Algérie : Révélations sur les salaires des hauts cadres

Algérie : Révélations sur les salaires des hauts cadres

Après une absence de quelques semaines, campagne présidentielle oblige, le supplément éco revient pour offrir à ses lecteurs des dossiers autant brûlants que variés. Dans ce numéro, il est question de scruter de plus près les salaires des hauts cadres. Indice d’appréciation du niveau de richesse d’un pays, mais également facteur de motivation ou de démobilisation par excellence de tout travailleur au sens économique du terme, le revenu salarial est une source riche en informations.

Les citoyens ne sont pas tous égaux devant les salaires, comme ils le sont devant la loi. En revanche, les lois économiques, elles, recommandent que tout travail mérite salaire dont le niveau est directement lié à la productivité, et ce, à l’opposé des salaires politiques, qui, eux, obéissent à une contrepartie de même nature. C’est dans ce dernier chapitre que s’inscrivent les revenus des ministres, des parlementaires, ainsi que de certains hauts cadres de l’État dont la productivité, voire le « smig » en termes d’apport concret et en utilité d’actions et d’efforts n’est pas toujours évident à établir.

Telle qu’elle se pratique en Algérie, et notamment dans ce contexte de crise, la fixation des gros salaires des hauts cadres n’obéit pas toujours à une critériologie transparente et s’apparente plus à une attribution d’une partie de la rente qu’à une rétribution d’un travail. En tête de la pyramide, les ministres et les députés, qu’il est légitime de soustraire à tout besoin et autre tentation, accumulent des avantages sans pour autant être tenus par une quelconque obligation de résultats et affichent des rémunérations hors normes et hors catégorie, à l’opposé des managers dont le revenu est fonction de la performance. Le scénario est celui qui consiste à confondre salaire et récompense. Un tel état de fait a aggravé les disparités et accentué la démobilisation des populations actives quand on sait, par exemple, qu’un contrôleur des douanes, à qui il incombe la surveillance et la protection économique, gagne moins de 20 000 DA et qu’un directeur d’agence bancaire, qui gère des milliards au quotidien, se voit rétribuer à moins de 25 000 DA par mois.

Si dans certaines fonctions, le silence et l’immobilisme sont payants, la lecture de certaines fiches de paie comme celles qui se rapportent à des postes sensibles suscite de sérieuses inquiétudes quant aux risques de dérives. Il en est ainsi pour l’agent de contrôle fiscal rémunéré à moins de 25 000 DA et chargé de procéder au recouvrement de l’impôt allant jusqu’à avoir sur ses épaules la mission de réaliser des redressements à coups de milliards auprès des fraudeurs ! N’est-ce pas là un cas avéré d’incitation à la corruption ? Aujourd’hui, le citoyen ne raisonne plus uniquement en fonction du pouvoir d’achat, mais intègre également dans ses calculs « le pouvoir de logement » dans un pays où la moyenne immobilière par mètre carré est de l’ordre de 75 000 DA.

Alors quand un douanier fermera les yeux devant un conteneur contrefait ou lorsqu’un agent du fisc détournera le regard face à une fraude flagrante, c’est qu’ils auront trouvé une rémunération conséquente que la fiche de paie n’aura jamais fournie…