateur de sport Maamar Djebbour.