Algerie: L’Escalier des Artistes, un café théâtre en plein centre d’Alger

Algerie: L’Escalier des Artistes, un café théâtre en plein centre d’Alger

L’escalier des artistes plein centre d’Alger n’est pas une simple succession de marches comme celles que l’on a l’habitude d’emprunter dans la capitale. Coloré et dessiné par les étudiants des beaux arts, il donne accès à un lieu qui gagne à être encore plus connu.

Une atmosphère, un univers particulier

L’impression de pénétrer dans une cave habitée reflète parfaitement l’esprit underground que veulent donner les propriétaires, Lydia Boudjema et Samir Ouaar. A l’image des escaliers l’art y est mis en valeur. Style New-Yorkais, art deco-industriel, le décor est planté. L’humidité étant l’ami le plus fidèle des murs, pour des raisons d’ordre pratique les câbles servent de support à des expositions de peintures.

Au fond de la pièce est accrochée une fresque aux airs usés représentant les artistes algériens de tout genre et de tout temps. Moins appréciable, la légère brume des cigarettes allumées, difficilement respirable dans cet endroit clos n’empêche pas de voir correctement la scène offerte aux artistes.

Ce lieu ouvert à tous permet aux artistes de s’emparer des instruments de musique et des micros disponibles afin d’accompagner votre verre de thé ou votre repas de façon totalement gratuite. C’est un beau mariage entre les artistes de quartiers et les plus reconnus du pays.

« On perd l’habitude de s’amuser entre nous, faire des rencontres, qu’on apprenne à vivre ensemble c’est tout! Les personnes voilées et autres chez moi cohabitent avec la même passion de l’art et de partage des cultures », déclare Samir Ouaar.

Les difficultés d’entreprendre à Alger

Lorsque nous avons ouvert le café, c’était exactement au même moment que les grandes vacances d’été. Du coup entre les étudiants, les congés estivaux, du matin au soir nous avions des artistes à disposition! ». Forcément l’offre de show gratuit était moins forte à la reprise des cours ou du travail.

Mais fort de leur succès naissant, la structure et l’organisation a dû s’adapter à la fréquentation qui n’avait de cesse d’augmenter. Imposer comme « dans chaque brasserie » le repas obligatoire entre 12h30 et 14h30 pour « que les commerçants voisins puissent prendre leur pause de 30 ou 45 minutes sans avoir à attendre ». Les « jeunes » ont encore un peu de mal à comprendre cette démarche. « Mais dépassé cette heure, nous n’imposons pas à la clientèle de prendre un repas ou un dessert ! ». Bien que cela soit déjà avéré. « C’est le fruit d’un serveur ou d’une serveuse qui fait de l’excès de zèle, qui veut trop bien faire et qui peut être discourtois. Il est important de venir me voir à ce moment là car je ne peux les surveiller en permanence et ce n’est nullement la politique de la maison, insiste Samir Ouaar ».

Autre particularité à savoir, s’acquitter de la commande avant de l’avoir consommée. « Seulement les jours de spectacles. Et cela s’impose à tous. Du simple jeune d’à côté à l’ambassadeur des Etats-Unis ». Là aussi les « habitués » ont du mal à saisir la raison « technique et structurelle qui s’impose à nous. On a un logiciel où chaque table est numéroté, imaginez si tout le monde consomme, bouge de leur table, on fait payer les mauvaises personnes. C’est juste une question de pratique pour nous. Mais les gens pensent d’abord à eux avant de penser à nous, c’est parfois dommage, dit-il de manière désabusé ».

Certains artistes aussi peuvent leur compliquer la tâche. Ils jouent après l’horaire autorisé. Une fois fini leur prestation, ils s’installent à leur table avec un « derbouka » et ils tapent la percussion alors que d’autres artistes sont sur scène. « L’égoïsme de certains qui ne sont des fois que des musiciens de quartiers, de rues, qui n’ont jamais eu de scène ouverte est surprenant… « . Il arrête ses dires, il est interrompu par l’un de ces fameux artistes qui a eu la bonne idée de poser un tableau qui venait de tomber sur la face dessinée. Artiste! Tous ces aléas ne les freinent cependant pas. Ils sont de nature optimiste et innovante.

Un avenir riche en choix culturel

La musique n’a pas l’exclusivité. Plusieurs projets sont à l’étude. Une majorité sera mise en place après le Ramadan. Ils avaient commencé un comedy club qui avait réussi. Il continuera. Faire aussi des sessions littéraires où les auteurs pourront être confrontés à leur public ou détracteurs de manière plus large après avoir fait le tour des plateaux tv ou studio radio. Yasmina Khadra est par exemple très intéressé par cette idée.

Des soirées court-métrage sous le nom de « l’arrière court d’Alger ». Réalisateurs et passionnés figurant sur son carnet d’adresse sont enchantés par l’idée. Il n’est pas une association culturelle subventionnée par l’état mais il « y a tellement de choses à faire en Algérie, il y a un fort potentiel culturel que ne rien faire serait stupide ». Le maire Bettache tient une place importante cependant dans ce projet. « Il a été d’une grande aide, il a reconnu notre sérieux et notre passion. Et comme je l’avais accueilli à l’époque où je travaillais à Bruxelles, il s’en est souvenu. Moi pas! (rire). Il me l’a rappelé et il nous soutient dans nos projets ».

Les idées fusent. Trop nombreuses. Mais avec l’emplacement, le décor et la ville derrière, beaucoup pourront être réalisés.

« Même en Algérie les choses évoluent ».