Algérie-La suspension des journaux se poursuit : entre règlement de comptes politique et créances impayées

Algérie-La suspension des journaux se poursuit : entre règlement de comptes politique et créances impayées

Après la suspension de l’impression du journal en langue arabe El Fedjr depuis le début du mois en cours, la Société d’impression d’Alger (SIA) vient d’annoncer la décision de suspendre l’impression pour trois éditeurs de journaux pour « des créances impayées ».

Il s’agit, selon Abdelkader Metchat, directeur général de la SIA, d’ El-Adjwaa, les deux versions arabophone et francophone du quotidien Algérie News et l’hebdomadaire des TIC, Itmag. « « El-Adjawaa qui a un titre en arabe, un autre en français et un troisième sportif, Algérie news et Al Djazaïr news ont été suspendus hier tandis que Itmag a été suspendu depuis quelques jours déjà », a précisé ce responsable dans une déclaration au site d’info TSA.

L’interruption de l’impression a été décidée, selon l’argumentaire du DG de la SIA, après l’émission de mises en demeure pour motif de dettes impayées pour une vingtaine de titres. Les concernés s’en lavent les mains d’être de mauvais payeurs. Interrogé par Maghreb Emergent, le directeur de publication d’Itmag, Abderrafiq Khenifsa a affirmé que cette décision a été prise à la suite d’un « retard de paiement » en raison de lenteurs au niveau de la banque. « Nous avons un échéancier et nous l’avons toujours respecté », a-t-il précisé, avouant ne pas comprendre l’attitude de la Direction de la SIA.

Campagne de dénigrement et d’acharnement

De son côté, l’Eurl Express News, éditrice des deux journaux Algérie news et Djazaïr news, a dénoncé, dans un communiqué, le caractère mensonger des propos du DG de la SIA et s’est dit surprise par une telle décision alors que la réunion entre les deux parties, le 25 avril dernier, avait débouché notamment sur l’établissement d’un nouvel échéancier et un mode de paiement préservant le gagne-pain des travailleurs. « Eurl Express News s’était engagée à assainir définitivement sa situation financière, sur la base des promesses émanant des autorités politiques liées au règlement du problème de la publicité », précise le communiqué.

Privés des ressources publicitaires de l’Agence nationale d’édition et de publicité (ANEP) depuis la fin de campagne pour les présidentielles du 17 avril, l’éditeur des deux journaux a dénoncé également une « campagne de de dénigrement et d’acharnement sans précédent », menée par le DG de la SIA contre ses deux titres. Pour l’éditeur des deux journaux, « certaines officines » tentent d’« ôter le caractère politique de l’affaire, lui attribuant un aspect purement commercial, puis actionnant l’imprimerie contre nous, après nous avoir privé de manière unilatérale et injustifiée de publicité institutionnelle émanant de l’ANEP, le 14 avril 2014, et ce, sans préavis ni respect des règles commerciales ».

Règlement de comptes politiques

Le journal El Fedjr est aussi victime d’un règlement de comptes politique suite à sa prise de position contre le 4ème mandat de Bouteflika, selon sa directrice de publique. Dans une déclaration à Maghreb Emergent, Hada Hazem, a affirmé que son journal est règle sur l’échéancier établis le mois de septembre 2013. « Nous n’avons cessé depuis d’honorer nos engagements selon cet échéancier », a-t-elle précisé.

Mais, depuis le début du mois de juin, la SIA refuse d’imprimer le journal au motif de dettes impayées. L’affaire a été portée devant le tribunal commercial d’El Harrach. Le verdict est attendu pour ce mardi 1er juillet. « Nous restons optimistes, au regard de notre dossier sur le respect de la convention bilatérale sur l’échéancier de paiement », a déclaré Mme Hazem.

Au-delà du caractère politique de certaines décisions de l’ANEP et de l’imprimerie publique du centre, près d’une centaine de journaux « mauvais payeurs » a reçu des mises en demeure pour créances impayées.

La touche Hamid Grine ?

Ces créances ne datent pas d’aujourd’hui. Mais depuis l’installation de Hamid Grine à la tête du ministère de la Communication, la situation financière des journaux privés dépendant de la manne publicitaire institutionnelle se fait de plus en plus d’actualité. Le nouveau ministre ne s’en cache pas d’ailleurs. C’est lui qui a instruit les imprimeries publiques pour qu’elles soient moins « généreuses » et moins indulgentes avec les éditeurs de journaux. Il prépare également un nouveau plan média de l’ANEP qui prévoit la redistribution de la publicité institutionnelle selon les « règles de commercialité ».

Est-ce pour autant la fin du système du détournement de l’argent des collectivités locales et des entreprises publiques-qui doivent passer par l’ANEP pour toutes annonces légales- qui consiste en la création d’une multitude de journaux pour s’accaparer la rente de la publicité institutionnelle ? Certains journaux qui ne tirent qu’à 2000 exemplaires brassent mensuellement près de 30 millions de DA. Ou s’agit-il alors d’un changement de stratégie du pouvoir s’agissant de la portée de ces journaux para-publics sur sa communication. En tout cas, le nouveau ministre affirme agir, selon une feuille de route du président Bouteflika sur la professionnalisation de la presse algérienne.