« Vingt ans à la page ». Le slogan 2015 du Salon international du livre d’Alger (Sila) annonçait déjà la couleur de cette 20e édition du 29 octobre au 7 novembre, au cœur de la capitale. Le Sila 2015 promet d’être à la page… des nouveautés littéraires bien sûr, mais aussi des derniers usages de lecture. Le livre numérique a donc fait son apparition dans ses allées et dans le programme des tables rondes. « L’Algérie ne peut pas se permettre de rester à l’arrière du train du progrès », commente Mohamed Iguerb, commissaire adjoint du Sila. « Il faut bien se mettre au diapason du numérique », poursuit-il. « Pour l’instant, le e-book reste marginal en Algérie, mais le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) progresse rapidement », souligne Nacéra Khiat, fondatrice de la maison d’édition Sédia. « Il faut donc essayer d’accompagner ce changement », ajoute-t-elle.
Des éditeurs franchissent le pas
C’est ce que fait « petit à petit » la Sédia, sous l’impulsion de sa dynamique fondatrice qui suit de près les évolutions dans le domaine du livre numérique. La maison d’édition algérienne, née en 2000, a ainsi commencé à transformer quelques-uns de ses livres papier en e-books grâce à un accord avec la plateforme jordanienne de livres numériques « eKtab.com ». « Nous envoyons le fichier du livre à eKtab qui se charge de la conversion en e-books, de sa vente et de sa promotion », explique Nacéra Khiat. Une dizaine de livres de la littérature algérienne ont ainsi rejoint la plateforme jordanienne dont plusieurs du grand écrivain Mohamed Dib traduits du français vers l’arabe par Sédia. « C’est l’avantage du livre numérique, il peut voyager partout dans le monde librement », s’enthousiasme Nacéra Khiat, fière de contribuer ainsi à la promotion de la littérature algérienne à travers la planète.
L’absence de paiement en ligne pénalise le déploiement
Même si l’usage du livre numérique demeure marginal en Algérie, le sujet suscite un vif intérêt, comme en témoignent les nombreuses questions aux experts invités au Salon pour témoigner des pratiques de cette nouvelle technologie dans leurs pays, notamment en France. Coût, accessibilité, piratage, dangers, limites, etc., tous les aspects du livre numérique ont été abordés par le public de la conférence « Les jeunes et la lecture numérique » donnée vendredi 30 octobre au Sila par Sylvie Vassalo, directrice du Salon du livre jeunesse de Montreuil, et Térence Mosca, spécialiste des e-pubs (publications en ligne) et applications de contenus pédagogiques. « Comment passer au livre numérique quand le paiement en ligne n’existe pas encore en Algérie ? » a été une remarque souvent formulée. « En Afrique subsaharienne, plusieurs expériences avec des cartes prépayées ont très bien fonctionné », a confié Térence Mosca. « Des solutions existent, le tout, c’est de se lancer. »
Maktabati, une expérience algérienne de plateforme d’e-books
La carte de paiement est d’ailleurs le système utilisé par la bibliothèque virtuelle« Fi Maktabati » (Dans ma bibliothèque) lancée en juin 2014 par l’opérateur public Algérie Télécom. « La plateforme se divise en une bibliothèque généraliste à destination du tout public et une bibliothèque académique orientée plutôt vers les étudiants, enseignants et chercheurs en quête d’ouvrages universitaires », explique Karim Belaoui, attaché marketing au sein d’Algérie Télécom, sur le stand du Sila. La première comporte près de 9 200 ouvrages et la seconde environ 13 500, mais de nouveaux titres sont ajoutés régulièrement, précise l’employé de la compagnie nationale de télécom. Depuis mars 2015, une nouvelle e-bibliothèque uniquement en langue arabe a rejoint la Toile algérienne. Fruit d’un partenariat entre Algérie Télécom et la maison d’édition El-Houda, « Noonbooks » propose plus de 30 000 titres dans son catalogue et une application mobile.
Des modèles à inventer
Comme dans tout processus d’évolution, les craintes de voir la nouvelle technologie chasser l’ancienne sont là. Les Algériens n’y échappent pas. L’expérience de la presse a cependant montré que, loin de s’anéantir, les deux supports se complètent. « Au lieu de se désoler que les jeunes ne lisent pas, mieux vaut leur offrir la possibilité de lire autrement sur les supports qu’ils utilisent le plus, à savoir leurs téléphones portables », conclut avec philosophie l’éditrice Nacéra Khiat.