Bouteflika entre le laïc Hollande et le salafiste Hamadache

Bouteflika entre le laïc Hollande et le salafiste Hamadache

2015-06-7768382098_francois_hollande_un_sabre_a_la_main_lors_d_une_visite_en_arabie_saoudite_le_30_decembre_2013_898474264.jpgLe président français a dit ce que les officiels algériens voulaient entendre, et Hamadache est là pour amuser la galerie et détourner la colère sur les femmes et tout ce qui déplait aux wahhabites saoudiens

Qu’y a-t-il de commun entre François Hollande, chef d’Etat d’un pays laïc et le salafo-wahhabite Abdelfatah Hamadache ? Rien, sinon l’intérêt liant les deux hommes aux saoudiens et le fait que tous les deux, chacun dans son domaine, activent pour le renversement du régime de Bachar al-Assad. L’un, Hollande, en soutenant politiquement et militairement une opposition syrienne dominée par les islamistes, et l’autre l’imam cathodique Hammadache, par ses prêches, ses «fatwas», allant jusqu’à affirmer que s’il était président de la république algérienne, il reconnaitrait l’Etat islamique (EI, Daesh) et lui permettrait d’ouvrir une ambassade à Alger.

D’aucuns rétorqueront que Hollande ne soutient que l’opposition démocratique syrienne dans laquelle sont inclus les islamistes dit modérés. Reste que le Front al-Nosra, la branche syrienne de la Qaida, est aujourd’hui considérée comme… «modérée», parce qu’opposée à Daesh ! Et le 6 juin dernier, la coalition internationale dirigée par Washington (dont fait partie la France) a mené des frappes dans la région d’Alep pour secourir les djihadistes du Front al-Nosra et leurs alliés d’Ahrar Cham, assiégés par Daesh ! Alors que les avions de la même coalition sont restés gentiment au sol quand le même Daesh assiégeait Palmyre avant de s’en emparer.

François Hollande, qui est venu en Algérie pour s’assurer que tout va dans le sens des intérêts de la France, a prononcé les mots que les officiels algériens, en l’occurrence les partisans de Bouteflika, voulaient entendre : le président algérien est en possession de toutes ses facultés intellectuelles. Et comme si ça ne suffisait pas, Laurent Fabius et Jack Lang, qui étaient du voyage, en ont rajouté une louche devant le micro de Canal +. Avant de quitter Alger, Hollande, qui savait que les Algériens étaient au courant du lancement du mégaprojet Peugeot au Maroc, a cherché à rassurer ses interlocuteurs : il leur a fait miroiter un projet d’usine Peugeot-Algérie, d’une dimension moindre, c’est sûr, que celle de son frère jumeau marocain. Et ce, bien que le marché automobile algérien soit le premier d’Afrique. A sa défense, le lobby des importateurs, qui a ses entrées au sein du pouvoir, a toujours vu d’un mauvais œil l’implantation de projets industriels en Algérie, et s’arrange toujours pour le faire savoir aux investisseurs étrangers.

Hamadache, maintenant. Lui, sa spécialité, c’est qu’à chaque fois qu’il y a des problèmes, il sort l’artillerie lourde. Ses cibles : les femmes (bikini, mini-jupe), les intellectuels (Daoud entre autres), les bars-restaurants et boites de nuit et autres «lieux de débauche» qu’il faut fermer, les églises dont il demande la transformation en mosquées, la musique et les chants qu’il faut interdire durant le ramadan parce que cela nuit aux prières du tarawih… Le chômage, la hausse du coût de la vie, la pauvreté qui progresse, la corruption qui ronge le pays, les restrictions aux libertés (il n’est pas concerné puisqu’il est autorisé à dire ce qu’il veut) ou les tueries de ses amis de Daesh, tous ces sujets forcément ennuyeux pour ce cheikh autoproclamé, ne figurent jamais dans son logiciel salafo-wahhabite restreint.

Les autorités, je les entends, vont déclarer : Hamadache, qui l’écoute ? Sauf qu’on disait la même chose sur Ali Belhadj au tout début des années 80. Alors là, ouvrons la parenthèse afin d’être bien compris. Le cas de ce prêcheur d’un autre âge interpelle pour au moins deux raisons. Il ne s’agit pas de le priver de parole, mais d’appliquer la loi quand le prêche est une incitation à la violence et, quand il est tenu par une personne ayant bénéficié de la loi sur la concorde civile. La deuxième raison, c’est la liberté de parole dont il jouit, et avec une certaine impunité, qui pose problème. Alors que par ailleurs, celles et ceux qui veulent intervenir dans le débat et porter la contradiction aux Hamadache et compagnie, en sont privés, et interdits d’antenne et de plateaux télés.

Hassane Zerrouky