Les premières images disponibles du début de la prise d’otages dans le complexe de gaz algérien d’In Amenas, sont étonnantes: on y voit des islamistes armés déambuler tranquillement, l’atmosphère semble presque détendue, en tout cas loin de la terreur à venir.
Les otages algériens n’ont pas l’air effrayés, tandis que des étrangers ont été regroupés le long d’un mur, sur ces photos prises secrètement par un travailleur algérien non identifié avec son téléphone portable, et obtenues par l’agence de presse japonaise Kyodo.
Le ciel est parfaitement bleu pâle, les ombres allongées par le soleil montant. Il semble faire frais, à en juger par les tenues des employés retenus sur le site par le commando islamiste: bonnets de laine et parkas pour beaucoup.
Même s’il ne s’agit que d’instantanés, rien de ces scènes ne laisse présager que le site va devenir le théâtre d’un carnage. Elles ont presque un côté surréaliste.
Ces images ont été prises le 16 janvier en plein jour, donc de longues heures après le début de l’attaque islamiste vers 05H30 du matin alors qu’il faisait encore nuit noire. On est au début de la spectaculaire prise d’otages qui s’est terminée dans un bain de sang quatre jours plus tard après l’assaut final des forces algériennes: au moins 37 otages tués, dont plusieurs abattus froidement.
Une des photos montre un preneur d’otages en treillis et rangers, le visage entièrement enfoui dans un turban ocre, juste une mince fente pour les yeux. Il est debout, calme, sur une sorte de parking en terre battue parmi des travailleurs algériens, quelques noirs aussi, à l’air parfaitement serein, en rien apeurés. L’homme, ganté de noir est armé d’un fusil d’assaut AK-47 qu’il tient presque nonchalamment au côté, une main posée sur le canon. Comme s’il ne craignait rien.
Autour de lui, les travailleurs semblent attendre, ils regardent. Les mains dans les poches, les bras croisés, ou dans le dos. Certains sont assis par terre, désoeuvrés, des sacs sont soigneusement alignés au sol, quelques bouteilles d’eau traînent par terre. Comme si on se préparait à un départ. On en voit même un en train de tranquillement téléphoner avec son portable, à quelque petites dizaines de mètres du membre du commando.
Sur un autre cliché, trois ravisseurs, mitraillettes en bandoulière dans le dos et eux aussi en tenue de camouflage, s’affairent autour de longues boîtes en métal gris posées au milieu d’une « rue » en petits pavés, sous l’oeil de quelques travailleurs qui déambulent en bonnet et parka.
En arrière-plan, au-delà d’un terre-plein planté d’arbustes rachitiques, on distingue dans la pénombre d’un bâtiment ocre garni d’azulejos bleus, des ombres assises, tassées les unes contre les autres, alignées contre le mur. Ce sont des étrangers. A droite, malgré la distance, on distingue clairement des occidentaux, comme entassés sous des couvertures ou des draps. Trois islamistes cagoulés ou enturbannés les surveillent, arme au côté.
Dernière photo, comme une allégorie de l’attente. Dans la base de vie d’In Amenas, devant un bâtiment bas, des travailleurs algériens sont regroupés, debout, leurs sacs de voyage à leurs pieds. Comme s’ils attendait un bus. L’un d’eux, appuyé à un réverbère, semble plongé dans l’inquiétude.
Tous les visages sont fermés. La photo est bien sûr muette mais visiblement personne ne parle. Au beau milieu du groupe un islamiste enturbanné circule tranquillement. Comme si personne ne prêtait attention à lui.