Deux responsables du ministère français des Affaires européennes et étrangères (MAEE) entreprendront, la semaine prochaine, une visite à Alger.
Ce sont deux diplomates dont l’un occupe la fonction de sous-directeur d’Afrique du Nord et le second est conseiller ANMO (Afrique du Nord- Moyen-Orient) à la direction de la prospective du MAEE. Ce séjour politique intervient au moment où les relations algéro-françaises font l’actualité au niveau des institutions politiques et milieux d’affaires algérois et parisiens.
Il faut croire, comme déjà rapporté dans ces colonnes, que les choses ont commencé à s’emballer entre les deux pays depuis que l’affaire du diplomate algérien Mohamed Hasseni a été classée par les tribunaux français sous la mention « non lieu ».
C’était une affaire en plus, Une affaire pour rien puisque ceux qui l’ont instrumentalisée n’ont pas osé aller jusqu’au fond de leur pensée. Elle n’a ainsi servi ni à un côté ni à un autre. Bien au contraire, elle a contribué à fortement envenimer leurs relations.
Depuis son règlement, de cette rive comme de l’autre, les esprits se sont quelque peu apaisés. Du côté français, on se dit prêt à faire « avec pragmatisme » et dans « le gagnant gagnant. » Du coup, ce sont les intérêts économiques qui sont mis en avant refusant ainsi -pour un temps peut-être- de s’enfoncer dans des considérations politico-historiques d’arrière- garde.
Les diplomates français s’activent actuellement à faire construire sur les hauteurs de Delly Brahim, l’école primaire française dont la décision de la rouvrir (puisqu’elle a déjà existé) date déjà de deux ans.
Il semble aussi qu’ils sont prêts à revoir les conditions d’octroi de visas aux ressortissants algériens pour, disent-ils, « corriger ce qui ne va pas et alléger davantage la procédure. » Mais à chaque rive son actualité, celle parisienne fait de ce qui se passe au Sahel sa priorité.
Il était attendu que la France garde tous ses yeux ouverts et ses moyens logistiques déployés sur cette région de l’Afrique parce qu’elle s’inquiète du sort de ses otages, ensuite parce que la région en question lui renferme des intérêts économiques et géostratégiques importants.
LES SERVICES ALGÉRIENS EN POINT DE MIRE
Les médias lourds français doublent d’efforts pour débattre de ce dossier. Il y a cependant des débats qui placent l’Algérie au centre de leur problématique. « Ce sont les services algériens qui nous ont appris qu’il y a risque d’attentats terroristes à Paris. »
« Ce sont les services algériens qui nous ont informé de la présence d’une femme kamikaze à Paris. » « La France se doit d’intervenir militairement au Sahel pour combattre le terrorisme, elle n’en fait d’ailleurs pas assez dans cette lutte. » « La France a déjà vécu en 1995 des attaques terroristes et a reçu beaucoup de menaces.
Il faut qu’elle intervienne au Sahel, parce que les terroristes qui se réclament d’El Qaïda Maghreb islamique ne sont autres que les éléments du GSPC algérien qui se sont constitués en Qaïda avec tout ce que cela comporte comme lourd contentieux historique entre l’Algérie et la France. »
« Les responsables de l’Algérie, de la Mauritanie et du Niger, qui siègent dans le commandement militaire africain se sont réunis à Tamanrasset mais l’on se demande comment pourraient-ils s’attaquer à El Qaïda et avec quels moyens. »
Ce sont là des propos qui ont été tenus lors de récents débats organisés par des chaînes françaises publiques. Il faut croire que Paris veut attraper d’une main ce qu’il n’a pas pu avoir avec les deux.
C’est-à-dire reprendre langue avec l’Algérie tout en essayant de l’impliquer dans des contentieux jusqu’à la faire plier sur certaines questions, puisqu’elle n’a pas cédé au chantage avec l’affaire Hasseni.
Si les autorités algériennes ont été offusquées par l’arrestation rocambolesque d’un de leurs diplomates sans qu’elles ne réussissent à convaincre Paris de revenir sur sa décision de le faire juger par ses tribunaux, elles doivent alors aujourd’hui fermer les yeux sur ce qui pourrait se passer au cas où la France décide d’intervenir militairement dans le Sahel.
LE FAIT ACCOMPLI DE LA FRANCE
C’est probablement ce qui est suggéré. D’autant que le Mali s’est arrangé pour faire apprendre aux services français que les otages étaient détenus à une centaine de kilomètres des frontières algériennes.
Comme si tout est fait pour la provoquer en l’empêchant en parallèle de dire son mot. Attendre pour voir plus clair, c’est peut-être là une attitude que les observateurs les plus avertis conseillent à Alger d’adopter.
En attendant que les choses se décantent sur le terrain… militaire que les Français pensent à occuper. Mais il faut reconnaître que la France a bien commencé à marquer ses territoires d’intervention au Sahel comme pour faire admettre à l’Algérie un fait accompli d’une présence qu’elle a, faut-il le rappeler, toujours désiré renforcer.
Lors de la réunion de Tamanrasset, le chef d’état major algérien a demandé aux pays signataires de l’accord du commandement militaire commun de respecter les engagements qu’ils ont pris pour assurer la sécurité dans la région.
Ce qui sous-entend qu’il y a eu un manquement grave à des responsabilités qui relèvent des seuls Etats africains. Une situation de laisser-aller qui a largement facilité l’entrée en lice de la France dans des territoires pourtant souverains.
Il n’y a pas raccourci plus crétin pour les Français que de laisser entretenir par leurs médias l’idée qu’El Qaïda, ce sont les éléments du GSPC algérien (…) « avec tout ce que cela suppose comme lourd contentieux historique entre l’Algérie et la France. » Que ce soit les éléments du GSPC qui ont décidé de changer d’appellation, cela ne changera rien au « statut » de terroriste qu’ils ont toujours affirmé. Mais qu’aujourd’hui la France veut trouver un lien entre le terrorisme et « le lourd contentieux historique » qu’elle traîne avec l’Algérie, il y a un pas qu’il ne faudrait pas s’entêter à franchir en raison de la dangerosité de ses conséquences sur la relation entre les deux pays.