Près de 43 milliards d’importations au cours des dix premiers mois 2011 et le bilan pourrait être augmenté de plusieurs milliards pour l’année. Quand aux importations des services, elles pourraient dépasser les 12 milliards de dollars. L’emballement entamé en 2008 persiste malgré les directives, les entraves bureaucratiques aux transferts et l’institution, en 2009, d’une taxe de domiciliation bancaire de 3% du montant de la domiciliation pour les importations de service.
Début novembre, un rapport de l’association Femise (forum euro-méditerranéen des instituts de sciences économiques) évoquait une augmentation de 29,7% des importations par rapport à 2010 donnant ainsi une projection de 49,8 milliards de dollars sur 2011. Il soulignait qu’en raison de l’augmentation des prix internationaux, l’Algérie qui « importe la plupart de ses services », devrait voir sa facture passer à 10,5 milliards en 2011. Le Femise était trop « optimiste ». Seon les derniers chiffres fournis la Banque d’Algérie (BA), les importations de services pourraient êtres supérieures à 12 milliards de dollars. Une tendance à la hausse qui s’installe malgré des politiques présumées dissuasives menées par les pouvoirs publics. La tendance date de 2008. Le rapport de la Banque d’Algérie soulignait déjà que la vulnérabilité de la balance des paiements était aggravée par « l’emballement, en 2008, des services non facteurs importés, après l’augmentation significative au titre de l’année 2007. Les services non facteurs importés sont passés de 4,784 milliards de dollars en 2006 à 6,93 milliards de dollars en 2007 et à 11,076 milliards de dollars en 2008. » L’accroissement entre 2007 et 2008 était de 59,8% ! Un saut « historique » qui allait devenir une tendance lourde. Ces importations se sont établies à 11,63 milliards de dollars en 2009. Dans ce chapitre des services, il faut mettre, selon la Banque d’Algérie « les opérations de réassurance des infrastructures des entreprises et des sociétés, les différentes études dont les études de faisabilité, l’étude de marché, l’audit menées pour les entreprises, les structures, les banques, les entreprises publiques, et les opérations d’assistance technique ». Il faut relever que dans ce chapitre figurent aussi les transferts des deux opérateurs de téléphonie « OTA- Djezzy » et « Nedjma » ainsi que des compagnies pétrolières et gazières étrangères. Or, les transferts d’Ota-Djezzy sont toujours bloqués sur décision de la Banque d’Algérie. En incluant ces transferts du premier opérateur de téléphonie mobile, la facture pourrait être bien plus salée. Les chiffres de 2008 qui avaient suscité un branle-bas de combat des autorités sont largement dépassés.
Une instruction, vaine, d’Ouyahia
En décembre 2009, après le raidissement « patriotique » de la loi de finance complémentaire 2009, Ahmed Ouyahia avait envoyé une instruction aux opérateurs publics (SGP, EPE…) leur demandant de « centraliser les études de faisabilité réalisées, de réduire le recours aux bureaux d’études étrangers, d’exiger une déclaration de probité de tout contractant national ou étranger ainsi que leurs sous-traitants, et de recourir aux entreprises nationales pour les biens et services produits localement ». L’instruction a fait des vagues mais son impact est clairement nul. Les explications avancées soulignent que l’augmentation générale des importations de biens entraine mécaniquement une hausse de la facture des transports. Durant cette même année « historique » de 2008, le programme d’investissement public dans les infrastructures et dans le secteur des hydrocarbures ont généré un triplement des importations des prestations d’études, importations de services techniques… Pour les spécialistes, l’imposition du Credoc a eu pour effet d’accentuer la tendance vers l’accroissement des transferts. Des banques étrangères se sont spécialisées dans cette activité lucrative et sans risques. Selon eux, les prélèvements bancaires – frais et commissions – sur crédits documentaires représentent l’une des explications à cette hausse des importations de services. Toutes les importations algériennes s’effectuant au moyen des crédits documentaires les banques étrangères confirmatrices de ces Credoc y ont trouvé une bonne rente. Des économistes algériens notent que cet accroissement continu de la facture des services depuis 2008 reflète clairement un affaissement de l’expertise nationale du fait des départs à l’étranger de hauts-cadres durant les années 90. Quand à l’expertise nationale qui est restée, elle est en général ignorée au profit des étrangers qui, eux, n’hésitent pas à la solliciter.
L’expertise nationale victime d’un ostracisme non déclaré
Sous le sceau de l’anonymat, un ancien patron d’entreprise publique qui a créé son propre bureau d’études a confié au sociologue Nacer Djabi que toute son activité « se fait avec l’extérieur et avec des entreprises étrangères. Aucune entreprise nationale, n’a accepté de travailler avec moi ou m’a demandé un travail, mis à part deux entreprises privées ». Et cet ancien haut-cadre expliquait qu’il n’était pas le seul à subir l’ostracisme et que les nationaux, établis à l’étranger qui ont créé des bureaux de conseil étaient également soigneusement évités. Un autre transfuge du secteur public et de la haute administration explique que les appréhensions sécuritaires ont amené des compagnies internationales à traiter avec son bureau spécialisé dans les études d’ingénierie et de réalisation industrielles alors qu’il était complètement ignoré par les entreprises et administrations publiques. « Ce sont les sociétés internationales qui nous ont donné un nom sur le marché car elles étaient les premières à traiter avec nous ». En dépit d’un nationalisme économique proclamé il existe en matière d’expertise une «préférence étrangère » qui contribue à gonfler inexorablement la facture. Les suspicions « politiques » qui suivent dans le privé des ex-ministres et des cadres ont un cout élevé.