Après les émeutes qui se sont produites ces derniers jours dans le pays…
Plusieurs métropoles d’Algérie ont connu cette semaine des émeutes visant à protester contre la hausse des prix et l’absence de perspectives sur le marché de l’emploi. Des heurts entre policiers et jeunes ont eu lieu, y compris à Alger.
Un tel soulèvement n’est pas rare dans le pays, selon Kader Abderrahim, spécialiste du Maghreb à l’Institut de recherche stratégique (Iris) et professeur de sciences politiques à la California University, «des jacqueries, comme on en a connu en France aux XVIIe et XVIIIe siècles, ont lieu régulièrement depuis une dizaine d’années, sur des thèmes sociaux comme l’absence de logements, les difficultés d’accès à l’eau, au travail».
Les manifestations dans les villes moyennes, «on n’en parle que localement»
Cependant, ces manifestations sont plus spectaculaires car elles se déroulent dans les grandes villes d’Algérie, comme Alger, Blida, Oran, indique le spécialiste. «Dans ces métropoles, il y a beaucoup de gens pour voir, pour écouter, et pour rapporter ce qui se passe. Cependant, en termes de masse, ces manifestations sont aussi importantes que celles qui se déroulent presque chaque jour depuis dix ans.»
Une analyse partagée par Saad Khiari, cinéaste, spécialiste de l’Algérie et du dialogue interreligieux à l’Iris: «Il y a périodiquement des manifestations dans des villes moyennes. Mais on n’en parle que localement.» Et, si des solutions sont trouvées au niveau local et au coup par coup pour répondre aux inquiétudes de la population, «les mêmes problèmes réapparaissent quelque temps plus tard».
Le problème? La «mal vie»
Car, paradoxalement, l’Algérie est un pays très riche, mais sa population est de plus en plus pauvre, avec «une classe moyenne laminée», souligne Kader Abderrahim. C’est cette «mal vie», comme la nomment les deux spécialistes, qui est à l’origine des révoltes de la jeunesse, qui ne trouve pas sa place. «Ils ne comprennent pas pourquoi ils sont pauvres dans un pays qui a les moyens de créer des structures pour employer les jeunes diplômés. Ils se sentent laissés pour compte, voir méprisés par le pouvoir», affirme Saad Khiari.
Cependant, les deux experts ne pensent pas que le mouvement va durer. «Il n’y a personne pour porter la contestation sur le plan politique», explique Kader Abderrahim. En effet, alors que ce vendredi la grande prière apparaissait comme un test pour savoir si la transposition du mouvement sur le terrain politique était possible, «la greffe n’a pas pris», note Saad Khiari.
«Les jeunes ne veulent pas être récupérés»
Les islamistes ont tenté de récupérer le mouvement, «mais cela n’a rien donné, les jeunes ne veulent pas être récupérés», explique-t-il, précisant que dans les manifestations, «il n’y a pas de banderoles, pas de mot d’ordre politique, pas de syndicat. Seulement la rue. Avec tout ce que ça suppose comme désordre.»
Selon lui, «le gouvernement va débloquer des fonds et tancer fournisseurs et importateurs d’huile et de sucre pour que les prix baissent et pour calmer les gens. Mais cela reprendra plus tard sur un autre thème. Comme à son habitude, le pouvoir va mettre un pansement sur une jambe de bois.»