Depuis quelques années, la Kabylie fait face à deux fléaux qui ne vont jamais l’un sans l’autre : le terrorisme islamiste et l’indifférence du pouvoir central. Des vies innocentes sont fauchées régulièrement, des citoyens sont abattus à bout portant, des entrepreneurs sont kidnappés et leurs familles saignées à blanc ; tout cela sans susciter le moindre commentaire des officiels.
Le gouvernement se garde de condamner ces actes terroristes encore qualifiés de « résiduels » alors que le chef de l’Etat, celui-là même qui menaçait en janvier 2000 de faire abattre « Seif El Hadjadj » pour terroriser les terroristes, se complet dans le silence, pour ne pas dire dans l’indifférence.
Mais c’est que ce président de plus en plus fantomatique a toujours été plus prompt à manifester sa sympathie aux victimes du terrorisme dès lors qu’elles se situent hors de ses frontières géographiques plutôt qu’à ses propres administrés.
Pour Bouteflika, les victimes d’un tueur détraqué qui commet un carnage en Norvège valent plus de compassion que ces victimes algériennes qui se font massacrer à Maatkas, à Tizi Ouzou ou à Boumerdès…
Cachez-moi ces morts que je ne saurais voir.
Pour ne pas démentir la triste réalité d’une politique de la réconciliation nationale qui a lamentablement échoué douze années après sa mise en place, les autorités algériennes, Bouteflika en tête, continuent de nier l’horreur.
Les médias lourds, sous contrôle direct du cercle présidentiel, ont choisi de ne pas souffler mot sur ces morts encombrants. Les citoyens algériens, civils ou militaires, sont priés de mourir en silence. Mourrez en silence!
Par ce silence complice, le régime algérien est coupable de non assistance à peuple en danger. Pis encore, non seulement les autorités sont incapables d’assurer la sécurité des citoyens, mais elles portent également la responsabilité d’avoir délesté les villageois de leurs fusils, leur ôtant ainsi la seule possibilité de se défendre.
La réconciliation nationale est passée par là. Le régime ayant décrété que la réconciliation a ramené la paix, que le terrorisme est devenu résiduel, il fallait donc démanteler toutes ces forces de la résistance.
Il est vrai que lorsque Hassan Hattab, émir du GIA puis du GSPC, celui-là même dont le nombre de crimes qu’il a sur les mains est égal au nombre de poils sur sa barbe, est affublé du terme « Monsieur Hattab »; il est vrai encore que lorsque Hattab est sous-trait à la justice en dépit de tous ses crimes, il ne faut guère s’étonner que le régime de Bouteflika fasse preuve de complaisance à l’égard de ceux qui continuent d’assassiner en Algérie.
Et si encore cette non assistance à peuple en danger ne se limitait qu’aux actes terroristes…
Ce ne sont pas des couffins bien remplis que les gens meurtris attendent. C’est de solidarité et de réconfort moral dont ils ont besoin. C’est l’assurance que l’Etat va tout faire pour remplir sa mission première qui est de protéger la vie, l’intégrité physique et les biens des citoyens. La sécurité des entreprises.
Il est plus urgent d’apporter un réconfort moral à des familles qui viennent de perdre des êtres chers que de fournir des couffins remplis à des ventres vides.
A l’heure où le gouvernement fanfaronne avec indécence sur le nombre de logements construits et le nombre d’emplois créés, le terrorisme fauche les vies comme aux heures sombres des années 90, les routes sont livrées aux chauffards et aux citoyens désireux de les prendre en otage pour exprimer leur mécontentement, les trottoirs sont cédés aux vendeurs à la petite sauvette qu’exploitent les bazaris de la nébuleuse islamiste.
Villes et campagnes croulent sous les ordures donnant de l’Algérie l’image hideuse de l’un des pays les plus sales au monde.
Comment alors ne pas constater la justesse du commentaire de cet ambassadeur américain qui dans un des câbles diplomatiques révélés par le site Wikileaks confessait que l’Algérie est « un pays malheureux »…
Des gangs armés sèment la terreur dans les villes, les cités et les quartiers. Les crimes de sang se comptent par dizaines chaque semaine. La violence s’est installée même à l’école où le copiage et la triche se pratiquent du primaire jusqu’à l’université.
Les diplômes sont bradés pour faire croire que les réformes de l’inamovible Benbouzid, ministre de l’éducation depuis 17 ans, ont réussi.
Les hôpitaux sont devenus des mouroirs et les pharmacies se vident pour mieux organiser les trafics juteux du médicament.
Gérée et organisée par des circuits sans foi ni loi, la contrefaçon elle envahit tous les marchés sans exception. La corruption? Elle a fini de gangrener toutes les administrations, toutes les institutions, faisant de notre pays l’un des plus corrompus au monde.
La paupérisation a gagné de larges couches de la société. Les barons du régime et leurs clientèles se partagent la rente à coups de milliards tandis que les couches les plus démunies s’entassent dans les bidonvilles, les cages à lapins de HLM déshumanisés quand elles ne fouillent pas les poubelles pour trouver leur pitance.
L’Etat algérien n’a jamais été si riche et le peuple si pauvre. Plus de 160 milliards de dollars de réserves de change, plus de 486 milliards de dollars dépensés ou qui seront dépensés entre 1999 et 2014 et le peuple algérien est encore qualifié de « peuple malheureux » !
Mais le malheur des Algériens ne vient-il pas, en définitive, de ses dirigeants?