Mourad Medelci et Alain Juppé ont eu, hier soir, à Alger, des discussions qui leur ont permis d’«aller au fond des sujets». Les entretiens ont porté notamment sur «les questions économiques et politiques entre les deux pays».
Juppé a affirmé ce matin que l’objectif de la France était d’établir des relations avantageuses avec l’Algérie.
Les ministres des Affaires étrangères, Mourad Medelci, et son homologue français, Alain Juppé, ont eu, hier soir, à Alger, un entretien suivi d’un dîner «chaleureux» qui leur a permis d’«aller au fond des sujets». Les entretiens ont porté sur les relations bilatérales, revenues au beau fixe et qualifiées, côté français, de «relations d’amitié», ainsi que sur les questions régionales, a indiqué à l’AFP par téléphone un membre de la délégation française.
La situation en Libye, mais aussi le Sahel, ont été abordés, de même que les événements dans le monde arabe, en particulier l’initiative de conférence de paix israélo-palestinienne du président Sarkozy, ont été longuement exposés, a-t-on précisé de même source. En tout, les deux hommes et leurs délégations respectives ont eu des échanges qui ont duré environ trois heures. A son arrivée à l’aéroport international Houari-Boumediene, M. Juppé a indiqué, dans une déclaration à la presse nationale et internationale, que «l’Algérie et la France avaient tout intérêt à entretenir des relations très étroites, notamment sur le plan des rapports économiques». Il a ajouté que ses entretiens avec les dirigeants algériens porteraient sur «les questions économiques et politiques dans les relations entre les deux pays, mais aussi sur de grandes questions internationales».
Le Quai d’Orsay a estimé, mardi, que cette visite vient consacrer l’approfondissement des relations politiques entre les deux pays et permettrait de «progresser» sur des dossiers régionaux stratégiques. Revenant sur le dernier forum des hommes d’affaires algéro-français, M. Juppé l’a qualifié de «très grand succès qui a marqué la volonté de la France et de l’Algérie d’avoir des relations très confiantes et très apaisées, notamment dans le domaine économique où il y a beaucoup de choses à faire», a dit le ministre français. La visite de M. Juppé, la première d’un ministre français des Affaires étrangères en Algérie depuis 2008, répond «à une volonté commune d’édifier un partenariat d’exception», a indiqué le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Amar Belani.
«C’est une visite tournée vers l’avenir et vers des solutions à des problèmes si, par hasard, il en existait encore», a-t-il déclaré, hier, à notre confrère El Watan. Arrivé hier soir pour une visite de 24 heures, à l’invitation du ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, M. Juppé devrait être reçu, ce jeudi matin, par le Premier ministre Ahmed Ouyahia, puis par le Président Abdelaziz Bouteflika. Il prendra ensuite l’avion pour se rendre à Oran jumelée à Bordeaux, ville du sud-ouest de la France dont il est le maire, pour y rencontrer ses pairs et de jeunes Algériens, avant de repartir, en fin de journée, à Paris.
R. N. / Agences
Libye, Sahel et frontière au menu
Les entretiens entre les deux parties ont porté également sur la Libye, la frontalière de l’Algérie et le Sahel. La situation dans le monde arabe a également été abordée avec un exposé approfondi de l’initiative du Président Nicolas Sarkozy d’organiser une conférence de paix israélo-palestinienne, a précisé à l’AFP un membre de la délégation française. A une question sur la crise libyenne, M. Juppé s’est limité à cette réponse : «Nous parlerons de la Libye, qui est dans une situation difficile, mais je ne peux pas vous dire, avant, de ce dont nous allons discuter.»
Le conflit libyen a des conséquences certaines sur le Sahel où opère Al-Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi), responsable de l’enlèvement de nombreux Occidentaux dont quatre Français à la mi-septembre que Paris cherche à récupérer. Notre pays qui condamne tout versement de rançon, est très inquiet d’un renforcement des capacités d’Aqmi qui a acquis des armes supplémentaires à la faveur du chaos libyen.
