L’opposition a décidé samedi de maintenir sa marche prévue le 12 février à Alger, malgré les mesures de libéralisation annoncées par le président Abdelaziz Bouteflika, un mois après des émeutes contre la vie chère qui avaient fait cinq morts en Algérie.
La Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD), regroupant opposition et société civile et née dans la foulée des émeutes, avait appelé à cette manifestation pour demander notamment la levée de l’état d’urgence, en vigueur depuis février 1992.
Le maintien de cette marche intervient dans un contexte tendu en Afrique du Nord, avec la chute du régime Ben Ali le 14 janvier en Tunisie et d’importantes manifestations pour le départ du chef de l’Etat égyptien Hosni Moubarak.
Le président algérien avait promis jeudi une « levée de l’état d’urgence dans un très proche avenir », tout en annonçant l’ouverture des médias publics et diverses mesures réclamées par l’opposition et la société civile.
Mais pour la Coordination, ces annonces présidentielles sont insuffisantes.
« La marche a été maintenue. Elle aura lieu comme prévu le samedi 12 février à 11H00 (10H00 GMT) », a déclaré à l’AFP Tahar Besbès, député du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD, opposition) à l’issue d’une réunion de la Coordination.
M. Bouteflika avait rappelé jeudi qu’Alger était interdite aux manifestations mais que des marches pouvaient être organisées ailleurs. Pour les autorités, l’interdiction des marches à Alger est justifiée par « des raisons d’ordre public ».
Les manifestations de rue sont interdites dans la capitale depuis le 14 juin 2001 quand une marche en faveur de la Kabylie avait tourné à l’émeute faisant huit morts et des centaines de blessés.
Outre le RCD, la CNCD regroupe la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) et des représentants de la société civile.
« Jusqu’à présent, il n’y a pas eu de refus pour organiser notre marche de la part de la wilaya (préfecture) d’Alger, qui nous a demandé, mercredi dernier, de reformuler la demande », a déclaré le président de la LADDH Mustapha Bouchachi.
S’appuyant sur les exemples de Tunisie et d’Egypte, la coordination a adopté le slogan « système dégage », mettant l’accent sur les revendications économiques et sociales, dont le chômage des jeunes et la crise du logement, fréquemment à l’origine d’émeutes.
Le président Bouteflika « n’a pas annoncé de mesures concrètes. Il a juste exprimé l’intention du pouvoir de revoir l’état d’urgence qui sera compensé par une loi antiterroriste », a estimé M. Besbès, le député du RCD.
Une manifestation de ce parti avait déjà été empêchée par la police le 22 janvier au centre d’Alger.
Le Front de libération nationale (FLN, nationaliste), le Rassemblement national démocratique (RND, libéral) du Premier ministre Ahmed Ouyahia et le Mouvement de la société de la paix (MSP, islamiste), les trois composantes d’une alliance présidentielle, ont pour leur part salué ces mesures.
Des émeutes contre la vie chère avaient fait cinq morts, plus de 800 blessés, et d’importants dégâts matériels début janvier.
Depuis, au moins huit Algériens ont tenté de s’immoler par le feu et trois sont morts, à l’image du geste d’un Tunisien le 17 décembre qui avait déclenché la contestation dans le pays voisin