C’est une équation à plusieurs inconnues que ce conflit à Algérie Poste : voilà des grévistes qui réclament entre autres le départ du DG et l’éviction des responsables syndicaux. Ce sont ces mêmes personnes «indésirables» qui se retrouvent autour d’une table de négociations pour discuter des revendications des travailleurs ! Qu’en sortira-t-il ? La réunion du conseil d’administration a très peu de chances de voir la fin d’une grève qui perdure.
Les usagers d’Algérie Poste qui ont appris la bonne nouvelle, quant à l’ouverture des guichets de paiement, se sont massés devant le portail des services des chèques postaux sous la protection de plusieurs policiers chargés de mettre en place un cordon de sécurité pour éviter les mêmes dépassements que la veille. A l’intérieur, ce sont des cadres d’Algérie Poste qui assuraient le service. C’est d’ailleurs, l’un de ces derniers qui nous dit : «La direction générale, en concertation avec ses cadres, a pris une telle initiative pour faire face à cette grève illégale qui a pénalisé aussi bien le citoyen que les entreprises publiques en matière de finances et de courriers, souvent d’une extrême importance.» Pour sa part, un autre cadre d’Algérie Poste qui a pris du service pour soulager les nombreux usagers des chèques postaux, nous a déclaré qu’«hier, il y a eu entrave à la liberté du travail. Même ce matin, nous avons fait l’objet de nouvelles tentatives d’agression par des grévistes induits en erreur par des magouilleurs. L’intervention des services de sécurité a évité le pire». Et de poursuivre au sujet de la session extraordinaire du conseil d’administration qui se tient au moment où nous mettons sous presse : «Les grévistes devraient comprendre une chose. Leurs revendications ne relèvent pas du directeur général, mais bel et bien du conseil d’administration dont les délibérations devraient être avalisées par la tutelle. Pour ce faire, si la direction générale a prouvé son engagement pour dénouer la crise, les grévistes devraient, quant à eux, faire un effort et reprendre le travail dans l’intérêt de tous.» Dehors, c’est-à-dire dans les rangs des grévistes, c’est un autre son de cloche. Pour eux, cette réunion du conseil d’administration n’est qu’un subterfuge du directeur général «pour gagner du temps et nous faire revenir au travail les mains vides». «Est-ce que le directeur général va partir à l’issue de cette réunion ?», nous lance une dame protestatrice. «Le directeur général est à l’origine de tous les maux de l’entreprise et c’est lui qui va débattre de nos revendications socioprofessionnelles ? C’est la pire contradiction. Qu’il parte d’abord en laissant la place à d’autres plus compétents que lui, et nous reviendrons au travail», nous dira également un groupe de travailleurs grévistes adossés au mur de la Grande-Poste. Pour certains initiateurs de ce mouvement de protestation, «nous demandons l’ouverture d’une enquête sur la mutuelle et les œuvres sociales, dont le syndicat est incriminé dans la mauvaise gestion. Face à ce syndicat de carriéristes, nous allons vers la création d’un syndicat autonome, sinon vers l’adhésion à un syndicat indépendant actuellement sur la scène», disent nos interlocuteurs qui qualifient les cadres qui ont repris le service de «traîtres». Un citoyen s’approche de nous pour nous dire haut et fort : «Je vous assure que je n’ai même pas de quoi nourrir ma famille.» Il ajoute : «Depuis le début de cette grève, je fais le tour de tous les bureaux de poste, en espérant trouver une oreille attentive ; hélas personne ne se préoccupe de notre situation. Pas même les grévistes qui, pour retirer de l’argent, sont titulaires de carte de payement.»
R.K
