A Bondy, en Seine-Saint-Denis, une mère d’origine algérienne raconte à son fils les dures réalités du conflit qu’elle a vécues, petite fille, en Kabylie.
Le cinéaste algérien Merzak Allouache revient sur les espoirs et le désarroi de la jeunesse de son pays dans un film peu conventionnel : « Normal ! »
Présenté en avant-première il y a deux mois au Festival du film arabe d’Oran, le dernier long-métrage de Merzak Allouache, Normal !, a suscité une vive polémique en Algérie. Reconnu à l’étranger comme l’un des réalisateurs les plus prolifiques mais aussi les plus attachés à décrire sans complaisance la société algérienne contemporaine, l’auteur du film culte sur la jeunesse algérienne Omar Gatlato a décidément du mal à être prophète en son pays. Comme d’ailleurs la plupart des réalisateurs algériens les plus célébrés aujourd’hui, de Nadir Moknèche à Rabah Ameur-Zaïmèche. On ne leur pardonne pas, sinon leur talent – qu’on conteste pourtant au passage avec des arguments souvent peu convaincants -, du moins leur exil outre-Méditerranée et leur volonté de tourner « hors du système » des sujets peu consensuels qui souvent dénigreraient leur pays.
Rien, pourtant, de plus contemporain, de plus algérien et de plus stimulant que le sujet de Normal !. Mi-fiction mi-documentaire contenant un film dans le film – un projet non abouti, commencé à l’époque du Festival panafricain d’Alger de l’été 2009, qui nous vaut de belles images des performances des artistes invités de la manifestation -, ce long-métrage à la construction peu conventionnelle ne propose pas une intrigue linéaire. Il s’agit plutôt d’une sorte de chronique hachée par des flash-back sur les tourments d’un réalisateur, Faouzi. Ce dernier a du mal à terminer une oeuvre commencée deux ans auparavant dans des conditions précaires en raison du refus du ministère de la Culture de participer à son financement. Faouzi réunit autour de lui et de sa compagne scénariste les jeunes comédiens qui participent à l’aventure pour recueillir leur avis sur un premier montage. Il tente de les persuader de reprendre pour quelques jours le tournage.
Le printemps arabe en toile de fond
Nous sommes alors début 2010, et le Printemps arabe produit ses effets dans la capitale algérienne, où des milliers de jeunes participent à d’imposantes manifestations. Ce qui donne envie à Faouzi de « lancer » ses acteurs dans la rue et de les filmer in vivo, au milieu des défilés des protestataires réclamant des réformes et plus de liberté. Tout cela est prétexte, bien sûr, à discuter des espoirs et du désarroi de la jeunesse, de l’importance de la création culturelle, de l’hypocrisie d’une censure qui ne dit pas toujours son nom mais aussi de celle non moins grave de l’autocensure, des blocages de la société, notamment en matière de moeurs, de la nécessité ou de l’inutilité d’une révolution. Avec vivacité, mais jamais de façon académique ou sentencieuse.
« Normal ! » c’est une expression quelque peu fataliste qu’emploient volontiers les jeunes Algériens quand ils n’arrivent pas à dire à quel point une situation ne l’est pas. C’est bien de cela que parle ce film sans doute formellement inabouti mais très stimulant. Et s’il dérange, tant mieux. Ce n’est sans doute pas pour déplaire à son auteur, qui termine en ce moment même dans le sud-ouest de l’Algérie, dans un village non loin de Béchar, le tournage d’un film sur l’histoire d’un repenti à l’époque où fut lancée la politique de « concorde civile » du président Bouteflika, en 1999. Un long-métrage qui, « bien sûr », nous confirme son auteur, n’a pas reçu d’aide de son pays. Mais Normal ! ayant été primé récemment au festival de Doha (meilleur film arabe), le financement modeste de ce projet a pu être bouclé grâce à une subvention en provenance du Qatar.