Le retour au pays des cerveaux algériens émigrés est contrarié par « l’absence de garanties » et la «réticence » de l’administration. Pour y remédier, le ministère de la Poste et des TIC et le secrétariat d’Etat chargé de la communauté à l étranger, ont annoncé le lancement d’un site internet dédié aux scientifiques et chercheurs établis en dehors du pays. Selon les deux responsables, le portail permettra de sauter les barrières administratives.
Un portail internet destiné aux compétences algériennes établies à l’étranger sera opérationnel à partir de juin 2012. La création de cet outil « interactif » a fait l’objet d’une convention signée, jeudi à Alger, par Moussa Benhamadi et Abdelhalim Benatallah, respectivement ministre de la Poste et des TIC et Secrétaire d’Etat chargé de la communauté nationale à l’étranger. Le portail servira à la création d’une base de données sur les compétences algériennes installées à l’étranger. Selon Benatallah, plusieurs secteurs disposent de banques de données dans ce domaine mais ce nouveau portail internet ira plus loin en permettant la constitution d’une banque de donnée « centralisée et unique ». Le département de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique dispose d’un fichier « fiable » sur les cerveaux algériens vivants à l’extérieur du pays a indiqué Benatallah, sans donner d’indications chiffrées. Il s’est contenté d’avancer que dans la seule région parisienne, par exemple, on a récence des milliers de médecins algériens qui y exercent.
Un manque de « garanties »
Pour le secrétaire d’Etat, l’échec des politiques destinées à attirer les compétences établies à l’étranger est dû à l’absence de « garanties ». Ces cerveaux émigrés ont besoin d’un cadre juridique qui les rassure au plan professionnel et e matière de rémunération. Un projet de loi encadrant cet aspect est en préparation, a-t-il dit. Benatallah considère que les obstacles que dissuadent les scientifiques et les chercheurs de retourner au pays natal sont essentiellement d’ordre bureaucratique. Indépendamment de la volonté du gouvernement, il existe une « réticence » à un niveau « intermédiaire » de la hiérarchie administrative, soutient-t-il. Un point de vue partagé par Moussa Benhamadi qui a noté que ce portail permettra justement de briser le monopole de l’administration sur l’information : « Le site va donner l’occasion à ces compétences de se faire connaître en Algérie et d’avoir un contact direct avec les opérateurs économiques ». La réalisation du portail sera financée par le Fond national de développement de l’usage des TIC.
Encadré – Des chiffres sur la fuite des cerveaux qui font polémique
En avril dernier, se basant sur un rapport du Cnes (Conseil national économique et social) daté de 2005, un chercheur algérien Ahmed Guessoum a fait sensation en estimant à 40 milliards de dollars les pertes occasionnées à l’Algérie par la fuite des cerveaux pour la seule la période 1992-1996. Il y aurait eu, selon le rapport du Cnes, le départ de 71.500 diplômés universitaires durant cette période. Le rapport mentionné par Guessoum fait état de plus de 10.000 médecins, toutes spécialités confondues, se sont installés durant cette période en France, en raison du facteur langue, dont près de 7.000 exerçant au niveau de l’Ile de France. Les universités d’Amérique du nord ont accueilli, depuis le début des années 90, pas moins de 18.000 universitaires algériens et cadres de haut niveau, parmi lesquels 3.000 chercheurs. Réagissant aux déclarations de M.Guessoum, M. Hafid Aourag, directeur général de la recherche scientifique au ministère de l’enseignement supérieur, avait estimé qu’on ne devrait plus parler « de fuite de cerveaux mais de mobilité de chercheurs ». Il s’était étonné du chiffre de 40 milliards de dollars de pertes avancé par le chercheur en contestant la fiabilité de ses sources.
40 milliards de dollars ou 420 millions?
Selon les chiffres de M.Aouarag, le ministère de l’enseignement supérieur a envoyé depuis 1970 dans les 50.000 étudiants et cadres en formation à l’étranger. Il a indiqué que les 1000 bourses d’étudiants octroyés entre 1970-1990 ont couté « 420 millions $ en 20 ans. « On est loin des chiffres avancés ». Pour la période 94-2006, il y a eu, selon lui, la formation de 3000 chercheurs pour un cout de 36 millions $. M.Aourag se basait essentiellement sur les données du ministère de l’enseignement supérieur et ses comptes se basaient sur les chercheurs, universitaires et étudiants inscrits à l’université. Il s’est abstenu de démentir catégoriquement le chiffre du départ de 71.500 diplômés universitaires avancés par le Cnes en soulignant qu’on ne pouvait « maitriser » les données de tous les secteurs.