L’Union européenne (UE) se donne aujourd’hui une nouvelle mission auprès des pays de l’Afrique du Nord, en s’activant à lancer «le processus d’intégration maghrébine».
Les Occidentaux n’ont jamais voulu que les pays du Maghreb ne se coalisent en une entité homogène pour qu’ils puissent avoir plus de force pour défendre leurs intérêts d’une manière rationnelle, pragmatique et unifiée.
Les Européens ont été les plus concernés par la question. Non pas d’aider à la création du grand Maghreb en tant que groupement régional mais pour conforter et renforcer la séparation et l’absence de coordination entre les pays de la région.
Preuve en est que l’UE les a toujours encouragés à négocier, chaque pays tout seul, un accord d’association et un plan d’action dans le cadre de la PEV. Aujourd’hui, les choses ont profondément changé au point où l’UE sent ses intérêts menacés à l’exemple de ceux liés à son approvisionnement en énergie.
Approvisionnement qu’elle cherche à sécuriser en ces temps de déstabilisation et d’insécurité qui secouent l’Afrique mais qu’elle préfère qualifier d’ «accélération de l’histoire» ou alors de «processus de transformation historique ».
Les appellations sont bien choisies comme c’est le cas pour ce qui est désigné pompeusement «printemps ou révolution arabe». Pressée par cette «accélération de l’histoire», la Commission européenne refuse d’ailleurs de s’attarder sur ce volet.
«Je ne crois pas trop à la politique du complot ni à celle des manipulations, ce sont des explications fantasmées», estime-t-on du côté de Bruxelles. Néanmoins, l’on s’arrête au niveau du sacré développement technologique qui transforme jusqu’aux cerveaux pour avouer à demimot à propos de l’ébullition de la rue arabe, qu’«il est vrai que la technologie fait des miracles en matière de contacts, ce sont des vases communicants ».
«Nous sommes confrontés à des processus historiques, ce ne sont pas de simples changements», disent les Européens. Ils reconnaissent cependant que les mécanismes de l’UE ne peuvent pas régler les problèmes. «Il faut déjà que les volontés populaires s’expriment», estiment-ils.
Dans cet ordre d’idées, Bruxelles reste très discrète sur les raisons qui ont poussé la France à intervenir militairement au Mali. «Avant de le décider, la France a fait probablement des analyses d’intérêts (…), nous avons bien l’impression qu’il y a des choses qui se sont passées avant…», glisse-t-on du côté de la CE sur un ton certes très diplomatique.
L’on note du côté de Bruxelles que la semaine dernière, Catherine Ashton a présidé une réunion de représentants maliens à laquelle a assisté entre autres le ministre délégué algérien chargé des Affaires maghrébines et africaines.
L’UE a accordé 50 millions d’euros pour le soutien et la formation de l’armée malienne. «L’on s’interroge où sera cette région dans 30 ou 40 ans ?», se demandent les Européens qui estiment avoir réagi dans l’urgence depuis que la France a décidé d’aller au Mali.
UNE AUTRE FEUILLE DE ROUTE EUROPÉENNE POUR L’AFRIQUE DU NORD
Dans une communication intitulée «Soutien européen pour l’intégration au Maghreb», la Commission européenne (CE) et la Haute représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité proposent une série d’actions pour, lit-on, «renforcer la coopération entre l’UE et le Maghreb».
Le texte n’évoque pas clairement la construction de l’Union pour le Maghreb arabe (UMA) dont le socle juridique et politique a été dressé par les pays maghrébins eux-mêmes, depuis de très longues années.
On relève juste une ligne dans la communication qui rappelle que «depuis les révolutions, les pays du Maghreb ont pris conscience de l’importance de développer les relations entre eux (…). Sous l’impulsion du président tunisien, Marzouki, un sommet de l’UMA pourrait prochainement avoir lieu.»
L’on sait sans conteste que ce ne sont pas les fortes turbulences qui bouleversent la Tunisie qui permettraient la concrétisation d’une telle idée. (Re)parler de l’UMA au niveau européen, serait peut-être aider à la réanimation de l’idée de la construction d’un groupement régional politique dont les atouts sont importants mais trop audacieux pour ne pas déranger les Occidentaux.
C’est pour cela que tout a été fait pour ne pas permettre son émergence. Au point où des pouvoirs dictatoriaux ont été soutenus, aidés et renforcés à la tête des différents pays maghrébins pour qu’ils ne se rapprochent jamais l’un de l’autre. L’intégration maghrébine que l’UE tient à réaliser est projetée sous l’angle d’un marché régional globalisé de plus de 80 millions de consommateurs.
CES TRANSFORMATIONS HISTORIQUES QUI APPÂTENT L’UE
Un idéal pour les Occidentaux pour déverser leurs marchandises et garantir leurs approvisionnements en ressources naturelles.
Ces transformations historiques et l’insécurité dans le continent africain poussent aujourd’hui Bruxelles à appeler de ses voeux à la réalisation de cette forme d’intégration régionale maghrébine. «Le Maghreb est en effet une des régions les moins intégrées de la planète, plusieurs études ont montré qu’une plus forte intégration pourrait accroître la richesse de chacun des pays de 1 à 2% par an», affirme la CE par la voix de sa responsable des AE et de la sécurité.
Un non Maghreb fait donc perdre à la région 1 à 2% de gains. «L’intégration régionale exige des efforts d’adaptation mais nous sommes convaincus qu’elle procurerait d’importants bénéficies pour toute la région et aussi pour l’UE», est-il écrit dans la même communication.
Ses représentants dans les pays de la région lui ont rapporté que «(…), la société civile exprime des revendications fortes, partout de nouveaux acteurs politiques sont apparus et demandent de participer pleinement à la vie politique ; les populations aspirent à une vie plus digne, des emplois plus nombreux et de meilleure qualité, le respect des libertés fondamentales et la bonne gouvernance.»
Renforcée par le prix Nobel de la paix qu’elle a reçu, l’UE se propose de «donner des idées aux pays du Maghreb afin de rapprocher les populations, d’accélérer la croissance et l’emploi, de favoriser le règlement des différents politiques et de développer des solidarités concrètes et ainsi faire face aux problèmes communs, tels la menace terroriste, la création d’emploi, la désertification ou le changement climatique».
Ghania Oukazi