Algérie-France : Vers l’intensification de la coopération sécuritaire

Algérie-France : Vers l’intensification de la coopération sécuritaire

En visite de travail à Alger et en virée privée à Oran, le ministre de l’Intérieur français, Bernard Cazeneuve, n’a pas chômé

En visite de travail à Alger et en virée privée à Oran, le ministre de l’Intérieur français, Bernard Cazeneuve, n’a pas chômé. Entretiens avec le Premier ministre, son homologue et le ministre des Affaires religieuses, en sa double qualité de titulaire du portefeuille de l’Intérieur et du dossier des cultes en France. Au menu copieux, la circulation des personnes, la sécurité, la protection civile et surtout la coopération en matière de sécurité.

Le volet sécuritaire est le fil rouge d’une coopération en progrès notable depuis 2001, mais qui n’évoluait pas dans un cadre balisé.

Ce n’est plus le cas depuis environ douze ans, précisément depuis la signature par les deux ministres de l’Intérieur de l’époque, Noureddine Yazid Zerhouni et Nicolas Sarkozy, d’une convention d’État. Un accord sur la coopération en matière de sécurité et de lutte contre la criminalité organisée, signé à Alger le 25 octobre 2003. La signature de cet arrangement, conclu pour une période de trois ans renouvelable, est un progrès réel par rapport à une situation antérieure qui voyait se développer une coopération sécuritaire sans cadre juridique formel. Cette coopération connaît une montée en puissance depuis

2001. Avec un taux appréciable de réponses aux demandes de part et d’autre. Les chiffres officiels, révélés devant l’Assemblée française, sont les suivants :

6 réponses de la part des services de police français pour 20 demandes adressées aux autorités algériennes en 2001; 40 pour 54 en 2002; 164 pour 200 en 2003 et, enfin, 441 réponses pour 556 demandes du 1er janvier 2004 au 25 janvier 2005.

À maintes reprises, la police de l’Hexagone s’est montrée satisfaite de la qualité des réponses apportées par les autorités algériennes.

Quelques exemples marquants : en février 2004, la brigade financière de la Préfecture de Police de Paris a sollicité des renseignements sur le Groupe Khalifa Airways. Les responsables algériens ont fourni des éléments d’information complets sur la situation de cette compagnie qui ont permis de faire avancer l’enquête côté français. En juillet de la même année, les informations transmises ont également permis d’interpeller le responsable d’une association impliquée dans l’organisation d’une importante filière d’immigration illégale en provenance d’Algérie. Plusieurs réseaux de trafics de faux visas ont aussi été identifiés grâce à cette coopération bien huilée.

La coopération bilatérale en matière de sécurité s’inscrit aussi dans le cadre de relations plus étroites entre les pays du Maghreb et l’Union européenne. La Conférence des ministres de l’Intérieur de Méditerranée occidentale réunissant chaque année les représentants du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie, de l’Espagne, du Portugal, de l’Italie et de la France a été créée en 1995, avant d’être élargie en 2001 à la Libye et Malte. Cette conférence a permis de mettre en place des commissions thématiques sur le blanchiment d’argent, le terrorisme, l’immigration illégale, la lutte contre le trafic d’objets d’arts, la protection civile …

En outre, la France a pris l’initiative de la création d’un groupe de travail informel – c’est l’initiative 3+3 – regroupant les ministres de l’Intérieur des mêmes trois pays maghrébins et de la France, l’Espagne et l’Italie.

L’accord-cadre en question porte sur la lutte contre la criminalité organisée internationale, la répression du trafic des stupéfiants, des substances psychotropes et de leurs précurseurs chimiques; et, surtout, la lutte contre le terrorisme et la sureté des moyens de transports aériens et maritimes. De même, le combat commun contre les infractions à caractère économique et financier, et notamment le blanchiment de fonds, la lutte contre la traite des êtres humains et le trafic des biens culturels et des objets d’art volés. Sans oublier les faux et les contrefaçons. Et, enfin, volet important, la lutte contre l’immigration irrégulière et la fraude documentaire s’y rapportant. Inscrites également dans l’accord, les questions des fraudes liées aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, ainsi que la cybercriminalité. Et d’autres problèmes tels l’ordre et la sécurité publics, la formation des personnels, la police de proximité, la police technique et scientifique, la police du renseignement, les télécommunications et l’informatique, et même la pyrotechnie. En somme un champ de coopération très vaste.

Mais c’est le volet de la coopération dans le domaine très sensible du terrorisme qui enregistre, de part et d’autre, de la satisfaction. L’accord prévoit à ce sujet que les deux parties procèdent à des échanges d’informations pertinentes relatives aux actes de terrorisme projetés ou commis, aux modes d’exécution et aux moyens techniques utilisés pour la commission de pareils actes. Le renseignement échangé couvre les groupes de terroristes et les membres de ces organisations qui prévoient, commettent ou ont commis des actes terroristes sur le territoire de l’une des parties et portent atteinte aux intérêts de l’autre.

Alger et Paris inscrivent leur coopération dans le cadre des engagements induits par la résolution 1373 du Conseil de sécurité de l’ONU et des engagements contractés dans les fora euro-méditerranéens. Le service de coopération technique et international de police (Sctip) du ministère de l’Intérieur français a rouvert une antenne à Alger depuis 2000. L’ex-DST, devenue Dcri, dispose également sur place d’un officier de liaison compétent pour l’ensemble du Maghreb. Même chose, côté algérien.

Des actions de coopération technique ont déjà été mises en place. Elles portent sur la formation de personnels, notamment de cadres de la Dgsn algérienne, sur des missions d’expertise pour adapter les forces de police algériennes, sur des échanges d’expérience par pôles spécifiques (police judiciaire, ports et aéroports, renseignements généraux notamment), ainsi que sur la sécurité civile.

La coopération en matière de renseignement opérationnel était un peu plus aléatoire durant la décennie 2000, mais semble s’être sensiblement améliorée, selon les appréciations de députés et sénateurs français. Normal, car elle portait et concerne toujours des questions plus sensibles. Elle est toujours tributaire de l’évolution du contexte politique en Algérie et, surtout, du fonctionnement complexe de l’appareil administratif. Les députés et sénateurs français portent toutefois une appréciation globalement positive sur les échanges liés à la lutte antiterroriste. Domaine dans lequel les contacts et les échanges se sont fortement accrus et se situent désormais à un haut niveau, comme c’est le cas avec les militaires.

N. K.