Algérie – Mali : Tandja rencontre les rebelles

Algérie – Mali : Tandja rencontre les rebelles
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La tendance dans la région sahélo-saharienne est à l’apaisement après la libération des otages canadiens et la mise hors d’état de nuire du groupe qui les détenait dans le Kidal. Un travail de fourmi a été mené par les autorités maliennes, soutenues par l’Algérie, dont le souci majeur est la sécurisation de ses frontières sud à travers une intense et franche coopération avec les pays riverains, notamment le Mali et le Niger où la rébellion touarègue a fait jonction avec les groupes terroristes qui font feu de tout bois puisqu’ils ont versé dans tous les genres de trafic, notamment les armes et la drogue.

C’est à ce titre que l’Algérie, qui a fait de la non-ingérence dans les affaires intérieures des pays son principe cardinal, a décidé de soutenir les pays qui demandent son l’aide. A ce propos, une aide militaire est acheminée vers Bamako selon des sources maliennes cité hier par l’AFP. «Cette aide est riche et variée. Il y a par exemple du carburant pour nos troupes, des sacs de couchage, pour les ‘‘opérations spéciales », et même de l’armement», a affirmé une source proche de l’état-major de l’armée malienne, ne souhaitant pas livrer davantage de détails.

Selon la même source, une partie du matériel est déjà arrivée. «Nous attendons au total cinq rotations d’avions algériens transportant cette importante aide militaire algérienne», a déclaré à l’AFP, de son côté, une source militaire aéroportuaire. Durant sa dernière visite à Alger, le ministre malien de la Défense avait évoqué avec le Président Bouteflika le renforcement de la coopération militaire entre les deux pays qui ont une frontière commune. L’Algérie joue notamment un rôle de médiateur dans le nord du Mali entre le gouvernement malien et des groupes de rebelles touaregs.

Depuis quelques mois, c’est l’accalmie dans cette partie septentrionale du Mali, l’armée ayant mis en déroute le plus opérationnel des groupes de rebelles touaregs, dont le chef, Ibrahim Ag Bahanga, a trouvé refuge en Libye. Par ailleurs, dans le nord du Mali, quatre présumés islamistes ont été arrêtés fin avril par l’armée. Parmi eux, figure un Algérien, proche d’un des leaders d’Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) qui retient en otages deux touristes européens.

LG Algérie

Par ailleurs, on a appris que le président du Niger Mamadou Tandja a rencontré dimanche dernier à Agadez (nord) des délégués des combattants touaregs, auxquels il a même proposé l’amnistie s’ils déposent les armes. C’est un virage à 180 degrés que M. Tandja a effectué en acceptant, pour la première fois, un face à face avec des chefs rebelles depuis la reprise de la guérilla dans le nord du pays, notamment avec l’apparition du Mouvement des Nigériens pour la Justice (MNJ) en 2007. En dépit de nombreux appels du parlement et des ONG locales, M. Tandja avait catégoriquement refusé jusque-là tout dialogue avec les insurgés touaregs, en qualifiant leurs chefs de «bandits armés et des trafiquants de drogue». «Depuis longtemps nous les avions appelés à déposer les armes et à venir construire le pays avec nous.

Nous leur pardonnons car nous voulons la paix au Niger», a déclaré dimanche le président à la radio à l’issue d’une rencontre à Agadez avec une dizaine de représentants de trois groupes rebelles touaregs. «On ne construit pas un pays les armes à la main […] Revenez travailler pour développer votre pays», a lancé en langue haoussa M. Tandja, dont c’était également le premier déplacement dans le nord depuis deux ans. Côté rebelles, on s’attend à ce que Niamey saisisse l’occasion pour sceller définitivement la paix dans le nord qui abrite les mines d’uranium.

«Depuis le début de la rébellion, nous avons libéré plus de 85 prisonniers : c’est un témoignage que nous voulons la paix», a commenté à la radio Ahmed Agaya, un délégué du MNJ. Selon lui, son mouvement a déjà transmis ses revendications au président. Pour un retour à la paix, les combattants exigent notamment une meilleure insertion des Touaregs dans l’armée, les corps paramilitaires et le secteur minier situé dans la zone du conflit.

Aucune négociation n’est encore engagée et aucune date pour un désarmement éventuel ou la signature d’un accord de paix n’a non plus été annoncée à l’issue de cette rencontre. Pour le politologue Souley Adji, «le revirement» du président Tandja s’expliquerait avant tout par «des enjeux économiques et financiers» liés à l’exploitation prochaine par le groupe nucléaire français Areva de la mine d’uranium géante d’Imouraren (nord). C’est d’ailleurs au lendemain de cette rencontre avec les rebelles que le président a officiellement lancé le chantier d’Imouraren. Mais, pour d’autres observateurs, le changement de cap de M. Tandja serait plutôt motivé par la perspective d’une prolongation de son mandat qui expire fin 2009.

L’historien Djibo Hamani relève en tout cas «une inflexion de l’Etat nigérien» qui a jusque-là campé sur une position «extrêmement intransigeante». Niamey et les rebelles ont engagé depuis mars des discussions sous les auspices du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi qui a appelé le 15 mars à Niamey les rebelles à déposer les armes et intégrer un processus de paix.

Une perspective qui a du mal à passer pour certains, notamment Nouhou Arzika, figure influente de la société civile, qui rejette «toute forme d’amnistie» pour les groupes armés avant d’être jugés. «Si le président et le parlement venaient à engager une procédure d’amnistie, nous réagirons fermement», a-t-il déclaré à l’AFP. Il exclut également «toute forme de négociation visant à accorder, sur fond de misère sociale, des avantages» aux insurgés, comme ce fut le cas avec les Accords de paix de 1995 qui avaient mis fin à la première rébellion touarègue.