Pour la première fois, un documentaire lève le voile sur l’ampleur du recours aux armes chimiques par les autorités coloniales françaises en Algérie. Après avoir été retiré de la grille de France 5, il est reprogrammé pour le dimanche 8 juin 2025 sur France 5 et France.tv.
Le documentaire de Christophe Lafaye et Claire Billet avait déjà suscité une vive polémique cinq jours avant sa date de diffusion initiale, le 11 mars 2025. Dans un contexte de fortes tensions franco-algériennes, cette décision de déprogrammer le documentaire en faveur d’une soirée spéciale États-Unis/Russie, avait inévitablement provoqué un débat.
Pourtant, plus que jamais d’actualité, ce travail de mémoire donne la parole à des témoins de cette page d’histoire peu connue. Armand Casanova, ayant servi dans une Section Armes Spéciales en Algérie, se souvient encore, soixante ans après, de « l’odeur du gaz et de celle de la mort« .
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France Télévision revient sur sa décision et reprogramme le documentaire sur les crimes chimiques en Algérie
À partir de 1959, confrontée à l’Armée nationale de Libération et à l’usage des souterrains par les combattants algériens, les forces coloniales françaises décident d’expérimenter puis de généraliser l’usage de gaz, des armes interdites par le protocole de Genève (1925), pour tenter de reprendre l’avantage.
Cette histoire, potentiellement qualifiable de crime de guerre, demeure largement ignorée. À travers ce film, l’historien Christophe Lafaye, ainsi que la journaliste Claire Billet révèlent enfin ce secret : « une véritable guerre chimique a été menée en Algérie« .
Le documentaire sera de nouveau diffusé en date du dimanche 8 juin 2025 à 23 heures sur France 5 et France.tv.
Briser le silence des victimes
S’appuyant sur les recherches et archives de l’historien Christophe Lafaye, le film de la réalisatrice Claire Billet, enrichi de témoignages de soldats français et d’Algériens ayant vécu cet épisode et ceux d’experts en armes nucléaires, biologiques et chimiques, détaille le contexte et l’ampleur de cette guerre chimique menée en Algérie.
Le film révèle comment les autorités françaises ont ordonné, testé et massivement utilisé des gaz toxiques pour éliminer les combattants algériens dans les grottes. En effet, l’historien estime qu’entre 5 000 et 10 000 combattants ont été assassinés.
En Algérie, ils ont trouvé des victimes de ces attaques chimiques pour leur donner la parole : Amar Aggoun avait 15 ans, Mohamed Ben Slimane Laabaci en avait 12, lorsque le 22 23 mars 1959, une de ces sections a gazé la grotte de Ghar Ouchtouh et a fait 118 personnes mortes intoxiquées, eux plus jeunes ont survécu.
Cette utilisation d’armes chimiques, ajoutée à la torture et au déplacement des populations, constitue un exemple des violations des engagements internationaux de la France durant cette guerre coloniale. En créant ainsi ce pont qui met en dialogue les mémoires, Claire Billet et Christophe Lafaye montrent la voie à prendre pour entamer un vrai travail de réconciliation et de reconnaissance des violences et du passé colonial de la France.
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