Le 2ème (contre) choc pétrolier : Une crise et des réponses

Le 2ème (contre) choc pétrolier : Une crise et des réponses

petrole-aie_854021_679x417.jpgIl ne se passe pas de semaine, sinon de jour, sans que des analyses et des commentaires soient publiés relevant la situation délétère vers laquelle l’économie nationale semble se diriger.

1ère partie

Chacune de ces contributions s’interroge sur la politique du gouvernement et propose des solutions de nature générale pour arrêter le glissement vers la crise.

Ce sont en général des propositions de politiques macro économiques portant sur le taux de change et la limitation des importations. Ces propositions, si elles devaient être retenues et appliquées, auraient peu d’effet sur le redressement de la situation. En effet, ces propositions s’attaquent aux symptômes et font l’hypothèse qu’un changement de politiques macroéconomiques relancerait l’économie. En effet, s’il y a menace de crise, de quelle crise parlons-nous ?

Pour l’Algérie, la seule variable stratégique en matière de croissance est le prix du baril du pétrole et du m3 de gaz. L’économie nationale n’ayant qu’une faible capacité de production et d’exportation, la source majeure de revenu de la nation sont les hydrocarbures. Une baisse des prix des hydrocarbures signifierait, sinon l’arrêt, du moins un ralentissement de l’activité économique, une baisse des programmes de subvention du gouvernement et donc un chômage important et une inflation en hausse. Un document présenté par le «think thank» citoyen NABNI à la réflexion et à la contribution de tout un chacun, souligne qu’aujourd’hui, l’Algérie fait face, comme en 1985-86, à un nouveau choc pétrolier. Ceci est juste. Et paradoxalement, l’économie est plus vulnérable aujourd’hui qu’elle ne l’était alors. Notre économie est la moins diversifiée et la plus concentrée au monde. Les hydrocarbures (notamment le brut) et les produits miniers représentent 98 % des exportations et les importations de biens et services ont connu un accroissement spectaculaire (multiplié par 6 en 15 ans).

Les ressources pétrolières représentent, d’une manière ou d’une autre, 69% des recettes budgétaires de l’Etat (contre 66% en 2010). NABNI précise que le budget de l’Etat s’équilibre depuis 2010 à un prix du baril au-dessus de 100 dollars mettant à contribution le Fonds de Régulation des Recettes qui risque de s’épuiser dans les deux années à venir.

Pour NABNI, six paramètres dessinent la trajectoire future de l’économie: il est possible qu’au cours de la prochaine décennie, l’Algérie n’ait plus de gaz à exporter» -la consommation intérieure de gaz liée à la consommation d’électricité dépasserait la production nationale en 2017-, les réserves de change pourraient s’épuiser d’ici cinq ans, les tentatives de diversification et de ré-industrialisation ont été un échec, la compétitivité et le climat des affaires ne cessent de se dégrader, les investissements directs étrangers sont en baisse depuis 2009 et le pays a accumulé un retard considérable en termes de capacité industrielle, d’exportations de biens manufacturés et d’investissement productif.

La crise dont nous parlons n’est donc pas une baisse de l’activité économique que des politiques macroéconomiques vertueuses peuvent faire redémarrer, mais une crise liée à la structuration et au mode de fonctionnement de l’économie.

De ce fait, les solutions pertinentes pour assurer une rupture de la situation présente et une relance de la croissance se situent sur un autre plan -celui de la structuration de l’économie, de son cadre de fonctionnement et, tout particulièrement, le mode de gouvernance publique économique. Autant de termes apparemment pompeux mais qui renvoient pourtant à des réalités simples et à des politiques qui peuvent être mises en œuvre rapidement.

Estimant que les pouvoirs publics ne semblent pas avoir pris la pleine mesure de la gravité de cette crise, NABNI propose un plan d’urgence regroupant les réformes les plus urgentes qui permettent une rupture avec la situation actuelle. -Un Plan qui serait nécessaire, précise le «think thank», même si le baril valait encore 100 US $.

Le Programme proposé dit «ABDA» comprend quatre dimensions regroupant 12 chantiers (dont nous ne mentionnons que les plus importants):

(i) Arrêter les politiques inefficaces et coûteuses, en décalant la réalisation de certains projets d’infrastructure, en gelant la politique actuelle de transferts sociaux, et surtout en mettant fin aux trois entraves majeures à l’investissement productif : limiter la règle 49/51 aux investissements étrangers dans quelques secteurs «stratégiques», abolir le CNI, éliminer les CALPIREF et décharger les wilayas de leurs prérogatives actuelles d’attribution du foncier économique.

(ii) Bâtir les fondations d’une action publique transformée, en faisant «un bond de transparence», en réformant la gestion des actifs publics, en accordant une pleine autonomie aux entreprises et en privatisant une partie des entreprises publiques (non stratégiques) et en «créant une Ecole de Gouvernance Publique de rang mondial».

(iii) Démarrer les réformes les plus difficiles, notamment amorcer la refonte du système de redistribution sociale.

(iv) Accélérer les chantiers en suspens, notamment en opérant la réforme bancaire et en transformant le cadre de régulation du commerce extérieur et adoptant une autre politique des changes. Pour réussir la mise en œuvre d’un tel Plan d’Urgence, NABNI propose la mise en place d’une «Delivery unit», unité spécialisée en «charge de la Conduite des réformes Clés».

Ce programme présente un double intérêt. Plutôt que proposer des politiques qui agissent sur les variables macro économiques -taux de change, taux d’intérêt, masse monétaire, prix-, il pose le problème à son juste niveau, celui de la nécessaire transformation de l’économie comme préalable à la relance de l’économie et retient un objectif stratégique. Comme il est dit plus haut, sans cette transformation préalable, aucune politique macroéconomique et aucune initiative institutionnelle n’a de chance de réussir. Le programme souligne que le «Que Faire?» -c’est à dire les politiques de transformation de l’économie- est bien connu, le problème est de «Faire» -de mettre enfin en œuvre des politiques de réforme adoptées par le gouvernement mais remises en cause à des degrés divers pour des raisons qui sont de nature idéologique – et de le faire dans un espace de temps raisonnable: 3 ans.

Ce programme est pertinent et utile à plus d’un titre. Il doit cependant être précisé quant aux mesures qui peuvent être lancées immédiatement et qui peuvent assurer le retournement de l’évolution actuelle. Il faut mettre à profit la fenêtre d’opportunité encore entr’ouverte qui s’offre à notre pays pour que les conditions soient mises en place pour une relance solide, endogène et durable de la croissance. Il faut que nous apprenions de notre histoire autant que de l’histoire d’autres économies comparables à la nôtre.

* Professeur et ancien ministre

A suivre demain, 2ème partie «Quelle sortie de crise ?»