«Mon père était un partisan de l’Algérie française, moi j’étais pour l’indépendance de l’Algérie» ! François Hollande a clamé haut et fort, durant sa campagne électorale pour l’Elysée, sa conviction anticoloniale. Une idéologie qu’il n’a pas héritée, comme Marine Le Pen, de «l’Algérie à papa». Pour celui qui a été un farouche adversaire du système colonial, l’histoire décomplexée ne doit pas être un obstacle mais un plus pour l’avenir commun avec l’Algérie. Il suffit d’être cohérent avec ses principes. C’est ce langage que les Algériens aiment entendre.
L’histoire commune de l’Algérie et de la France n’est pas faite seulement de guerre et de souffrance, malgré la nature brutale du système colonial.
Il peut paraître paradoxal que les relations qui se sont tissées avec des hauts et des bas durant ces cinquante dernières années aient atteint parfois des niveaux d’excellence jamais connus dans de telles conditions historiques entre une ancienne puissance coloniale et son ex-colonie.
Une qualité de coopération multiforme qui a, certes, évolué en dents de scie, mais qui, globalement, a su s’inscrire dans des perspectives d’avenir. Parce qu’à l’origine de cette volonté de coopérer ressentie et voulue aussi bien du côté algérien que français, quelle que soit la nature politique des gouvernements en place à Alger et à Paris, il y a donc l’histoire commune qui condamne au destin commun.
Les binationaux
Le facteur humain est aujourd’hui le plus solide argument qui plaide en faveur d’une coopération exemplaire entre l’Algérie et la France. Depuis des générations, une importante communauté algérienne vit en France. Elle est estimée aujourd’hui à quelque trois ou quatre millions de binationaux qui se considèrent (se sentent) et se revendiquent comme Algériens et Français.
C’est pareil pour les Français nés en Algérie ou de souche française qui ont choisi de vivre pleinement leur «algérianité» dans une société traditionnellement hospitalière et ouverte à la culture universelle. Le moudjahid feu Pierre Chaulet et son épouse Claudine en sont le plus parfait exemple.
C’est cette base humaine, solide, qui constitue le socle de la coopération algéro-française. Un rempart également aux conjonctures politiques les plus inopportunes et aux accidents de parcours dus à une certaine tendance à vouloir faire l’impasse sur l’histoire commune et le facteur humain commun.
Inversement, les relations entre Paris et Alger se sont reconsolidées lorsque la volonté de coopérer a su redonner leur véritable sens à l’histoire et au facteur humain communs.
Cette conviction est celle du président Abdelaziz Bouteflika qui a entrepris de redéfinir le concept de communauté nationale au sens le plus large, pour à la fois réhabiliter l’histoire communautaire et ouvrir plus grandes les portes de l’avenir entre les deux pays. Les deux peuples algérien et français.
Une conviction partagée par la gauche en France. Dès son accession au pouvoir en mai 1981, l’une des décisions de portée historique prise par François Mitterrand fut de favoriser l’intégration de la communauté immigrée qui est en majorité algérienne.
Mitterrand a mis fin à la législation sectaire de l’ancien régime giscardien fondée sur la marginalisation de la seconde et même de la troisième génération, souvent celles dont les parents et grands-parents ont contribué à libération de la France durant les deux guerres puis à sa richesses nationale et à sa prospérité économique.
La nouvelle page
En cette fin de l’année 2012, le terrain est favorable à l’ouverture d’une nouvelle page dans les relations de coopération entre Alger et Paris dont les gouvernements font la même lecture du projet commun d’avenir fondé sur l’axe majeur de leur politique étrangère qu’est le facteur humain.
N’est-ce pas sur la question de l’immigration, question essentielle pour le gouvernement algérien, que l’extrême droite et la droite radicale qui a gouverné jusqu’en mai 2012 a attaqué le candidat socialiste François Hollande ? Pour s’être rendu comme candidat en Algérie d’abord ! Un geste fort qui affiche ses priorités.
Surtout, aussi, pour avoir assisté, le 17 octobre 2011 au bord de la Seine, à la cérémonie officielle en hommage aux victimes algériennes de la répression des forces de police de Maurice Papon. Enfin pour avoir a fait de l’Algérie sa destination officielle prioritaire, hors bien sûr l’Union européenne.
Le gouvernement algérien, il faut le souligner, n’avait jamais fait mystère de son soutien au candidat Hollande. Du désir de voir la gauche revenir au pouvoir. De Jean-Luc Mélenchon à François Hollande. Les rapports entre le président Abdelaziz Bouteflika et le nouveau président français partaient de ce besoin commun de refonder les relations entre l’Algérie et la France sur leurs bases les plus solides. L’histoire commue.
Vers une coopération de partenariat
Depuis mai dernier, les échanges de visites politiques de haut niveau se sont multipliés entre les deux capitales. A Alger, le chef de la diplomatie Laurent Fabius, le ministre de l’Intérieur François Valls, leurs collègues de l’Industrie Arnaud Montebourg, dont le grand-père maternel est algérien, ou de la Francophonie, la franco-algérienne Yamina Benguigui, ont constaté que toutes les perspectives sont ouvertes pour une coopération économique, politique ou culturelle au niveau des relations historiques qui unissent l’Algérie à la France.
Ces relations devront cesser d’être exclusivement marchandes pour être culturelles, technologiques, scientifiques et politiques dans un véritable cadre de partenariat dense en liens humains, créateur d’emplois et de richesses renouvelables.
C’est ce qui est attendu de la visite qu’entreprend aujourd’hui en Algérie le président François Hollande, à l’invitation du président Abdelaziz Bouteflika dont la visite d’Etat en France est à l’ordre du jour.
Hania A.