Algérie-France : Le mauvais «thon»

Algérie-France : Le mauvais «thon»

Quel intérêt a la France à «saboter» la présence algérienne à cette rencontre internationale, d’autant plus que son quota a été en grande partie récupéré par l’Egypte, la Libye, la Croatie et le Maroc?

La polémique entre Alger et Paris concernant l’absence des représentants algériens à la réunion de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique (Cicta), tenue à Paris du 17 au 27 novembre dernier, pour cause de visas, enfle.



Le ministère de la Pêche et des Ressources halieutiques accuse, les services consulaires français répliquent. Le ministre de la Pêche, Abdallah Khanafou, remet ça et c’est le Quai d’Orsay qui persiste et signe. Qui dit vrai, qui ment? Toute la question est là. A Alger, de nombreux observateurs s’interrogent, en effet, comment peut-on refuser des visas à une délégation officielle? Une pareille éventualité est-elle possible? Il est vrai que tout ne baigne pas dans l’huile pour les relations entre les deux pays, mais il est vrai qu’il n’y a aucun incident grave dans ces mêmes relations pouvant justifier ou à la limite, expliquer un refus de visas pour une délégation officielle. Résultats des courses: entre Alger et Paris, il y a du mauvais thon.

Dernier à réagir à cette affaire, le ministère des Affaires étrangères français. Dans une conférence de presse tenue jeudi dernier à Paris, la porte-parole adjointe du Quai d’Orsay, Christine Fages, a confirmé ce que l’ambassade de France à Alger avait déjà dit.«A ma connaissance, aucune demande de visas n’a été déposée en ce sens», a-t-elle déclaré, faisant savoir que «la partie algérienne était représentée au dernier jour de la Conférence de Paris».

Mais c’était trop tard, car les conclusions étaient déjà tirées et les quotas distribués.

La messe étant dite, des questions qui attendent des réponses se posent d’elles-mêmes.

Si le ministère de la Pêche a formulé des demandes de visas, pourquoi n’a-t-il pas pris les précautions nécessaires? Les demandes n’étant formulées qu’une semaine avant la tenue de la réunion.

«Nous avons introduit les demandes de visas le 10 novembre 2010. Nous n’avons pas eu de reçu. Il se trouve que nous n’avons ce problème qu’avec le consulat de France à Alger. Cela ne demande que trois jours pour l’ambassade d’Italie lorsque nous déposons des demandes de visas pour les différentes missions que nous effectuons», a reconnu Abdallah Khanafou, mercredi dernier, sur les ondes de la Chaîne III de la Radio nationale.

Une autre question: quel intérêt a la France (si elle n’a pas répondu à la demande du ministère algérien) à «saboter» la présence algérienne à cette rencontre internationale, d’autant plus que son quota a été en grande partie récupéré par l’Egypte, la Libye, la Croatie et le Maroc? Dans un communiqué datant du 14 décembre dernier, l’ambassade de France à Alger avait confirmé que «en liaison avec le ministère des Affaires étrangères algérien, les autorités diplomatiques et consulaires françaises traitent toujours dans les meilleurs délais les demandes de visas déposées par les membres des délégations officielles algériennes devant se rendre en France». Le communiqué souligne également que «le consulat ne peut que constater qu’aucun dossier de demande de visas n’a été déposé par ces personnes (membres de la délégation algérienne à la réunion de la Cicta)».

L’absence des négociateurs algériens à la réunion de la Cicta a eu pour conséquence la perte, par l’Algérie, d’une grande partie de son quota annuel de pêche de thon rouge puisqu’il est passé de 618 tonnes à 138 tonnes seulement.

Cela ne semble pas inquiéter, outre mesure, le ministre algérien chargé du secteur. Toujours sur les ondes de la radio, M.Khanafou a précisé que «nous avons introduit des recours et émis des réserves sur les deux PV de la réunion» et que «pour l’instant, nous n’avons pas reçu de réponse. Nous avons un délai de six mois».

Ainsi, l’affaire prend de l’ampleur avec l’entrée en jeu du ministères des Affaires étrangères français pour appuyer sa mission diplomatique à Alger et stigmatiser le ministère algérien de la Pêche et des Ressources halieutiques.

Au rythme où vont les choses, l’affaire risque de prendre des allures d’une crise. D’où la nécessité de trouver les véritables fauteurs.

Karim AIMEUR