Algérie : petits avertissements avant la présidentielle

Algérie : petits avertissements avant la présidentielle
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Face à l’absence d’un scénario consensuel pour 2014, le régime panique et tente de se protéger en menaçant et en réprimant toute forme de contestation. Une réaction récurrente avant chaque rendez-vous électoral, accentuée cette fois-ci par les dissensions entre les différents centres du pouvoir.

Aucune contestation possible. A six mois d’une élection présidentielle qui s’annonce tragicomique, alors que les rumeurs se contredisent chaque jour sur la présentation –ou pas – du président Bouteflika à un 4e mandat, sans qu’aucun candidat sérieux ne se soit encore déclaré, voilà le seul message clair qu’envoie le pouvoir. Cette semaine, le juge d’instruction du tribunal de Sidi M’hamed a refusé de remettre en liberté le jeune Abdelghani Aloui, coupable d’avoir caricaturé le chef de l’Etat sur facebook. Depuis plusieurs jours, les attaques contre le mouvement des chômeurs se font aussi plus violentes dans les journaux qui servent de relais au régime.

Avertissement. La semaine dernière, un chroniqueur du quotidien arabophone El Khabar, Saad Bouakba, s’est vu officiellement menacé par – c’est une grande première – le ministère de la Défense, particulièrement réactif depuis les changements opérés par la présidence dans l’organigramme du DRS. L’armée qui, depuis juin dernier et son avertissement à Mohamed Mechati en juin dernier, en est à son troisième tir de semonce. « En clair, l’armée, en proie elle aussi à des tensions internes, réagit promptement à ceux qui diagnostiquent ses vrais problèmes. En plus, Gaïd Salah se voit aujourd’hui tout puissant, il ne supporte plus qu’on le critique », note un ancien haut cadre de l’Etat.

Options. Si le système tient à ce point à contrôler son image, c’est, de l’avis de ceux qui gravitent plus ou moins près de son noyau, parce qu’ »il a peur ». D’abord parce que Liamine Zeroual ayant refusé de se présenter (et de gagner), les différents courants n’arrivent pas à dégager un horizon clair pour 2014. « Ils sont traversés par le doute car ils n’ont pas beaucoup d’options. Ils sont condamnés à espérer que le Président soit capable de tenir le coup, résume Abderrazak Makri, leader du MSP. Ce régime n’a pas beaucoup de temps pour fabriquer un candidat car il a été pris de court par l’hospitalisation. » Ensuite parce qu’il veut à tout prix éviter que les dissensions internes soient rendues publiques.

Fréquentable. Un ancien haut fonctionnaire de l’Etat, habitué aux accès de fièvre autoritaire du système, qui promet « encore plus de fermeture » pour les prochains mois, considère que les prémisses d’un verrouillage se devinaient déjà dans le remaniement du gouvernement en septembre dernier. « Nommer à la tête des trois ministères en communication avec l’étranger – la Communication, les Affaires étrangères, les Affaires maghrébines – des hommes du système, qui dépassent le paradigme pro ou anti-Bouteflika, est très révélateur. Messahel, Lamamra et Bouguerra ont été placés là pour faire en sorte que l’Algérie garde son image de pays stable, et rendre séduisante l’idée d’un quatrième mandat pour Bouteflika. » Louisa Dris-Aït Hamadouche, politologue, estime que « le pouvoir ne peut plus faire ce qu’il veut ». « Pour survivre et se perpétuer, explique-t-elle, il a besoin de montrer que c’est un régime fréquentable, politiquement correct, qui sait, le moment venu, s’adapter. »

RSF. Autant dire que le dernier rapport du Comité international de soutien au syndicalisme autonome algérien (CISA) et le rapport de RSF, recalant l’Algérie de trois rangs, sont très mal tombés. Le premier rappelle que la « politique sociale » du pouvoir est constante : « Contrôler et limiter la parole et les actes de celles et ceux qui, dans les syndicats autonomes, agissent pour plus de liberté et de démocratie dans le pays. » Et d’insister : « L’élection présidentielle prévue en mai 2014 et les soubresauts qui lui sont liés (maladie du Président, scandales de corruption, manœuvres des différents clans du pouvoir pour conserver leur hégémonie et accaparer la rente pétrolière…) ont des retombées directes sur la gestion de la force de travail par le régime, peut-on lire. Le contexte régional même (frontières fragiles avec pratiquement tous les pays avoisinants) et la montée des différents mouvements sociaux impliquent que le pouvoir devra choisir entre une répression violente, qui fragilisera encore plus le corps social, et une intégration-cooptation mesurée des organisations syndicales autonomes. »