L’Algérie est en retard par rapport à ses voisins en matière de commerce moderne. Conscients du potentiel, les groupes étrangers et locaux multiplient les projets.
Avec quatre entrées, une musique d’ambiance, des escalators, plusieurs fast-foods, un hypermarché, des dizaines d’enseignes mondialement connues (Lacoste, Nike, Timberland…), un parking au sous-sol, un espace de jeux pour les enfants, le centre commercial et de loisirs de Bab Ezzouar (CCL) a apporté une nouvelle forme de consommation aux Algérois depuis son inauguration, en août 2010.
« C’est génial de pouvoir faire ses courses en famille et d’avoir tout à disposition au même endroit », raconte une mère de deux enfants. Détenu par des capitaux suisses (Valartis International, Darsi, Jelmoli), le CCL affiche 31 000 m2 de surface locative, pour un chiffre d’affaires de 8,3 milliards de dinars (environ 78,6 millions d’euros) en 2012 et plus de 6,2 millions de clients, soit quelque 17 000 personnes par jour en moyenne.
Depuis le début de l’année, la fréquentation y a même bondi de 48 %. « C’est un centre de qualité, bien géré et judicieusement agencé. Il est attractif pour les marques internationales. Il est noté AA dans notre classement », affirme Julien Garcier, directeur général de Sagaci Research, une jeune société d’analyse et d’études de marché focalisée sur l’Afrique.
À Mohammadia, en bord de mer, près de l’hôtel Hilton et de la Foire internationale d’Alger, le centre commercial Ardis – filiale du groupe local Arcofina et opérationnel depuis moins de un an – est la première partie visible du projet Alger Medina, un immense complexe immobilier.
La soif de consommation des 37 millions d’Algériens est immense après la pénurie des années 1990. Période durant laquelle ceux-ci n’avaient droit qu’à de grandes surfaces étatiques (Galeries algériennes et Souk el-Fellah) aux étals à moitié vides. Avec un PIB par habitant passé, d’après la Banque mondiale, de 1 781 dollars (1 340 euros) à 5 244 dollars entre 2001 et 2011, la grande distribution est promise à de beaux jours. « Le marché est plus ou moins vierge avec très peu d’enseignes. La population est jeune et une classe moyenne se développe. Tous les ingrédients sont réunis », affirme un acteur étranger. Ardis et CCL sont d’ailleurs littéralement pris d’assaut, en particulier pendant les soirées du ramadan.
Freins
De fait, la surface locative par habitant reste bien inférieure à celle des pays voisins où la distribution moderne a débuté son développement il y a plus de dix ans. L’Algérie ne compte ainsi, selon Sagaci Research, que 4,7 m2 par habitant, contre 9 m2 en Tunisie et 12 au Maroc (et plus de 200 en Europe). Les commerces de proximité et les épiceries, qui pratiquent le crédit, dominent la sphère économique.
Et les tentatives de percée d’acteurs internationaux n’ont pas toujours été couronnées de succès : Carrefour a ainsi quitté le pays en 2009. Les obstacles au développement de grandes infrastructures commerciales sont connus. En tête, les difficultés d’accès au foncier. La disponibilité de grandes surfaces en centre-ville, avec une facilité d’accès, est rare et les démarches nécessaires pour les obtenir sont complexes. D’autant plus que l’État est le premier propriétaire terrien du pays, ce qui ne facilite pas les choses.
Baliser
L’absence de marché de gros et le manque de centrale d’achat pénalisent les circuits d’approvisionnement, indispensables au bon fonctionnement de la filière. Les difficultés d’importation des marchandises refroidissent les enseignes étrangères. Le français Casino l’évoque comme l’une des causes de la faiblesse de ce secteur en Algérie. Sans oublier le poids du commerce informel, qui est un concurrent majeur.
« Le seul moyen de l’éliminer est le développement de centres commerciaux. Cela permettra de baliser, de structurer et de rendre transparent le commerce », juge Rachid Khenfri, patron de Prom Bati et initiateur du plus grand mall d’Algérie (45 000 m2 de surface locative), qui devrait ouvrir fin 2014 à Sétif.
Ce lieu sera géré et exploité par Sierra Cevital, joint-venture entre Sonae Sierra et Cevital. Le groupe portugais, qui gère 70 centres commerciaux à travers le monde, et son allié algérien figurent parmi les rares acteurs structurés à avoir entamé activement leur phase de développement. En août, leurs centres commerciaux à Aïn Defla, Bouira et Mostaganem seront inaugurés. « Nous espérons en gérer une dizaine d’ici à 2017 », souligne Duarte Morais Cabral, directeur général de Sonae Sierra. De quoi offrir des milliers de mètres carrés aux grandes enseignes de la distribution.