Dans « le grand embouteillage » un film célèbre des années 70, un cinéaste italien décrit la paralysie totale et apocalyptique qui finit par frapper les villes de son pays envahies par des flots croissants de véhicules. L’Algérie serait elle menacée par une catastrophe comparable ?
Tout pour l’automobile, c’est un mot d’ordre qui semble devenu un programme aussi bien pour le simple citoyen que pour les pouvoirs publics algériens. L’usage immodéré de la voiture est devenu un véritable problème de société dont les conséquences se mesurent d’abord en termes de nuisances et d’encombrements croissants et inextricables de nos routes. Au point que la presse nationale en fait désormais régulièrement sa « une » en multipliant les interrogations à propos de ce « nouveau phénomène culturel » qui bouleverse la société algérienne
C’est une véritable frénésie d’achat d’automobiles qui semble s’être emparé des algériens depuis maintenant près de 2 ans .Tous les compteurs s’affolent et toutes les statistiques explosent. Déjà en 2011 les douanes algériennes annonçaient des importations de véhicules en hausse de plus de 40% avec près de 390 000 voitures importées pour une facture supérieure à 4,5 milliards de dollars. Les chiffres pour 2012 sont encore tout chauds .L’augmentation a encore été de plus de 25% et on a dépassé l’année dernière le demi million de véhicules importés. La facture est estimée à près de 7 milliards de dollars
Comment expliquer un pareil emballement du marché ? En 2008, une offensive tous azimuts du gouvernement algérien contre des importations en croissance exponentielle avait conduit d’abord à la suppression du crédit automobile par les banques algériennes puis à l’instauration d’une taxe sur les véhicules neufs. Les résultats n’avaient pas tardé à suivre. En 2009 et 2010, les importations de véhicules de tourisme avaient été contenues sous la barre des 300 000 unités.
Depuis le début de l’année 2011, le changement de décor est complet. L’augmentation des revenus des classes moyennes algériennes, particulièrement des fonctionnaires, qui ont bénéficié au cours des 2 dernières années de « rappels » substantiels, est montrée du doigt et expliquerait pour l’essentiel , selon les responsables algériens eux mêmes ,le gonflement des importations de véhicules.
L’essence la moins chère du monde
La croissance du parc automobile n’est sans doute cependant pas la seule raison de l’encombrement de nos routes .Les carburants ,essence ou mazout, sont cédés en Algérie à un prix intérieur, qui est considéré comme l’un des plus bas du monde, Il s’agit probablement du seul domaine ou notre pays est classé, suivant les sources, à la deuxième ou la troisième place mondiale avec un coût moyen du carburant qui est actuellement près de 10 fois inférieur aux prix pratiqués non seulement sur les marchés européens mais également dans beaucoup de pays voisins .
Un certain nombre d’analystes n’hésitent pas à voir dans des prix qualifiés de “dérisoires” l’une des causes de. L’usage immodéré du véhicule qui caractérise de plus en plus les agglomérations algériennes. Cette situation a un coût croissant pour les finances publiques. Selon une récente étude du PNUD ayant exploité les données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’Algérie figure parmi les pays arabes qui subventionnent le plus les produits énergétiques avec près de 11 milliards de dollars (quelque 800 milliards de DA) consacrés à la subvention des prix de l’énergie en 2010.L’électricité a profité de 2,1 milliards dollars (quelque150 milliards DA) de subventions, tandis que les carburants ont coûté 8,5 milliards de dollars (environ 650 milliards de DA). Ces subventions représentaient, selon l’organisme onusien, 6,6% du PIB algérien en 2010.
Cette générosité de l’Etat ne profite d’ailleurs pas aux seuls Algériens. C’est la conviction exprimée par un haut fonctionnaire qui affirmait dans une interview récente : « Quand vous avez des prix des carburants subventionnés dans une telle proportion, vous mettez à la disposition de la population algérienne, mais aussi du voisinage de l’Algérie, des produits destinés théoriquement à la population algérienne, mais qui en réalité alimentent un bassin géographique énorme à travers un vaste trafic frontalier ».
Le soutien des prix ou comment en sortir ?
Comme de nombreux États de la région, l’Algérie tente d’endiguer les contestations sociales et politiques en agissant sur le levier des prix des produits de base. Une recette qui a dans notre pays présente la particularité remarquable de s’étendre également et de façon massive et coûteuse aux produits énergétiques et aux carburants.
Le gel des prix des produits subventionnés sur une très longue période, suivi d’un ajustement brutal et douloureux en période de raréfaction des ressources financières est une expérience que l’Algérie a déjà connu au début des années 1990. Comment éviter de se retrouver dans la même situation dans quelques années ? La plupart des observateurs commencent par établir une distinction très nette entre les subventions de produits comme l’électricité et encore plus les carburants qui seraient carrément “irrationnels” et celle des produits alimentaires de base. Un point de vue exprimé notamment et résumé par un ancien gouverneur de la Banque d’Algérie, M.Hadj Nacer, : « Je ne dis pas qu’on ne doit subventionner aucun produits. Nous pouvons limiter, par la régulation, l’impact des fluctuations des marchés internationaux sur le panier de la ménagère. Ce qui signifie qu’un taux de subvention raisonnable est nécessaire. Mais pour le reste, il faut rétablir l’équilibre de tous les prix selon des règles de liberté assez claires. Le système actuel de gestion des prix ne peut qu’entraîner une augmentation des importations et une baisse de la valeur du dinar ».
De son côté, c’est un ancien ministre des finances, M. Abdellatif Benachenhou ,qui proposait voici quelques jours que « les exonérations fiscales profitant aux prix des produits énergétiques soient soumises au débat des parlementaires pour arriver à responsabiliser les sociétés nationales produisant ces produits », M. Benachenhou, plaide également pour une « nouvelle forme de subventions des prix en Algérie, ciblant la personne démunie et non pas le produit lui-même, en appelant les autorités à procéder à une évaluation des résultats de la politique de subvention pour en tirer les conclusions».