Algérie – L’annulation de la LFC 2013, un séisme pour l’économie et les entreprises

Algérie – L’annulation de la LFC 2013, un séisme pour l’économie et les entreprises

Pour la première fois depuis des années, le gouvernement a décidé d’annuler la loi de finances complémentaire 2013 et de l’intégrer dans la loi de finances 2014. Une décision aura un impact sur l’économie, les entreprises et l’emploi.

Dans les pays développés, il n’existe pas de lois de finances complémentaires, sauf dans de rares exceptions, en cas de guerre ou de fortes tensions sociales. En Algérie, faute de vision stratégique et naviguant à vue, nous assistons à des lois de finances complémentaire à répétition alors que ce n’est qu’un simple document comptable public retraçant l’évolution des recettes et des dépenses publiques. D’ailleurs, la comptabilité régissant les administrations n’a guère évolué depuis des décennies, et les différents rouages de l’Etat vivent au gré de la conjoncture pétrolière, car après 50 ans d’indépendance, l’Algérie n’a pas encore d’économie productive : 98% de ses revenus d’exportation provient des hydrocarbures et 70% des besoins des ménages et des entreprises privées et publiques sont importés. Le taux d’intégration des produits de ces entreprises ne dépasse pas les 15% (exemple la SNVI où la majorité des composants est importée). Il suffit que le cours du baril chute pour que la loi de finances devienne caduque.

Cotation administrative du dinar

L’artifice consistant à calculer le baril de référence à 37 dollars dans les lois de finances depuis quelques années ne doit pas faire illusion, la différence étant mise dans le fonds de régulation des recettes géré d’une manière occulte. Exemple : il suffit de dévaluer le dinar de quelques points par rapport à l’euro, le faisant passer de 100 dinars pour un euro à 105 dinars, pour augmenter ce fonds. A cela s’ajoute les produits importés dont les taxes se calculent sur la valeur dinar au port. Exemple : 1 euro de marchandises donnerait 105 dinars au lieu de 100 auquel on applique la taxe. Ces cotations administratives du dinar de la part de la Banque d’Algérie permettent de voiler l’inefficacité de la dépense publique et donc la réalité du déficit budgétaire en augmentant artificiellement la fiscalité des hydrocarbures et les taxes douanières. Pour plus de transparence dans la gestion des deniers publics, il aurait été plus judicieux que les lois de finances soient établies sur le cours réel du marché quitte à ce que l’excédent soit placé dans un fonds pour les générations futures comme cela se fait en Suède. Car en réalité, la dépense publique en 2011/2012 a fait que l’Etat, selon le gouverneur de la banque d’Algérie, a fonctionné non sur un prix de référence du baril non pas à 37 dollars mais à 110/115 dollars, avec le gonflement du budget de fonctionnement. Selon le rapport de l’OPEP de juillet 2013, l’Algérie fonctionnera pour l’année 2013 sur la base d’un cours de 125 dollars mettant à nu l’importance du déficit budgétaire.

Un impact considérable sur l’économie et les entreprises

Bon nombre de dépenses non prévues dans la loi de finances 2013 (comme tous les montants additionnels débloqués par le Premier ministre lors de ses tournées dans les wilayas, idem pour les recrutements dans les administrations) et qui devaient être avalisées par la loi de finances complémentaire afin de couvrir les dépenses additionnelles ne seront pas financées avant avril/mars 2014. Etant donné que 90% du tissu économique est constitué de petites et moyennes entreprises qui dépendent de la commande publique, ces PME pourront-elles attendre jusque là pour recouvrer leurs créances et payer leurs travailleurs ? Concernant l’administration, régie par une comptabilité publique très rigide et croulant sous le poids de la bureaucratie, le problème se posera pour les recrutements additionnels et exceptionnels parce que non prévus dans le budget de fonctionnement. Idem pour le budget d’équipement, il y aura un vrai problème pour les travaux additionnels non prévus par la loi de finances 2013, où les montants ne pourront pas être débloqués avant mars/avril 2014, à moins de mesures exceptionnelles pour éviter des licenciements massifs et l’arrêt de certains chantiers.

Pour remédier à ces impacts sur l’économie nationale, il existe deux possibilités, à partir d’artifices comptables mais devant s’inscrire dans le cadre de la loi : puiser dans les reliquats dans le cas où certaines rubriques n’ont pas été intégralement dépensées du fait de la faiblesse des capacités d’absorption souvent constatées au niveau des wilayas et instruire les banques publiques pour accorder des prêts bancaires pendant cette période, l’Etat s’engageant à supporter le taux d’intérêt.