Un renouvellement du partenariat
L’arrivée de M. Juppé couronne plusieurs visites ministérielles françaises entamées l’an dernier et qui ont abouti à des promesses renouvelées de partenariat. Fin mai, l’envoyé spécial de M. Sarkozy, Jean-Pierre Raffarin, et son interlocuteur algérien Mohamed Benmeradi, ministre de l’Industrie, de la PME et de l’Investissement, ont organisé un Forum économique avec plus de 600 entreprises. Du jamais vu à Alger. Les deux hommes ont quasiment réussi à boucler 12 gros dossiers économiques qui traînaient. La page a été tournée également pour d’autres litiges juridiques et diplomatiques mais il reste l’éternel débat sur la Guerre d’Algérie et les responsabilités de l’ancienne puissance coloniale ravivées à l’approche du cinquantenaire de l’Indépendance algérienne en 2012.
Histoire
A un journaliste qui lui demandait s’il s’agit d’une nouvelle occasion de «tourner la page» entre les deux Etats, le chef de la diplomatie française a observé qu’il «n’était pas là pour parler du passé et pour faire un travail de mémoire» mais pour «parler de l’avenir, des projets communs, de la vision que nous avons des grandes questions notamment tout ce qui se passe autour de la Méditerranée». «En un mot, nous sommes là pour construire cette relation sur des bases de confiance et d’esprit d’égalité», a conclu M. Juppé.
Conférence de presse ce matin
Juppe : «établir des relations avantageuses»
Le chef de la diplomatie française a déclaré ce matin que l’Elysée est favorable à un arrêt de conflit au territoire libyen à condition que le régime de Kadhafi accepte ceci : d’abord qu’il retire son armée des casernes, ensuite de céder le pouvoir à un conseil militaire, et enfin d’impliquer le Conseil national de transition (CNT) dans le changement démocratique de Libye. Par ailleurs, Alain Juppé, a démenti l’implication de l’Algérie dans l’acheminement de mercenaires en Libye qualifiant cette information «d’infondée». Le ministre français a également souligné que lors des entretiens qu’il a eus avec son homologue algérien et avec le Premier ministre Ahmed Ouyahia, il a constaté «l’attachement» de l’Algérie et son respect des résolutions de Conseil de sécurité.
Interrogé sur le dossier des essais nucléaires français en Algérie, le ministre des AE français a affirmé que cela n’entrave pas les relations algéro-françaises dans la mesure où la France a accepté l’indemnisation des victimes algériennes. Concernant la question de la reconnaissance des crimes coloniaux, M. Juppé s’est contenté de dire que «la France ne s’engagera pas dans une attitude de repentance». S’agissant des archives qui défraient la chronique ces derniers temps, le ministre français des AE a affirmé que ce problème sera réglé incessamment car les deux parties se sont mises d’accord pour constituer un groupe de travail commun pour se pencher sur ce problème. Pour ce qui est des relations économiques entre les deux pays, M. Juppé dira que la partie française cherche «des relations avantageuses avec la partie algérienne» tout en rappelant que cela se fait entre les entreprises des deux pays.
M. Juppé a affirmé que la question du Sahara occidental n’entrave pas les relations économiques dans la région, notamment entre l’Algérie et le Maroc. A signaler, par ailleurs, que le chef de la diplomatie française devait être reçu ce jeudi matin, par le chef de l’Etat pour lui transmettre le message du Président Sarkozy et évoquer avec lui les différents volets de partenariats entre l’Algérie et la France. Cet après-midi, M. Juppé devait se rendre à Oran pour rencontrer le maire de cette ville en sa qualité de maire de Bordeaux pour signer des partenariats entre les deux villes. Pour sa part Mourad Medelci a réaffirmé les positions de l’Algérie envers les différentes questions évoquées lors de la conférence de ce matin.
D.D