Algérie : le camp Benflis dénonce des fraudes

Algérie : le camp Benflis dénonce des fraudes

Les Algériens ont voté jeudi pour élire leur président. Si le scrutin ne comportait, a priori, aucune surprise, de nombreux incidents ont émaillé la soirée. Ali Benflis, principal opposant au président sortant Abdelaziz Bouteflika, dénonce des fraudes.

L’ élection algérienne qui s’est déroulée jeudi ne laissera probablement pas de place au suspense : même si les résultats devraient être connus vendredi matin, les premières indications officieuses jeudi à 22h faisaient état d’un raz-de-marée en faveur de Bouteflika.



Le scrutin a tout de même été perturbé en début de soirée, avec l’annonce d’affrontements violents entre des centaines de jeunes et la police dans la commune d’El Asnam, dans la préfecture de Bouira. Un centre de vote a été brulé à Saharidj Wilaya dans la même préfecture, tandis que dans la commune de Mechedellah, des manifestants ont été passés à tabac par les policiers. Toujours dans la même région, des ambulances transportant des policiers blessés lors d’affrontements matinaux ont été bloquées par des manifestants. Des émeutes ont aussi éclaté à Bakaro où des urnes ont été incendiées.

Par ailleurs, pour améliorer le taux de participation, le gouvernement avait décidé de repousser d’une heure, à 20h heure d’Alger (21h à Paris) la fermeture des bureaux de vote dans un tiers des 1.500 communes, situées dans 35 des 48 préfectures : une mesure susceptible de faciliter le bourrage d’urnes en faisant voter les abstentionnistes. De fait, à 18 heures algériennes, le taux de participation était estimé à 37 %. Le parti présidentiel FLN avait annoncé jeudi en fin d’après-midi que la participation dépasserait les 50%, et disait s’attendre à une victoire d’Abdelaziz Bouteflika avec 63 à 65 % des voix.

Le QG d’Ali Benflis avait, dans la soirée, annoncé que sa cellule chargée de centraliser les informations de terrain sur les incidents avait vu ses ligne téléphoniques, Internet et fax coupées : une information finalement démentie plus tard, notamment par des journalistes algériens présents sur place.

Accusations de fraude

Benflis, principal candidat d’opposition, devait s’exprimer vers 21h (22 heures à Paris), une allocution finalement repoussée à plus tard. Toutefois, depuis son GQ, le ton est monté vis-à-vis du régime. Alors que les communicants du candidat se refusaient dans l’après-midi à parler franchement de fraudes, évoquant de simples « entorses aux procédures », ils listaient en soirée de nombreuses allégations d’incidents : des assesseurs d’Ali Benflis interdits d’accès dans des bureaux de vote à Alger, Ain Defla ou Batna, ou subissant des intimidations en de nombreux endroits, des urnes non scellées repérées notamment à Setif, Souk Ahras ou Tizi Ouzou, des électeurs constatant que quelqu’un avait voté à leur place dans de nombreux villages, des voitures interceptées à Alger et Batna, la ville natale même de Benflis, transportant des urnes remplies exclusivement de bulletins « Bouteflika », etc.

Plus généralement, des membres de l’équipe de campagne expliquaient que, si le dépouillement des bulletins est transparent devant les assesseurs des candidats, en revanche le bourrage d’urnes est relativement aisé puisqu’il est loisible de faire voter les abstentionnistes ou les morts (qui sont rarement rayés des listes électorales après leur décès) en fin de journée dans les bureaux de vote peu surveillés. Il serait aussi possible de trafiquer les PV de dépouillement avant leur enregistrement sur fichier informatique et centralisation au siège des 48 wilayas (préfecture). Ces PV ne sont d’ailleurs pas fournis aux assesseurs de tous les candidats mais seulement, selon une procédure étrange, à cinq d’entre eux par tirage au sort.

De notre envoyé spécial à Alger