Noëlle Lenoir, première femme membre du Conseil constitutionnel français et ancien ministre déléguée des Affaires européennes, a animé hier une conférence au Centre culturel français (CCF) à Alger, sur les relations franco-méditerranéennes et la relation franco-algérienne.
Le thème qu’elle a choisi d’aborder au CCF « les relations franco médi terranéennes et franco algériennes » est jugé par l’ambassadeur de France « difficile et politiquement important. » Cette ancienne ministre dans le gouvernement Raffarin a tenu à rappeler son passé en Algérie en tant qu’épouse d’un coopérant français dans les années 70.
« J’ai passé beaucoup de temps ici, » a-t-elle dit. C’est dire que les « amis » de l’Algérie ont toujours des liens directs avec un pays avec lequel la France n’arrive toujours pas à trouver un juste milieu d’alliance.
Prises d’un emballement presque subit ces derniers temps, les visites politiques françaises en Algérie sont ainsi ponctuées par d’autres qualifiées plutôt « d’amicales. » Alger a déjà reçu « un ami de l’Algérie », Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l’Intérieur et aussi de la Défense sous Jacques Chirac. Son passage et notamment sa conférence ont été fortement appréciés par ses « amis » algériens.
Entre temps, la visite d’Anne-Marie Idrac, la secrétaire d’Etat française au Commerce extérieur est venue elle, affirmer politiquement et officiellement la volonté de la France de (re)nouer avec l’Algérie des relations de partenariat « concrètes et pragmatiques. »
Quelques jours plus tard, ce sont deux responsables du ministère des Affaires européennes et étrangères (MAEE) qui ont séjourné à Alger sans trop « se faire voir ». Leur visite n’a pas été médiatisée mais il est clair qu’elle s’inscrit dans cet « emballement » des relations entre les deux pays. En attendant l’arrivée d’Anne Alliot-Marie pour le début de la semaine prochaine.
Pressentie par les milieux politiques français pour être éventuellement nommée Premier ministre, Alliot- Marie n’en est pas moins cotée en occupant actuellement le poste de ministre d’Etat, garde des Sceaux, ministre de la Justice et des Libertés. Elle est d’ailleurs comptée parmi les poids lourds sur lesquels table Sarkozy -pris au cou par de graves crises sociales- pour lui prêter mainforte.
Elle est, en tout cas, bien placée pour plaider convenablement la reprise des relations entre l’Algérie et la France.
LES VISITES « TÉMOINS »
« Plusieurs autres visites encore plus importantes sont programmées pour les jours à venir, » nous disait un diplomate français, il y a quelques jours.
Si les visites politiques officielles françaises en Algérie sont bien mises en avant par l’ambassade de France à Alger, les autres celles « amicales » sont plutôt gardées discrètes. Un responsable du Quai d’Orsay estime que ces dernières sont « pour entretenir un bruit de fond entre les deux pays ».
Pour les responsables au Quai d’Orsay, « c’est important d’organiser des visites des témoins de la relation algéro-française. » Paris a peutêtre peur de tomber dans l’oubli d’une Algérie qui cherche plutôt à diversifier ses partenaires.
Il semble pour cela, que les Français sont prêts à entendre les doléances algériennes, sans trop rechigner sur un passé lourd de blessures, de contentieux et de bavures historiques.
Les responsables français ont accepté de s’aligner sur le voeu des Algériens « de ne faire que dans l’économique ».
Du moins pour un début. « On a répondu au voeu du Premier ministre, Ahmed Ouyahia qui nous a dit que l’économique passe avant, » nous a expliqué un haut responsable du Quai d’Orsay. « Quand M. Guéant, le SG de l’Elysée, est venu à Alger, c’était dur, on ne pouvait pas communiqué, » avouet- on.
L’affaire Hasseni pesait à ce moment là lourdement sur les relations entre les deux pays. « Claude Guéant a beau être à partir de l’Elysée, le gestionnaire n°1 de la relation franco-algérienne, mais avec ce lourd contentieux, il n’avait pas le droit de venir revendiquer quoi que ce soit, » nous disent des responsables algériens.
LE VOEU D’OUYAHIA
Paris a donc répondu tout de suite à « ce voeu d’Ouyahia », bien calculé, en portant son choix sur Raffarin qui devra désormais parler en son nom auprès de l’Algérie. Cet ancien Premier ministre est présenté par les Français comme
« un gestionnaire d’entreprise qui connaît bien les questions économiques. » Pour eux, sa nomination « est une manière de porter le dialogue au niveau économique. » Leur exemple « il a bien géré le contentieux entre Paris et Pékin. »
Les responsables français pensent que « ce n’est pas dans l’intérêt de la France de garder une relation débridée avec l’Algérie.. » C’est, disent- ils, « un pays qu’on considère comme le poids lourd de la région, démographiquement et historiquement. » La visite de Raffarin à Alger pourrait intervenir à la fin du moins de novembre prochain.
« Il n’y a pas encore de date précise, on attend la confirmation du côté algérien, » nous disent nos interlocuteurs du Quai d’Orsay. Mais quelque chose les tient à coeur. « Ce qui manque une peu, ce sont les visites des ministres algériens en France. Les dernières remontent, à 2007, celle de Zerhouni et en 2008 celle de Djoudi ». « Les ministres algériens se déplacent à travers le monde mais ne viennent pas en France qui est juste à côté.
Nous sommes très demandeurs de contacts avec les autorités algériennes, mais nous n’avons pas de réponse, » se plaignent- ils. Bien qu’ils se disent disponibles à créer « des partenariats pragmatiques »
avec l’Algérie, les Français continuent de regretter « la mauvaise interprétation des règles de gestion et de coopération sur le terrain, l’arbitraire, la lourdeur des procédures, quand on change de week-end comme ça, le manque de communication, l’instabilité juridique…Une entreprise, c’est très complexe pour s’adapter. » Ils rappellent que « le Credoc, ça a d’abord pénalisé les entreprises algériennes avant celles françaises. »
Pour eux, les problèmes « bloquants » sont « le foncier industriel, les transferts de bénéficies, la formation de la main-d’oeuvre, les autorisations administratives très dures à avoir, c’est le parcours du combattant, chaque entreprise a son lot de problèmes. »
Evidemment, « ce ne sont pas des problèmes insurmontables, surtout que le pays a beaucoup d’argent. Vous avez 150 milliards de dollars de réserves de change mais vous financez avec l’économie américaine en achetant des bons de caisse du Trésor américain, qui lui, renfloue les fonds des guerres américaines. »
Nos interlocuteurs notent avec un sourire en coin qu’« on a la même chose en argent mais en dette ! » Ils concluent par une note d’espoir « si le marché algérien était organisé et les choses claires, ça aurait été l’Eldorado. »
Ghania Oukazi