Pour ne pas encourager le crime, et parce qu’ils n’attendent rien des autorités, les habitants d’une sous-préfecture de Kabylie ont décidé de protester pacifiquement contre la multiplication des enlèvements dans leur région. Leur méthode : l’opération ville morte.
Étrange ambiance mardi dans la daïra (sous-préfecture) de Beni-Doula, près de Tizi-Ouzou (Kabylie). Organisée pour protester contre l’enlèvement, d’un jeune homme de 18 ans, Mourad Bilek, une opération « ville morte » a été totalement suivie dans les quatre communes de la sous-préfecture, située à quelque 110 km à l’est d’Alger et qui compte 50 000 habitants. Tous les commerces et les administrations locales ont fermé tandis que des centaines de personnes se rassemblaient sur les places publiques en signe de solidarité et de protestation.
« C’est la première fois qu’il y a une aussi grosse mobilisation après un enlèvement dans la région », a dit le maire de la commune de Beni Aïssi, Hayouni Berchiche. Sur les 64 enlèvements enregistrés dans le département depuis 2005, au moins 5 d’entre eux ont eu lieu dans cette zone. Le dernier en date a été enlevé dimanche à Mechtras, à 35 km au sud de Tizi Ouzou : un propriétaire d’une unité de poterie âgé de 71 ans, kidnappé à son domicile par un groupe armé. Selon son fils, Slimane Hamour, les représentants de 15 villages de la région de Mâatkas (20 km au sud de Tizi Ouzou, d’ou est originaire le septuagénaire) devaient se réunir mardi pour décider des actions à mener pour obtenir sa libération. « On va sans doute poser un ultimatum aux ravisseurs. Il faut faire bouger les choses », a-t-il expliqué.
Ultimatum de 48 heures
Quant à Mourad Bilek, le jeune homme, il a été enlevé mercredi sur une route départementale reliant Beni-Aïssi à la ville de Tizi Ouzou par deux faux policiers et quatre faux militaires, a précisé son frère Belkacem Bilek. « Nous n’avons aucune nouvelle des ravisseurs dont nous ignorons l’identité », a-t-il ajouté. « Nous avons donné aux ravisseurs un ultimatum de 48 heures qui a expiré hier soir. Après cette grève, nous envisageons une caravane aux abords des forêts de la région pour appeler à la libération de Mourad », a ajouté un cousin de l’otage, Amar Bezouh.
Les autorités paraissent dépourvues contre la pratique des enlèvements par des groupes armés, qui libèrent généralement leur victime en échange du paiement d’une rançon. Mais pas toujours : en 2010, deux otages ont été libérés en Kabylie, sous la pression de la population, sans qu’aucune rançon ne soit payée.