Les femmes ont remporté presque le tiers des sièges de députés aux élections législatives du 10 mai…
Les femmes ont remporté presque le tiers des sièges de députés aux élections législatives du 10 mai en Algérie, mais les militantes féministes ne baissent pas la garde pour autant.
Selon un décompte encore provisoire, au moins 145 des 462 sièges de la nouvelle assemblée seront occupés par des femmes, soit un bond de 115 sièges comparé à la précédente assemblée, il est vrai moins nombreuse, à 389 sièges.
Cette avancée a suscité l’enthousiasme de la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton, qui a applaudi le « nombre élevé de femmes élues ». Le secrétaire général de l’Onu Ban Ki-moon s’est aussi félicité de « l’augmentation de la représentation des femmes dans la nouveau parlement » en Algérie.
Le scrutin législatif a permis au parti présidentiel Front de Libération nationale (FLN) de retrouver un peu de son hégémonie passée avec 221 sièges, tandis que les formations islamistes ont reculé, à contre-sens de la vague religieuse qui a envahi les parlements régionaux touchés par le Printemps arabe.
« Le Printemps arabe est reporté pour les islamistes mais ses fleurs se sont épanouies pour les femmes qui amèneront de la couleur à l’Assemblée nationale et et hausseront la voix dans une hémicycle dominée par les hommes depuis 50 ans », estime Samia, une employée d’une cinquantaine d’années, à Alger.
« Avec cette proportion considérable de femmes au parlement, nous nous rapprochons d’une véritable représentation démocratique » dans l’assemblée, juge Fatima Mustapha, enseignante à l’université.
Les femmes représentent 53% de la population, 45% des magistrats, et maintenant environ 32% de l’Assemblée nationale, ce qui les place bien avant leurs consoeurs de Tunisie et du Maroc.
Le ministre de l’Intérieur Daho Ould Kablia estimait la semaine dernière que le nombre de femmes élues plaçait l’Algérie en tête de la moyenne européenne.
Après des années de militantisme féminin, une nouvelle loi a imposé des quotas de 20 à 50% de femmes dans les listes électorales, proportionnellement à la taille de la circonscription.
Prouver qu’on mérite son siège
Mais il faudra voir comment les femmes élues, dont beaucoup inexpérimentées, oeuvreront à l’Assemblée et si elles s’uniront par-delà les partis.
« Les femmes doivent maintenant prouver qu’elles méritent leurs sièges », juge Nadia Aït Zaid, juriste qui a fait campagne pour le quota des femmes et formé des candidates.
Deux gros dossiers les attendent à l’Assemblée nationale: le code de la famille qui relègue la femme au statut de mineure et la criminalisation de la violence domestique.
« Elles ont besoin de constituer un front qui transcende les idéologies », dit Mme Aït Zaid.
Plusieurs partis dominés par les hommes, dont le FLN qui avait initialement refusé les quotas, ont jugé que les femmes placée en queue de liste ne pouvaient pas comme cela remonter à cause des quotas.
Des militantes se sont également plaintes que des chefs de partis ont placé leur femme ou leur fille en fin de liste pour faire semblant de respecter la nouvelle loi.
Le quotidien populaire arabophone Ennahar affichait mardi des photos de plusieurs élues avec ce titre: « 50 femmes célibataires au parlement (…) » — et listait les avantages que leur accorde la députation.
Même si les femmes contrôlent le machisme et le conservatisme ambiants à l’Assemblée, elles resteront victime de la défiance générale des Algériens envers leurs élus.
« Qu’un homme ou une femme soit élu ne change rien. Il est important que les élections soient équitables, mais elles ne le sont pas », juge Salima, une jeune femme couverte d’un voile des pieds jusqu’à la tête.
« Une femme qui l’emporte grâce à un quota ou par la fraude n’est pas légitime. Il en est de même pour les hommes », assène-t-elle.
Malgré les félicitations des pays étrangers pour le vote, beaucoup d’Algériens et d’observateurs sont convaincus que la participation de 43% et le score des partis officiellement annoncés ne sont pas conformes à la réalité.